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La dégradation active de l’ARNm par un sRNA bactérien

CHAPITRE 5 : DISCUSSION et CONLUSIONS

6 Les mécanismes de répression de l’expression génique par un sRNA

6.2 La dégradation active de l’ARNm par un sRNA bactérien

Dans la plupart des cas, la dégradation nucléolytique par un sRNA débute par la liaison du sRNA au SLR, bloquant l’initiation de la traduction de l’ARNm. Puis, il y a recrutement de la machinerie de dégradation et un clivage interne de l’ARNm, menant à la dégradation rapide du complexe ARNm-sRNA. De manière intéressante, il a été montré auparavant que l’arrêt de traduction pouvait être suffisant pour déstabiliser un ARNm (Dreyfus, 2009). En effet, au moins dans le cas de RyhB, l’ajout d’un codon d’arrêt de traduction au début du cadre de lecture de sodB entraînait une diminution du niveau de l’ARNm de manière dépendante du sRNA (Prevost et al., 2011). Toutefois, il a été démontré que l’inhibition de la traduction n’était pas l’unique responsable de la dégradation de l’ARNm. Bien que l’ajout d’un codon d’arrêt dans sodB soit suffisant pour le déstabiliser, le sRNA RyhB devait être présent pour observer une dégradation rapide et entière de l’ARNm (Prevost et al., 2011). Ces observations supposent que la RNase E, une fois la traduction inhibée, peut cliver l’ARN dans l’ORF sur un site de clivage qui n’est plus protégé par les ribosomes. Il a été démontré que trois des cibles de RyhB, les ARNm sodB, fumA et iscS avaient un site de clivage limitant de la RNAse E à distance du site d’appariement de RyhB, dans le cadre de lecture. La dégradation de ces ARNm est dépendante de la chaperonne Hfq et du dégradosome ARN. Les résultats présentés dans le chapitre 3 supportent le modèle de régulation nucléolytique, montrant d’abord que RyhB bloque la traduction de l’ARNm acnB (Figure 4B, chapitre 3). Les résultats subséquents confirment in vitro et in vivo qu’un site de clivage à distance situé loin en aval dans l’ARNm, chevauchant le cadre de lecture et le 3′UTR, est crucial pour cette régulation (Figure 5B et C, chapitre 3). Dans cette étude, il a été démontré que le dégradosome ARN était essentiel à cette régulation in vivo, mais pas la RNAse E. Dans le but de confirmer que l’activité endonucléolytique de la RNAse E était bien impliquée dans la dégradation d’acnB in vivo, un mutant thermosensible de la RNase E (rne3071), qui est inactivé à 44oC, a été utilisé (Figure 11) (Apirion et Lassar, 1978). Comme prévu, l’acnB est rapidement dégradé à 30oC dans les deux souches (wild-type et rne3071). Par contre, l’inactivation de la RNase E, en passant la culture de 30oC à 44oC, résulte en une accumulation de l’ARNm acnB, confirmant l’importance de l’activité endonucléolytique de l’enzyme (Figure 11A lignes 13 à 16, comparé à B lignes 29 à 31).

Dans la suite logique des choses, des mutants des composantes du dégradosome ont été utilisés dans le but de mieux comprendre les éléments impliqués dans la régulation nucléolytique d’acnB par RyhB (Figure 12). Les mutants de liaison de la polynucléotide phosphorylase (∆pnp) et de l’hélicase RhlB/d’Hfq (rne∆14) sur la région C-terminal de la RNAse E augmentent la résistance à la dégradation induite par RyhB. Le mutant hfq cause lui aussi un délai dans la dégradation d’acnB dépendante de RyhB, celui-ci étant toutefois moins marqué que pour les autres mutants. Ce dernier résultat ne diminue pas pour autant l’importance d’Hfq dans la régulation d’acnB, déjà montré pour faciliter l’appariement de RyhB et aider à bloquer la liaison du 30S in vitro par analyse d’inhibition d’extension d’amorce (toeprint assay) (Figure S3, chapitre 3).

