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Partie 3 – Analyse critique des pratiques et d’intérêt sur l’utilisation de la modélisation

1. Démarche méthodologique de retour d’expérience

Le développement qui suit concerne la démarche méthodologique permettant de discuter l’intérêt d’utiliser les modèles en vue d’apporter des réponses pragmatiques sur la répercussion de ces réflexions sur les programmes opérationnels en environnement.

Dans l’objectif de mettre en perspective les points de vue des utilisateurs de modèles, nous avons mis en place une dernière démarche méthodologique. Celle-ci nous a permis de nous focaliser sur les retours d’expériences de plusieurs agents appartenant à l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et utilisant régulièrement les modélisations dans le cadre de leurs échanges avec divers acteurs. Cette démarche méthodologique entre exclusivement dans le cadre de la production du rapport universitaire et fut menée en parallèle du stage professionnel. En effet, au cours des mois de stage, nous avons eu l’occasion à plusieurs reprises d’échanger avec de nombreux agents essentiellement sur les missions de stage confiées par la Délégation Adour et Côtiers. Les échanges avec ces personnes représentaient également une opportunité d’aborder notre thématique universitaire et d’enrichir notre réflexion scientifique à propos de l’intérêt d’utiliser la modélisation dans des programmes opérationnels en environnement.

En complément de la bibliographie scientifique et technique, l’utilisation de la modélisation a donc été discutée à travers des entretiens semi-directifs avec des personnes ressources. La mise en place d’entretiens semi-directifs permet de recueillir des informations notamment sur les pratiques à travers un dialogue entre l’enquêteur et l’enquêté(e). Cette démarche permet donc de pousser la réflexion scientifique sur une problématique dont certains aspects comme les retours d’expérience peuvent être obtenus uniquement par le biais d’entretiens. Le choix de la démarche s’est porté sur les entretiens semi-directifs car cette méthode laisse l’enquêté(e) relativement libre dans ses paroles : il n’est pas contraint par exemple par les réponses, le temps ni le jugement. Néanmoins, l’enquêteur instaure un cadre à l’entretien, déterminé par les thématiques sur lesquelles il souhaite échanger et les questions de relance. Ces dernières permettent de lancer le dialogue sur un aspect pas encore abordé par l’enquêté(e), voire de compléter ces propos en éclaircissant certains points.

Afin d’obtenir des entretiens constructifs, il est nécessaire en amont de renseigner l’enquêté(e) sur certains aspects pour que les informations transmises soient exploitables. Il est ainsi nécessaire de formuler correctement les attentes liées à l’entretien, son déroulement et dans quel contexte l’échange sera analysé. Il en va de même sur la méthodologie de l’entretien semi- directif afin que la personne interrogée ne s’attende pas à un jeu de question-réponse mais bien à un dialogue voire un monologue de l’enquêté(e). Dans la mesure où l’ensemble de ces éléments est donné à l’interrogé(e), alors l’entretien peut avoir lieu, voire être enregistré avec l’accord de la personne pour faciliter la retranscription et l’analyse des informations transmises. Les entretiens semi-directifs portent exclusivement sur l’une des modélisations étudiées au cours du stage professionnel. Le traitement d’un seul modèle nous permet de nous focaliser entièrement sur le contexte d’utilisation de l’outil et d’aller plus loin dans les entretiens. A terme nous aurons ainsi une vue d’ensemble sur l’un des modèles au lieu d’éléments

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difficilement comparables sur plusieurs modèles, donc plus délicats à analyser et moins intéressants pour notre développement.

Le choix s’est donc porté sur la modélisation SYRAHCE qui évalue les pressions et les risques d’altérations hydromorphologiques des cours d’eau à l’échelle nationale. En effet, il s’agit dans un premier temps de la modélisation que nous avons principalement étudiée au cours du stage et sur laquelle de nombreuses attentes avaient été formulées par la Délégation Adour et Côtiers. Nous avons donc eu l’occasion à plusieurs reprises d’échanger sur cette modélisation avec à la fois des personnes de la délégation et des unités territoriales du bassin ainsi que des membres de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne. Un autre point est que cette modélisation est la plus connue par les acteurs locaux en comparaison des deux autres modélisations étudiées. Son application sur le terrain a été maintes fois questionnée, approuvée et nuancée d’où notre intérêt à nous interroger sur cette modélisation. Par ailleurs, le contexte hydromorphologique est une thématique largement étudiée au sein du bassin régional : les problématiques relatives à l’hydromorphologie sont connues et traitées avec une grande attention de la part de l’Agence. Il semble ainsi cohérent de nous focaliser lors des entretiens sur la modélisation SYRAHCE. A l’instar des méthodes de recueils d’informations par entretiens, l’entretien semi-directif nécessite la sélection d’échantillon de population à soumettre à l’exercice. Dans notre contexte, nous souhaitions échanger avec des personnes sur leur avis concernant l’utilisation d’un modèle en amont d’un programme opérationnel sur l’environnement. Par ailleurs, les échanges porteront sur leurs pratiques techniques relatives à la modélisation et leurs retours d’expériences en tant qu’intermédiaires entre les acteurs locaux et les acteurs ayant formalisé l’outil en question. La décision a donc été de réaliser ces entretiens sur deux types de population : les premiers entretiens concernent la méthodologie de conception du modèle et questionnent les enjeux et limites de ces outils avec des individus ayant participé à leur élaboration. Les seconds entretiens nous permettent d’appréhender l’utilisation de ces modèles par des agents qualifiés sur plusieurs programmes de mesures. Ces échanges engagent des discussions relatives au contexte de mobilisation de l’outil, son efficacité et son intérêt par rapport aux enjeux de l’Agence de l’Eau et ses équivalences locales. Finalement, les entretiens réalisés nous permettront de dépasser le cadre conceptuel de l’intérêt de la modélisation dans les démarches opérationnelles actuelles que nous avons fait émerger précédemment à travers les publications scientifiques.

