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Chapitre 2. Cadre théorique et méthodologique

I- 1.2.1 Définitions opératoires des critères retenus

C’est un concept difficile à cerner parce qu’ « il existe autant de définitions de l’équité, que de conceptions différentes de ce qu’est la justice sociale » (Potvin et al., 2008 cité dans Morestin et al., 2010). Toutefois, « l’équité en santé renvoie à un jugement sur la valeur de justice sociale. Elle réfère au redressement du caractère injuste d’une inégalité observée soit dans la distribution d’une ressource qui permet la santé ou dans un état de santé » (Potvin, Moquet et Jones, 2010, p. 30). En effet, le concept d’équité peut être analysé sous plusieurs angles : équité financière, équité d’accès, équité sanitaire (Champagne et al., 2005). Dans cette étude, nous nous inscrivons dans la même mouvance que Ridde (2007) en considérant les deux premières acceptions de l’équité évoquées. Il s’agira donc d’aborder le concept en termes d’accès aux soins de santé et des coûts, sous l’angle spécifique du programme en tant que système complexe plutôt qu’à l’état de santé des populations concernées, ce qui est, encore une fois, une dimension très difficile à circonscrire de façon rigoureusement scientifique au Sénégal. Analysé sous l’angle des « implications des politiques publiques », nous ferons référence aux notions de “basic fairness” et de redistribution (Salamon, 2000) qui correspondent respectivement à l’ équité horizontale « qui se manifeste par le traitement semblable des individus aux besoins semblables » et à l’équité verticale « qui s’exprime par le traitement des individus aux besoins différents, en proportion des différences qui existent entre eux (concrètement : ceux ayant davantage de besoins reçoivent davantage, et

Par ailleurs, cette dimension de l’équité concernant l’accès aux soins et l’utilisation des services est un corollaire de l’équité du financement (Ridde, 2007), car l’auteur estime que sans financement équitable, l’iniquité dans la fréquentation des centres perdure. En somme, l’équité sera analysée ici sous l’angle de l’accès aux services et de ses conditions. Aussi, nous focaliserons-nous sur la dimension qualitative de la contribution financière des institutions impliquées : il s’agit de voir l’appréciation qui est faite des subventions allouées aux structures pour asseoir l’exécution du programme du point de vue des acteurs.

Efficacité

Le premier élément d’appréciation du succès d’une politique publique est son efficacité (Morestin et al., 2010, p. 5). “Effectiveness is the most basic criterion for gauging the

success or public action. It essentially measures the extent to which an activity achieves its intended objectives” (Salamon, 2000, p. 1647). Ainsi, il s’agit essentiellement de voir

en quoi les objectifs initialement visés ont été concrètement atteints (Ridde, 2007). Selon l’auteur, l’efficacité fait référence à la relation qui existe entre le processus (politique, programme) et les effets (finalités) (Ridde, 2007). Dans le cadre de notre étude, il est question d’examiner la portée de la mise en œuvre du plan « SÉSAME » sur les catégories de personnes âgées en termes d’accès et de l’utilisation des soins par l’exemption du paiement des soins et de certains médicaments, soit l’objectif de la politique d’améliorer les conditions de vie des ainés.

Ce critère sera également analysé avec prudence, car le concept d’efficacité aussi peut être abordé sous plusieurs angles. La dimension qui nous intéresse ici est celle de l’utilisation des services. Nous avons donc décidé d’axer notre analyse sur « l’efficacité d’utilisation » (Contandriopoulos et Champagne 1993) en analysant, dans un contexte naturel, les effets de la mise en œuvre du programme sur les catégories de personnes âgées. Donc la question est est-ce que la politique « SÉSAME » atteint véritablement et effectivement toutes les catégories visées de personnes âgées et dans quelle mesure? En d’autres termes, il s’agit d’analyser le critère efficacité sous l’angle de l’effectivité du programme au regard de ses finalités officielles.

En réalité, les effets sont corrélatifs au critère efficacité dans la mesure où ils permettent de jauger l’efficacité du programme. Seulement ces effets peuvent être protéiformes.

Lors de l’analyse des effets, il est important de considérer non seulement ceux qui ont été voulus, mais aussi ceux qui n’ont pas été désirés […].

Dans l’analyse des effets, il est également important d’analyser, quand cela est possible, non seulement les effets à court terme, mais aussi les effets à long terme. (Contandriopoulos et Champagne, 1993, p. 6).

Dans le cadre de cette étude, les effets dont il est question avec le critère « efficacité » sont tous les effets « positifs » voulus ou non, anticipés ou pas, et qui permettent de rendre compte de la portée du programme. Cependant, il importe de souligner qu’il peut y avoir absence d’effets, voire des effets « négatifs » de la politique qui aggraveraient le problème visé (Morestin et al., 2010). Tous les effets « positifs » ou « négatifs » de la politique auraient pu être pris en compte dans la même dimension efficacité (Morestin et

al., 2010), mais nous avons choisi volontairement d’examiner les effets « négatifs » dans

une rubrique à part que nous avons dénommé « effets non recherchés » afin de mettre en exergue éventuellement l’écart existant entre les objectifs visés au départ et les manifestations concrètes de la mise en œuvre du plan à différents niveaux.