De manière intéressante, le mutant ∆pnp est le seul des trois mutants à n’affecter qu’acnB, et non la dynamique de dégradation de sodB. La PNPase, avec l’aide de l’hélicase RhlB, est connue pour faciliter la dégradation de structures secondaires (voir section 1.1). Or, le site de clivage limitant de la RNase E qui a été caractérisé pour cette cible se situe près d’une structure tige-boucle, dans le 3′UTR d’acnB, pouvant nécessiter l’action de l’hélicase et de la 3′-5′ exoribonucléase pour être dégradé efficacement.

Un exemple similaire de régulation a été montré pour la cible de RyhB grxD, dont la dégradation est dépendante du dégradosome ARN in vivo. En effet, le mutant rne-131 abolit la dégradation induite par RyhB dans un milieu riche en Fe (Figure 5, chapitre 4). De plus, cette cible a été trouvée pour être clivée in vitro par la RNAse E dans son extrémité 3′UTR (Figure 5, chapitre 4). Subséquemment, le 3′UTR de grxD s’est révélé une région essentielle in vivo pour la régulation négative par RyhB, corroborant avec l’hypothèse du site de clivage à distance pour cette cible (Figure 6, chapitre 4).

L’intérêt d’initier le clivage d’acnB et de grxD aussi loin du site d’appariement du sRNA aurait probablement un lien avec la régulation de ces ARNm par apo-AcnB. Il a été démontré que la liaison de la protéine apo-AcnB sur la tige-boucle dans le 3′-UTR d’acnB, à proximité du site de clivage, offrait une protection stérique contre le clivage de la RNAse E (Figure 5D et E, chapitre 3). Ainsi, il serait tout à fait possible que la protection de grxD par apo-AcnB soit permise par un mécanisme similaire, le site de clivage de la RNAse E se trouvant dans la région 3′ non codante, à proximité de la tige-boucle prédite pour lier l’apo-AcnB.

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Figure 11. La RNase E participe à la régulation d’acnB par RyhB

(A) Buvardage Northern du mutant thermosensible de la RNAse E (rne3071). À 30oC, la RNase E est active et clive l’acnB pour initier sa dégradation. Lorsqu’indiqué dans la cinétique, les cultures sont incubées à 44oC permettant d’inactiver la RNAse E. L’extraction d’ARN total a été faite dans le milieu LB et RyhB a été exprimé à partir d’un promoteur inductible à l’arabinose (pBAD-ryhB). L’ARN ribosomal 16S a été utilisé comme contrôle de chargement et l’ARN ribosomal 5S comme contrôle d’inactivation de la RNAse E, l’une des ribonucléases impliquées dans sa maturation. (B) Buvardage Northern fait dans une souche sauvage de la même façon qu’en A.

Figure 12. Les composantes du dégradosome ARN impliquées dans la dégradation de l’ARNm acnB

Buvardage Northern comparant la cinétique de dégradation de la cible acnB par RyhB dans différents mutants des composantes du dégradosome ARN. Le mutant ∆pnp correspond au mutant d’attachement de la PNpase sur la région C-terminale de la RNase E. Le mutant rne∆14 est muté dans la région de liaison des protéines RhlB et/ou d’Hfq de la RNase E. Finalement, la souche ∆hfq est mutée pour l’expression de la protéine Hfq.

Dernièrement, une découverte montrait que la protéine Aconitase interagissait avec le C- terminal de la RNase E chez Caulobacter crescentus pour faire partie du dégradosome ARN (Hardwick et al., 2011). En contrepartie, chez E. coli, le dégradosome ARN inclut la liaison avec l’énolase, aussi une protéine métabolique (Mackie, 2013). Une expérience d’immunoprécipitation de la RNase E chez E. coli présentait un faible enrichissement de la protéine AcnB, suggérant une possible interaction de la protéine avec le complexe (résultats préliminaires non montrés). Toutefois, même si le rôle de cette interaction n’a toujours pas été démontré, on peut émettre l’hypothèse qu’il pourrait servir à recruter la machinerie de dégradation dans le cas où apo-AcnB régulerait une cible de manière négative. L’aconitase B pourrait aussi simplement remplacer l’énolase et stabiliser le C-terminal de l’enzyme.