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Définitions autour des mots 2D

(0)

n ) cette sous-suite. De la même façon, il existe une

infinité d’éléments de (c(0)n ) s’accordant sur la tuile en position u1; appelons (c (1)

n ) cette

suite, etc. Par le lemme de König (tout arbre infini de degré fini possède une branche infinie, cf. [54]), nous pouvons itérer cet argument infiniment et ainsi définir un pavage valide du plan. Comme nous extrayons notre pavage de configurations qui respectent les règles locales de coloration, il les respecte également.

Toutefois en 1964, Robert Berger, étudiant de Wang, démontre [6] que le problème Domino est indécidable en embarquant une machine de Turing dans les tuiles. En conséquence, l’algorithme de Wang ne termine pas sur toutes les entrées, et il existe donc bel et bien des jeux de tuiles qui pavent le plan, mais jamais de façon périodique. Nous les appelons des jeux de tuiles apériodiques. Depuis 1964, de nombreux auteurs ont produit de tels jeux de tuiles, de plus en plus petits ; les plus célèbres sont ceux de Raphael Robinson [76] et Roger Penrose [74]. le jeu de tuiles apériodique minimal, à 11 tuiles, fut découvert en 2015 par Emmanuel Jeandel et Michael Rao [49], et une vérification exhaustive par ordinateur leur a permis de montrer qu’il n’en n’existait aucun plus petit.

L’engouement pour les jeux de tuiles apériodiques trouve ses racines dans la question suivante : comment des règles locales peuvent forcer une propriété globale ? [24] Le fait que les règles locales à la Wang permettent de forcer l’apériodicité fut une surprise. Il est possible de forcer d’autres propriétés, notamment en embarquant des calculs (une machine de Turing) dans les tuiles [25] ; on obtient ainsi des jeu de tuiles qui garantissent une complexité de Kolmogorov élevée pour leurs pavages du plan [23], qui permettent de corriger les erreurs [26], ou encore qui garantissent une complexité en facteurs élevée [19]. En dehors de cette question, les tuiles de Wang ont des applications en combinatoire [18], en infographie [55], en logique [82] et en théorie des systèmes dynamiques discrets. En effet, il est bien connu que les systèmes symboliques de types finis sont équivalents aux jeux de tuiles de Wang ; voir par exemple [77].

Certains jeux de tuiles apériodiques, tel que le jeu à 13 tuiles de Kari-Culik [16], sont encore mal compris. Ce dernier n’est pas minimal (au sens des systèmes dynamiques) et admet une entropie topologique strictement positive [22]. Toutefois, tous les pavages qu’il permet de construire possèdent, intuitivement, une forte structure, qui doit se traduire par des propriétés de régularité, de symétrie. C’est l’une des motivations pour l’étude de la quasipériodicité en deux dimensions : chercher de nouvelles propriétés de régularité afin d’étudier ces pavages.

5.2 Définitions élémentaires autour des mots bidi-

mensionnels

Soit Σ un alphabet fini. Pour un ensemble D quelconque, une configuration (ou parfois une coloration) de D est une fonction de D vers Σ. Ainsi, les mots infinis sont les configurations deN, et les mots bi-infinis les configurations de Z. Une configuration de Z2 est, en quelque sorte, un mot biinfini à deux dimensions : une grille infinie dont

lourd, nous convenons qu’une configuration dont nous ne précisons pas le domaine sera toujours une configuration de Z2. En outre, notre alphabet favori pour ce chapitre et

les suivants sera Σ ={□, ■}, ce qui présente l’avantage de libérer des lettres pour les notations tout en donnant des figures plus claires.

Si i, j sont des entiers relatifs et h, w des entiers naturels, l’ensemble R ={i, . . . , i + h− 1} × {j, . . . , j + w − 1} est appelé un rectangle. Nous le notons aussi rect(i, j, h, w). Le couple (h, w) est la taille (ou les dimensions) du rectangle, h sa hauteur et w sa largeur. Nous posons height(R) = h et width(R) = w. L’aire de R, notée |R|, est la quantité h× w. Tout rectangle de hauteur ou de largeur nulle est l’ensemble vide. Les points (i, j), (i + h− 1, j), (i + h − 1, j + w − 1), (i, j + w − 1) sont les coins du rectangle.

Un bloc est une configuration d’un rectangle ; les blocs sont les analogues des mots finis. En particulier, la configuration de domaine vide est un bloc, que nous appelons le bloc vide. La taille, la hauteur, la largeur et les coins d’un bloc sont ceux de son domaine.

Nous considérons deux blocs identiques à translation près comme égaux ; lorsque nous voulons les différencier, nous parlons d’occurrences. Par exemple, les configurations de {0, 1, 2} et de {7, 8, 9} sur l’alphabet {□, ■} définies par

b : 07→ □, 1 7→ ■, 2 7→ □ b′ : 77→ □, 8 7→ ■, 9 7→ □

sont le même bloc, mais pas la même occurrence. Ainsi, la configuration représentée sur la figure 5.2 comporte plusieurs occurrences du bloc ■□■.