Suite à la définition de l’échantillon de population à interroger, il faut désormais produire une grille d’entretien. Dans notre cas de figure, il est nécessaire d’élaborer deux grilles d’entretien différentes : l’une pour la population dite des développeurs, l’autre pour la population dite des

utilisateurs. Certaines thématiques sont à traiter dans les deux cas de figure ; l’autre partie des

grilles est relative à des thématiques plus spécifiques concernant d’une part l’élaboration de la modélisation, d’autre part son utilisation régulière. En amont des grilles, une consigne propre à chaque échantillon est annoncée à l’interrogé(e) lors de l’entretien afin d’engager l’échange dans le contexte adéquat. En exemple, la consigne pour la population des développeurs est la suivante : « L’entretien semi-directif réalisé dans cette étude consiste à recueillir, à travers

une discussion entre l’enquêteur et l’enquêté(e) des informations relatives à l’intérêt de la conception de modèles d’un point de vue général mais aussi dans le cadre d’études en hydromorphologie. La discussion sera orientée par des thématiques présentées auparavant à l’enquêté(e), mais également sur des points annexes avancés par l’enquêté(e) si celui-ci les trouve pertinents à la fois pour l’étude et pour la compréhension globale de l’échange. La

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durée de l’entretien dépendra de l’enquêté(e) et des informations qu’il souhaite échanger. Enfin, l’échange sera enregistré pour des questions pratiques de retranscription ; l’anonymat de l’enquêté(e) sera respecté si celui-ci en fait la demande. Je souhaiterais que l’on échange à propos de l’intérêt de concevoir des modélisations pour appuyer des études scientifiques ainsi que des démarches opérationnelles notamment en hydromorphologie. On pourra parler d’enjeux, de réflexion et d’échanges entre les divers acteurs, de méthodologie, des avantages et des inconvénients de la modélisation, etc. ».

Thématique abordée en entretien Echantillon « développeur »

Echantillon « utilisateur »

L’intérêt, la perception et le mode d’utilisation de la

modélisation en général X X

Les méthodes de validation de la modélisation X

Les enjeux de la modélisation en général et en

hydromorphologie X

Les avantages de l’outil comparé à d’autres depuis 2008 X

Les limites et difficultés rencontrées de la mise en place

à l’utilisation X X

Le retour d’expérience X

La place de la réflexion et de la collaboration avec les

acteurs sur le recours à la modélisation X X

La pérennité de l’outil X

Les enjeux relatifs aux démarches opérationnelles X

Le lien et l’application avec le local X

Figure 11 : Récapitulatif des thématiques abordées en entretien semi-directif

L’application de cette démarche méthodologique fut délicate à mettre en place. En effet, alors que les échantillons donnaient la possibilité d’effectuer des entretiens semi-directifs sur des effectifs corrects, il fut en réalité difficile d’avoir des retours positifs. Plusieurs raisons à cela : les agents n’étaient pas disponibles soit à cause de la surcharge de travail, soit déjà partis en vacances. Le recours à d’autres agents n’a pas été possible du fait du nombre limité d’agents en mesure de faire un retour en tant qu’intermédiaire entre l’Agence de l’Eau et le local sur la question du modèle en hydromorphologie. Il en ressort ainsi que seulement trois personnes ont pu être interrogées dans le cadre de cette étude : une personne pour la population « développeur », deux personnes pour la population « utilisateur ». Malgré ce manque de représentativité indéniable, les personnes interrogées sont des agents travaillant depuis de nombreuses années sur les modélisations et/ou la thématique de l’hydromorphologie. Leur utilisation de la modélisation SYRAHCE est donc expérimentée avec des retours d’expériences individuels et subjectifs très intéressants à analyser.

Le biais de représentativité est quelque peu compensé par le contenu des entretiens semi- directifs : l’entretien avec Patricia Poulain en tant que « développeur » atteint une durée de près de deux heures, les entretiens de Charles-Eddy Piot et Jérôme Salaün-Lacoste en tant qu’« utilisateurs » ont duré respectivement une heure et quarante-cinq minutes (Annexe 5). L’effectif restreint des entretiens semi-directifs nous a tout de même permis d’échanger sur l’ensemble des thématiques et d’obtenir des informations intéressantes sur les retours d’expériences de ces trois personnes. Ces entretiens constituent des éléments supplémentaires que nous avons décidé d’analyser en troisième partie de notre développement. En effet, lors

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des entretiens, nos questions relatives à l’intérêt d’utiliser la modélisation dans un programme opérationnel en environnement ont trouvé des réponses variées, soulevant d’autres questionnements sur l’usage de la modélisation en général.