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4. Etat de conservation et Etat écologique

4.1. Quelques définitions

Encart n°5 : Etat écologique au sens de la DCE

Le texte de la DCE ne donne pas de définition directement applicable du « bon état écologique ». Par conséquent, cette définition est encore en cours d’élaboration. Elle se construit au travers de l’établissement d’un état de référence, le bon état écologique étant une certaine dégradation de cet état de référence. Plus précisément, l’état écologique correspond à l’appréciation de la structure et du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés aux eaux de surface. Il s’appuie sur des critères appelés éléments de qualité qui peuvent être de nature biologique (présence d’êtres vivants végétaux et animaux), hydromorphologique ou physico-chimique. L’état écologique comporte cinq classes (très bon, bon, moyen, médiocre et mauvais) qui caractérisent son écart aux conditions de références (conditions pas ou très peu influencées par les activités anthropiques).

Introduction

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Certains auteurs ont déjà employé des termes comparables, d'un point de vue scientifique, à l'« état de conservation » et à l'« état écologique » d'un habitat. Ceci est particulièrement vrai dans les domaines de recherche et de gestion en milieu aquatique. Les notions de santé de l’écosystème et d’intégrité biologique, par exemple, peuvent servir de base pour définir l’« état de conservation » ou l’« état écologique ». Il est possible d'en déduire les points importants sur lesquels s’appuyer pour juger de ces états et réaliser des suivis dans l’espace et le temps.

Karr et Dudley (1985) les premiers ont utilisé le terme d'intégrité biologique/écologique pour désigner « la capacité d'un habitat à supporter et maintenir une communauté d'organismes équilibrée, intégrée, adaptative ayant une composition spécifique, diversité, et organisation fonctionnelle comparable à celle des habitats naturels de la région ». L’intégrité biologique implique ainsi des conditions suffisantes, une qualité ou un état de l’habitat complet non divisé. Par la suite, Karr (1993) a ajouté que l’intégrité biologique relate les conditions d’un habitat et de ses composantes en l’absence d’action humaine, reflétant ainsi l’héritage écologique des contextes évolutifs et biogéographiques. Ces contextes ainsi que les conditions physiques, chimiques et biologiques, sont considérés comme influents sur l’état de l’habitat. Finalement, Karr (1996) a relié l’intégrité biologique à la variabilité naturelle de composantes dénombrables et de processus à de multiples échelles. Cette définition est particulièrement intéressante car elle s’appuie à la fois sur des éléments (ex : espèces, communautés) qui rappellent la notion des « structures » évoquées dans la DH, et des processus (ex : interactions biotiques, dynamique de l’énergie, métapopulations) équivalent aux « fonctions » de la DH. Cairns (1995) quant à lui, a intégré une dimension humaine dans la définition en considérant l’intégrité écologique comme « le maintien des caractéristiques structurales et fonctionnelles d’un lieu particulier ou le maintien des caractéristiques jugées satisfaisantes pour la société ».

Parallèlement à ses définitions d’intégrité biologique, Karr (1996, 1999) a développé l’idée d’état de santé d’un habitat, le terme ayant été utilisé pour la première fois par Rapport et al. (1979) dans un contexte proposant une médecine pour les écosystèmes. Un habitat est jugé en bonne santé lorsque les biens et services qu’il procure sont suffisants pour les besoins des résidents humains et non humains qui le composent. Les conditions sont favorables, il existe des processus homéostatiques actifs qui permettent de ramener un système perturbé à la normale. On parle alors de résistance ou de résilience (Costanza, 1992) en fonction du degré

de déviation que l’habitat peut supporter par rapport à la gamme de conditions qui lui sont favorables. Sa santé dépend essentiellement de sa productivité, de son organisation (diversité taxonomique, connectivité) et de sa résilience. L’état de santé de l’habitat est ainsi étroitement lié aux sociétés humaines ; il souligne les effets et non les causes des problèmes (Fairweather, 1999). Il implique une boucle rétroactive entre l’homme et la nature, à savoir que les actions humaines auront des conséquences sur les habitats et les communautés biologiques et que des effets préjudiciables en découleront. Dans le Colorado par exemple, l’expansion de l’irrigation pour l’agriculture a conduit à des modifications atmosphériques et un accroissement de la quantité d’azote déposée dans les rivières. Les retombées ont été directes : pollution des eaux utilisées pour l’agriculture et dans les villes, et indirectes : baisse du tourisme et donc pertes économiques (Rapport et al., 1998). Des programmes nationaux et internationaux ont ainsi commencé à développer des indicateurs de stress et de réponse des écosystèmes pour évaluer leur état de santé. Cette évaluation est complexe car elle combine à la fois des aspects écologiques (histoire naturelle), socio-économiques et de santé humaine. Les applications qui en découlent sont associées à l’opinion publique, et la définition de l’état de référence dépend souvent de jugements politiques.

Récemment, un autre concept a émergé : le Leitbild concept, mot d’origine allemande qui signifie « idéal, guide ». Sa définition se rapproche davantage de celles de l’« état de conservation » et de l’« état écologique » soulignées dans les deux directives. Elle s’appuie sur l’expérience acquise au cours de projets de restauration réalisés en Allemagne et en Autriche (Kern, 1992, Muhar, 1996) et s’adapte parfaitement à une problématique de biologie de la conservation. Par la suite, les grandes lignes de ce concept nous serviront de base de travail. Un « état idéal » fait référence au potentiel naturel d’un habitat en absence de contraintes économiques ou politiques ; il correspond aux conditions initiales, non perturbées (Jungwirth, Muhar & Schmutz, 2002). Il est toutefois impossible d’établir des conditions de référence uniques des habitats aquatiques, en raison, dans notre cas, de la diversité des types de rivières et de la variabilité des conditions environnementales au sein d’une même rivière (cf. gradient longitudinal, Illies & Botosaneanu, 1963, Vannote et al., 1980). De plus, il existe très rarement des habitats complètement naturels (Maddock, 1999), en particulier sur le continent européen. Ainsi, il est nécessaire au préalable, de déterminer des conditions de référence spécifiques en échantillonnant et comparant des habitats non impactés, ou plutôt presque naturels, et des habitats impactés sur des portions de rivières similaires, c'est-à-dire avec des conditions hydrogéomorphologiques et physicochimiques relativement proches par

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