Effets non recherchés (effets pervers)

Il s’agit donc des effets « négatifs » ou « pervers » produits dans le cadre de l’exécution du plan « SÉSAME ». Ils ne sont donc pas recherchés à l’origine. Autrement dit, ils révèlent les travers de l’exécution du plan. Selon Morestin et ses collaborateurs « les effets non recherchés apparaissent parce que les politiques publiques sont appliquées dans des systèmes complexes caractérisés par de multiples processus entrecroisés, qui interagissent entre eux de manière non linéaire, et s’adaptent aux changements » (2010, p. 6). Ces effets « non recherchés » peuvent concerner aussi bien le degré d’atteinte des cibles que les implications matérielles et/ou financières, les institutions médicales, etc.,

Coûts

Ce critère fait référence aux coûts associés à l’application de la politique (Morestin et al., 2010) en termes de « budget alloué au projet, reflétant ainsi les efforts et les coûts investis dans le projet » (Champagne et al., 2005, p. 35) par le gouvernement. Dans la présente étude, nous nous intéressons spécifiquement au mode de financement du plan c’est-à-dire la subvention de l’État pour l’exécution du programme mais aussi, dans une certaine mesure, à la contribution des maillons impliqués dans l’exécution du plan en l’occurrence l’IPRES et les collectivités publiques. D’autres parts, nous avons jugé utile d’évoquer les implications financières de l’exécution du plan pour les bénéficiaires eu égard au critère « effets » du programme. La pertinence de ce critère réside dans le fait que, présentement, bon nombre d’hôpitaux ont cessé d’exécuter le plan « SÉSAME » à cause des implications budgétaires défavorables ainsi que des difficultés de recouvrement des dettes de l’État (Lèye, 2010). En plus, ce critère permettra directement ou indirectement de mieux cerner celui de la faisabilité au regard de l’applicabilité du plan.

Faisabilité

En matière de politique publique, la faisabilité peut être analysée sous deux dimensions : la faisabilité technique et la faisabilité politique (Morestin et al., 2010). Notre analyse porte plus sur la faisabilité technique, c’est-à-dire au niveau opérationnel de la politique dans les structures sanitaires en termes de disponibilité du personnel, des ressources matérielles et des technologies (au sens large) requises (Morestin et al., 2010). Ainsi, l’on se pose la question de savoir si les structures de santé disposent des ressources nécessaires (Bernier, 2010) pour mener à bien l’exécution de la politique :

- Ressources humaines (Bernier, 2010; Morestin et al., 2010) : disponibilité du personnel (qualification professionnelle, formation requise, nombre) ;

- Ressources matérielles et technologiques (Morestin et al., 2010) : disponibilité du matériel requis, d’un plateau technique adéquat pour faciliter la mise en œuvre du plan « SÉSAME ».

Il s’agit en quelque sorte de faire de façon succincte l’état des lieux des structures dans la mise en œuvre du programme et de voir si les ressources matérielles, humaines et

techniques disponibles se prêtent effectivement à l’exécution du plan. Pour ce faire, nous avons exploité toutes les données afférentes aux ressources disponibles dans les deux structures mais aussi les témoignages des participants. Cela nous a permis de traiter en même temps la question de la faisabilité politique du point de vue des participants en rapport avec le critère d’acceptabilité de la politique : « les aspects de la faisabilité politique sont traités dans la dimension "acceptabilité" » (Morestein et al., 2010).

Acceptabilité

L’acceptabilité concerne la façon dont les parties prenantes jugent une politique publique (Swinburn et al., 2005 cité dans Morestin et al. 2010). Il s’agit donc pour nous de recueillir et d’analyser l’avis des divers acteurs impliqués directement ou indirectement dans la mise en œuvre de cette politique de santé en l’occurrence les décideurs, les professionnels de la santé, les bénéficiaires, les universitaires, etc. Nous reconnaissons que l’acceptabilité est une dimension complexe et transversale qui est certainement liée aux autres critères déjà définis parce qu’influencée par ceux-ci, mais qu’elle dépend aussi de facteurs qui lui sont extérieurs, car « la position de chaque acteur est déterminée par ses connaissances, croyances, valeurs, ainsi que par ses champs d’intérêt (politiques, économiques, symboliques…) » (Peters, 2002, cité dans Morestin et al., 2010, p. 10). Ainsi, l’acceptabilité concerne l’appréciation que les participants font des effets (recherchés ou non) en termes d’équité, d’efficacité, de coûts et de faisabilité. Tous ces critères ont une influence sur l’acceptabilité qui, elle-même, est influencée par la faisabilité comme le montre la figure qui suit.

Relations entre les six dimensions d’analyse des politiques publiques

= influence Source : Morestein et al., (2020)

En résumé, nous avons retenu six critères pour l’analyse des politiques publiques. Parmi ces critères l’efficacité, les effets non recherchés et l’équité rendent compte des effets produits par les politiques publiques tandis que les coûts, la faisabilité et l’acceptabilité relèvent de l’application des politiques (Morestin et al., 2010).

Tableau 2. Dimensions d’analyse des politiques publiques

Effets Efficacité Quels sont les effets de la politique étudiée sur le problème visé?

Effets non recherchés Quels sont les effets non recherchés de cette politique? Équité Quels sont les effets pour les différentes catégories de

personnes âgées?

Application Coûts Quels sont les coûts financiers de cette politique? Faisabilité Cette politique est-elle techniquement faisable? Acceptabilité Les parties prenantes acceptent-elles cette politique? Source : inspiré de Morestin et al., 2010.

Efficacité Effets non recherchés Équité Coûts Acceptabilité Faisabilité

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