Notre réflexion porte sur la mémorisation d'une LVE par le biais de l'utilisation du
drama en classe. Mettant en œuvre deux protocoles de recherche, nous tenterons
de répondre à la problématique suivante : Quels sont les effets de l'utilisation
des pratiques théâtrales sur la mémorisation d'une LVE à l'école primaire ?
L'apprentissage d'une LVE doit nécessairement passer par l'étape de la
mémorisation. Nous nous sommes donc intéressés à ce processus se traduisant,
par un cheminement assez complexe qui pourrait se résumer de la manière
suivante : lorsqu'une information est perçue, elle est traitée, soit par la MCT (qui
retient l'information quelques secondes), soit par la MLT (qui permet de garder en
mémoire des éléments sur une durée plus importante). La mémoire a besoin de
réactivation pour éviter d'oublier ce qui a déjà été appris (« rebrassage »). Cela est
permis, notamment, par un mécanisme de répétitions orales. Comme l'affirme
Lang, « la régularité est un facteur majeur de construction et de consolidation des
apprentissages »
50. Selon certains chercheurs, la mémorisation d'une LVE serait
possible grâce à la répétition, l'émotion et l'attention.
Récemment, la recherche met en exergue une nouvelle méthode d'enseignement
des LVE : la perspective actionnelle. Si nous nous basons sur les textes officiels,
cette perspective actionnelle prend, tout à fait, sa place. En classe, elle se traduit
par la mise en œuvre d'un projet final (macro-tâche). Pour atteindre ce dernier,
l'élève est considéré comme un acteur social, qui mobilise un langage verbal et
non verbal, son corps, dans un contexte collectif. Ainsi, cette mobilisation
corporelle favoriserait la mémorisation. En effet, l'apprenant retient davantage du
lexique lorsque le terme prononcé est associé à un geste. Comme nous l'avons
expliqué précédemment, d'après l'étude de Rigg, nous retenons 90% de ce que
nous disons en faisant une action, un geste (Rigg, 1971).
De nombreux outils didactiques sont mis à disposition des enseignants de l'école
primaire – mais également des professeurs du secondaire et des universités –
50 CRDP Académie de Versailles. L'enseignement des langues vivantes, Perspective. Versailles.
CRDP Académie de Versailles. 2001. p.107.
pour enseigner les langues. Ainsi, nous décidons d'interroger les pratiques
didactiques des enseignants. Afin d'étudier la mémorisation du lexique et des
formulations d'une langue durant le parcours scolaire des élèves, nous axerons
nos expérimentations sur les pratiques des enseignants, ainsi que sur l'action des
élèves dans la tâche. Pour cela, nous nous demandons quelles sont les
pratiques professionnelles actuelles des enseignants pour favoriser la
mémorisation d'une LVE ? Quels sont les avis des professeurs des écoles
concernant l'utilisation du drama en classe de langue ?
Notre hypothèse est la suivante : Peu d'enseignants pratiquent le drama en classe
de LVE car, bien qu'il soit, éventuellement, bénéfique pour les apprentissages, il
peut s'avérer être une pratique didactique complexe dans sa mise en œuvre :
activité chronophage, modalité de regroupement, bruit généré, réticence de la part
des enseignants, manque de formation en langue, etc.
Par conséquent, un état des lieux est réalisé afin de connaître les méthodes
d'enseignement actuelles des LVE à l'école primaire et, plus précisément,
d'évaluer la mobilisation ou non de pratiques théâtrales ou gestuelles, en fonction
des enseignants. Il s'agit de faire une enquête auprès d'enseignants de plusieurs
niveaux : de la Toute Petite Section (TPS) au CM2, en passant par l'Unité Localisé
pour l'Inclusion Scolaire (ULIS) et la Section d'Enseignement Général et
Professionnel Adapté (SEGPA). Les résultats sont recensés sous forme de
données statistiques pour, ensuite, pouvoir être analysés.
À la suite de ce constat, nous faisons le choix d'approfondir l'utilisation du drama
en LVE et d'observer les pratiques sur le terrain, en nous ciblant sur deux classes
d'élèves. De ce fait, la pratique déclarée des enseignants laissera place à une
pratique observée, à partir d'élèves. La première approche quantitative (sous
forme de questionnaire) fera l'objet d'une comparaison et sera mise en lien avec la
seconde, qualitative (observation en classe) ; l'intérêt étant de croiser les deux
types de données.
Le drama se définit comme étant une pratique didactique dans laquelle l'élève est
en action. Il interagit avec ses pairs, en langue vivante étrangère pour
communiquer sur un thème donné. Comparé à une mise en scène par Prisca
Schmidt, le drama se différencie du théâtre par l'absence de représentation finale
devant un public. Le drama n'est donc pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de
favoriser la communication. Concrètement, plusieurs dispositifs peuvent être mis
en œuvre en classe, comme, par exemple, les saynètes. Les élèves sont en petits
groupes (de deux élèves au minimum), ils échangent sur la compréhension du
script, puis l'apprennent. Ils peuvent mobiliser des gestes, des mouvements, des
déplacement, ou encore, des accessoires et objets. La mise en scène demande
un travail important de préparation, nécessitant plusieurs répétitions.
Ayant un aspect ludique, le drama est source de motivation pour les élèves, ce qui
favorisera les apprentissages. Selon les chercheurs, d'autres dénominations sont
à mettre en lien avec cet outil : le jeu théâtral, le jeu dramatique et le jeu de rôle.
Pour notre étude, nous retiendrons la définition de Prisca Schmidt, qui souligne
l'action de « jouer ». Effectivement, le jeu pédagogique est essentiel à l'école
primaire, afin que l'élève puisse s'investir, apprendre, mémoriser et y prendre du
plaisir. Nous étudions, ainsi, les effets de l'utilisation du drama sur la mémorisation
d'une LVE chez les élèves. Nous tenterons de répondre à la question de
recherche : La mémorisation du lexique et des formulations, en LVE, est-elle
favorisée par l'utilisation du drama ?
Notre hypothèse se définit de manière suivante : Le drama est une pratique qui
sollicite la répétition chez l'élève. L'utilisation de gestes favoriserait la
mémorisation orale du lexique et des structures grammaticales et aurait donc un
impact plus important sur les performances d'apprentissage d'une LVE. En effet,
l'association parole/mouvement (le dire et le faire) pourrait faciliter la mise en
mémoire puisque, selon Rigg, nous retenons 90% des informations que nous
disons en faisant quelques chose. L'information sera donc perçue de deux
manières différentes : le mise en voix et l'action physique.
Pour répondre à cette problématique, nous élaborons une expérimentation dans
deux classes de CM1-CM2, de l'école de Brens (Tarn). L'objectif étant de
comparer les performances de mémorisation des élèves, la première classe
étudiera un champ lexical, en mobilisant le drama, tandis que la seconde classe
travaillera sur le même champ lexical mais sans utiliser le drama (classe témoin
ayant pour outils d'apprentissage des flashcards). Afin d'évaluer les deux
méthodes d'enseignement, nous réalisons une évaluation sommative orale puis
écrite, ce qui nous permettra de comparer l'efficacité des deux dispositifs mis en
œuvre.
Dans le document
Les effets des pratiques théâtrales sur l'apprentissage d'une langue vivante étrangère : l'exemple de la mémorisation
(Page 33-38)