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Le concept de qualité de vie apparaît aux États-Unis dans les années 1970. En 1994, l'Organisation Mondiale de la Santé le définit ainsi : « perception qu'a un individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s'agit d'un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d'indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement. »

Martin et Azorin (2004) suggèrent pour leur part de prendre en compte trois dimensions essentielles du concept :

– le bien-être physique : santé, activité quotidienne, absence de handicap, mobilité...

– le bien-être social : loisirs, famille, travail, éducation...

– le bien-être mental : sérénité, estime de soi, émotivité équilibrée...

3.1.1. Evaluation de la qualité de vie

Pour Mailhan (2005), il est indispensable de prendre en compte et donc de mesurer la qualité de vie du patient. Cela permet en effet de recentrer la discussion sur la personne et non sur la maladie, les séquelles et les moyens palliatifs à mettre en place.

Selon Rhode et al. (2005), l'environnement joue un rôle essentiel dans la nature et la sévérité des incapacités résultant d'un déficit cognitif. Il propose donc une évaluation très écologique, avec une mise en situation la plus proche possible des conditions réelles, afin de constater les difficultés rencontrées par le patient.

Il existe différentes approches d'évaluation écologique : l'une où l'environnement est introduit en laboratoire, une autre où le laboratoire est porté dans l'environnement et une troisième combinant les deux premières.

L'auto-évaluation par questionnaire est une démarche intéressante. Elle permet de connaître ce qui crée un handicap chez le patient, même plusieurs années après l'accident, afin de lui proposer une prise en charge adaptée à ses besoins et à ses capacités. L'évaluation de la participation à la communication est un point essentiel dans l'évaluation de la qualité de vie du patient. En effet, selon Watzlawick et al. (1972), « on ne peut pas ne pas communiquer ». De ce fait, le retentissement psychosocial d'un déficit communicationnel dans la vie quotidienne peut être très important.

3.1.2. Participation à la communication et répercussion sur la vie socio- professionnelle

Quelle que soit son étiologie, l'aphasie altère les capacités de communication de la personne cérébrolésée et cela va retentir sur sa qualité de vie. La réinsertion sociale et professionnelle est dépendante du niveau d'autonomie dans les actes élémentaires et complexes de la vie quotidienne, la maîtrise de l'environnement, ainsi que la vie domestique et la vie sociale (dont les activités occupationnelles).

La littérature est encore pauvre en études concernant spécifiquement les conséquences des troubles de la communication sur la qualité de vie mais on peut relever plusieurs travaux mettant en lien d'une part les séquelles physiques, cognitives et psychoaffectives et d'autre part le devenir socio-professionnel et la qualité de vie de patients cérébrolésés.

En 1998, Cohadon et al. publient les résultats d'une étude sur 240 patients ayant tous présenté un coma initial (score de Glasgow inférieur à 8) et dont 60% étaient porteurs d'une lésion cérébrale diffuse et 40% de lésions focales ou multifocales et dont, de plus, 30% étaient polytraumatisés. Au stade de la réinsertion, ils constatent que 70 à 80% de ces patients sont autonomes pour des actes élémentaires tels que faire sa toilette ou s'habiller, mais seuls 44 à 50% d'entre eux retrouve une autonomie dans les activités plus complexes telles que sortir pour faire les courses ou communiquer avec l'extérieur en cas de détresse. L'assistance d'une tierce personne pour une stimulation ou une organisation de l'action est indispensable pour le quart d'entre eux. Cependant, l'autonomie requiert non

seulement de gérer la vie domestique mais aussi la vie sociale. Et si 50% des patients peuvent vivre une vie domestique autonome, seuls 41% atteignent l'indépendance dans la vie sociale, c'est-à-dire qu'ils savent gérer leurs bien, organiser leurs loisirs, faire des projets cohérents pour l'avenir et tenir une place dans leur groupe social. Ces éléments sont des facteurs essentiels de la qualité de vie.

Au niveau professionnel, Alaoui et al. (1998) ont réalisé une enquête auprès de 79 personnes cérébrolésées, dont 27 victimes d'un traumatisme sévère, 5 ans après leur accident. La reprise globale d'activité professionnelle ou scolaire chez les adultes actifs, adolescents et étudiants était de 81%, avec 95% de reprise après traumatisme léger ou modéré et 55% après traumatisme sévère.

Dans la littérature, on trouve des études principalement sur le groupe des traumatisés crâniens graves. Deutsch et al. (2006) constatent un taux de reprise du travail de 40% entre 2 et 5 ans et Schalen et al. (1994) un taux de 54% entre 5 et 8 ans.

Selon Petit et al. (1994) la reprise dans l'activité antérieure ou une activité équivalente s'effectuerait dans 55 à 75% des cas, et au prix d'un reclassement dans 15 à 35% des cas. Les traumatisés crâniens semblent néanmoins éprouver plus de difficultés à rester employés qu'à trouver du travail. Selon Machamer et al. (2005), les facteurs favorisant ces pertes secondaires d'emploi sont, outre la sévérité du traumatisme et le statut cognitif à un mois de l'accident : un faible niveau scolaire, un emploi antérieur instable, le célibat, l'appartenance à une minorité ethnique et les conflits interpersonnels.

Selon une étude de Walker et al. (2006) sur 1341 sujets actifs au moment du traumatisme crânien, le taux de reprise professionnelle à un an était de 56% pour les cadres et les professions libérales, 40% pour les employés et les ouvriers qualifiés et 32% pour les travailleurs manuels.

La reprise du travail est donc un phénomène multifactoriel et complexe, ne permettant pas de pronostic pour un patient. Outre les facteurs inhérents au patient lui-même (âge, niveau d'éducation, stabilité professionnelle antérieure, score initial à l'échelle de coma de Glasgow, existence ou non de lésions extra-crâniennes, déficiences neuropsychologiques à 1 mois dévolution...), Johnson (1987) note que la bonne volonté de l'employeur, le niveau d'aménagement des conditions de travail et

la possibilité d'effectuer un stage préalable de réentraînement professionnel ont plus d'influence pronostique.