Les coordonnées d’une occurrence sont les coordonnées de son coin inférieur gauche. Si b est un bloc de taille m× n qui possède une occurrence aux coordonnées (i, j) dans

w, nous disons que b couvre les positions de rect(i, j, m, n) dans w. Nous notons w[i, j]

la lettre aux coordonnées i, j dans w et w[(i, j), . . . , (i + h− 1, j + w − 1)] la restriction de w à rect(i, j, h, w). Attention : avec nos définitions, les ordonnées croissantes vont vers le haut (s’il n’y a pas de coordonnées négatives, l’origine est en bas à gauche).

Nous notons Σn×m l’ensemble des blocs de taille (n, m), et Σ≥n×m l’ensemble des

blocs dont la hauteur est supérieure ou égale à n et la largeur à m, puis enfin Σ∗∗ l’ensemble des blocs sur Σ.

Soient b, b′deux blocs de tailles respectives (h, w) et (h′, w′). Si h = h′, alors la conca- ténation horizontale de b et b′, notée b: b est le bloc de domaine rect(0, 0, h, w + w′) comportant une occurrence de b en (0, 0) et une occurrence de b′ en (0, w). Symétri- quement, si w = w′, alors la concaténation verticale de b et b′, notée b⊖ b′, est le bloc de domaine rect(0, 0, h + h′, w) comportant une occurrence de b en (0, 0) et une occurrence de b′ en (h, 0) ; en d’autres termes, b est en dessous de b′. Pour tout bloc b et tous entiers m, n, nous définissons bm×ncomme la concaténation de m× n copies de

b. Formellement, b1×1 = b et b(m+1)×1 = bm×1⊖ b et bm×(n+1) = bm×n: bm×1. Si un bloc

b peut s’écrire am×n, avec a un bloc et m, n des entiers naturels, alors a est une racine

de b. Si b n’admet aucune racine, hormis lui-même, nous disons que b est primitif. Soient q et u des blocs finis, différents, avec q non vide. Nous disons que u est un bord diagonal de q lorsque u apparaît dans deux coins opposés de q. Dans cette thèse, nous emploierons le terme bord au lieu de bord diagonal ; toutefois, certains auteurs utilisent la terminologie bord pour les facteurs qui apparaissent dans les quatre coins

5.2. DÉFINITIONS AUTOUR DES MOTS 2D 77

à la fois [15] . Si u possède la même largeur que q, nous dirons qu’il s’agit d’un bord pleine largeur ; s’il possède la même hauteur, c’est un bord pleine hauteur. La figure 5.3 illustre ces notions.

Fig. 5.3 : Exemple de racine, de bord et de bord pleine largeur

Soit w une configuration et b un bloc ; b est un facteur de w si et seulement s’il apparaît dans w. Le langage de w, noté L(w), est l’ensemble de ses facteurs. Pour tous entiers naturels n, m, nous posons Ln×m(w) = L(w) ∩ Σn×m et L≥n×m(w) =

L(w) ∩ Σ≥n×m. La complexité en facteurs de w (ou plus simplement sa complexité)

est la fonction définie par Pw(m, n) = cardLm×n(w). L’entropie topologique d’une

configuration se définit par

lim inf

n→∞

log2Pw(n, n)

n2 .

En effet, il y a maintenant |Σ|n2

blocs de taille n× n possibles, nous devons donc regarder la base d’une double exponentielle. Cette limite existe toujours, comme nous le montrerons dans la section 5.3.

Soit w une configuration. Si (x, y) est un vecteur d’entiers non nul tel que, pour tous i, j on a w[i, j] = w[i + x, j + y], alors (x, y) est appelé un vecteur de périodicité de w. Une configuration admettant au moins un vecteur de périodicité est appelée périodique. Dans le cas unidimensionnel, périodicité et complexité en facteurs sont reliées par le théorème 2.2 de Morse-Hedlund. En deux dimensions, toutefois, les choses sont moins simples [72].

Conjecture 5.2 (Nivat, 1997). Soit w une configuration. S’il existe des entiers m, n tels que Pw(m, n)≤ mn, alors w est périodique.

La réciproque est fausse : il existe des mots périodiques ayant une complexité plus grande que Pw(m, n) = mn. Il existe des contre-exemples à la conjecture en dimension

supérieure (configurations de Zd pour d ≥ 3) [79]. La conjecture de Nivat fait l’objet

de travaux de recherche actifs [51] ; le résultat suivant est le dernier d’une longue série de bornes de plus en plus proches de la conjecture [17].

Théorème 5.3 (Cyr, Kra, 2012). Soit w une configuration. S’il existe des entiers m, n tels que Pw(m, n)≤ mn/2, alors w est périodique.

5.3. L’ENTROPIE BIDIMENSIONNELLE EST BIEN DÉFINIE 79