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Déficience des systèmes de réparation et maladie d’Alzheimer

Chapitre I : Etude Bibliographique

D. Etiologie de la maladie d’Alzheimer

III. Déficience des systèmes de réparation et maladie d’Alzheimer

L’implication de la réparation de l’ADN, bien admise dans la cancérogénèse, est en revanche moins évidente dans une pathologie telle que la maladie d’Alzheimer. En effet, les cellules touchées par la maladie d’Alzheimer, les neurones, sont considérées comme post-mitotiques. Certains soulèvent alors cette question : si elles ne se divisent pas, à quoi bon réparer leur ADN, puisqu’elles ne transmettront pas de mutations à la génération de cellules suivantes (Fishel et al. 2007). Cependant, l’ADN est nécessaire à la synthèse des protéines, et les dommages à l’ADN non réparés peuvent faire office de mutagènes transcriptionnelles. Il est d’ailleurs avéré que les neurones réparent préférentiellement les gènes transcrits (Nouspikel et al. 2003). Mais nous avons vu que si un défaut de réparation de l’ADN est susceptible d’engendrer des mutations, l’autre conséquence d’un dommage à l’ADN non pris en charge est à terme de déclencher l’apoptose. Or, l’apoptose neuronale est au cœur de la maladie d’Alzheimer, puisque la mort des neurones entraine une réduction de la masse cérébrale, une perte de connections entre les différentes structures et donc la perte progressive des fonctions cognitives qui leur sont associées.

Par ailleurs, le nombre de maladies héréditaires dues à une mutation dans l’un des gènes codant pour une protéine de réparation, qui présentent ou évoluent en une neurodégénérescence (Brooks 2002; Brasnjevic et al. 2008; Brooks et al. 2008; Martin 2008), souligne la nécessité de réparer les dommages des cellules neuronales.

On ne peut donc pas négliger l’importance de la réparation de l’ADN dans le cerveau, organe de nature spécialement sensible au stress oxydant. Les sources de ROS sont nombreuses et les dommages oxydatifs au niveau de la molécule d’ADN s’accumulent

sans être éliminés. C’est cette persistance (et non une augmentation temporaire) qui suggère un défaut dans les systèmes de réparation associés.

Il se trouve que les exemples de diminution ou plus globalement de dérégulation de facteurs impliqués dans la réparation de l’ADN sont de plus en plus nombreux.

Weissman et al. ont par exemple rapporté des défauts dans le système de réparation par excision de base (BER). Dans leur étude, les capacités d’excision de certaines lésions (8oxoG, site AP) ainsi que l’activité de gap-filling de la polβ s’avèrent réduites dans des extraits cellulaires réalisés à partir de cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, en comparaison à ceux de personnes du même âge non atteintes (Weissman et al. 2007). Des résultats similaires concernant plus particulièrement l’activité d’OGG1 ont été obtenus par Shao et al. (Shao et al. 2008). Outre le BER, une diminution de la quantité de protéines du complexe RMN participant à la réparation des cassures double brin a également été établie (Jacobsen et al. 2004). Une autre équipe a montré que la capacité de liaison à l’ADN des protéines Ku70 et Ku80 du NHEJ était diminuée chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer (Davydov et

al. 2003). Dans cette étude, une diminution de la quantité des protéines DNA-PKcs et Ku est également rapportée.

Enfin, Lu et al. ont montré que de nombreux gènes de réparation sont surexprimés chez des sujets âgés, mais sains (Lu et al. 2004). Les observations autour d’une diminution des capacités de réparation pourraient donc être spécifiques à la maladie d’Alzheimer et non au vieillissement naturel.

Objectifs

L’implication des lésions et de la réparation de l’ADN dans la maladie d’Alzheimer fait l’objet de beaucoup moins d’études que dans la cancérogénèse (24100 résultats sur PubMed pour les mots clés cancer+DNA repair contre 277 pour les mots clés

neurodegeneration+DNA repair). Pourtant, de nombreuses pathologies impliquant une

déficience génétique au niveau d’acteurs de la réparation de l’ADN évoluent vers des phénomènes de neurodégénérescence, suggérant un rôle possible d’une perturbation des systèmes de réparation dans la maladie d’Alzheimer. Certaines études, portant sur les capacités de réparation d’extraits protéiques issus de cerveaux de patients, soulignent notamment une diminution globale du système BER. Les données présentées dans ce genre de travail sont obtenus à partir d’échantillons récoltés post-mortem et dépeignent les caractéristiques tardives de la maladie multifactorielle qu’est l’Alzheimer. Dans le but de mieux comprendre l’étiologie précoce de cette forme de démence, nous avons choisi de nous concentrer sur un seul des facteurs spécifiques de la maladie, le peptide neurotoxique Aβ. Ce dernier est en effet connu pour générer un stress oxydant, susceptible d’endommager toutes les macromolécules biologiques, parmi lesquelles l’ADN. Afin d’analyser la réponse cellulaire face aux dommages potentiellement engendrés par Aβ, nous nous proposons de préciser les effets de ce peptide neurotoxique, d’un point de vue mécanistique, sur les systèmes de réparation d’une lignée de neuroblastome humain. Cette lignée porteuse de la mutation suédoise de la protéine APP, favorisant un clivage amyloïdogène par les β et γ–sécrétases, possède la caractéristique de sécréter le peptide Aβ à des concentrations très physiologiques. Afin d’évaluer la pertinence de ce modèle dans l’étude de la maladie d’Alzheimer, nous réaliserons dans un premier temps des tests permettant de déceler des caractéristiques communes entre l’environnement des neurones de patients atteints de la maladie d’Alzheimer et notre lignée. La cytotoxicité de certains agents de stress largement impliqués dans cette pathologie, sera donc analysée : le peroxyde d’hydrogène sera utilisé pour reproduire un stress

oxydant et le sulfate de cuivre pour mimer la perte d’homéostasie des métaux. L’augmentation du taux de ROS et des dommages oxydatifs à l’ADN étant bien documentée dans les études traitant de la maladie d’Alzheimer, nous nous attacherons à mesurer ces deux paramètres au sein de notre lignée, en couplant ou non Aβ à un stress oxydant ou métallique. Après la caractérisation de notre modèle, nous analyserons la réponse cellulaire à l’issue d’un stress oxydant ou métallique, combiné ou non à la présence d’Aβ, à travers le système associé à la réparation des lésions oxydatives, le BER. L’expression des gènes du BER sera évaluée et confrontée à l’expression protéique. Deux tests de mesure des activités d’excision de petites lésions caractéristiques du BER seront utilisés en parallèle pour obtenir des résultats complémentaires.

A l’issue de cette étude approfondie sur le BER, un autre système de réparation sera observé. En effet, si le BER est par excellence le système de réparation des petites lésions oxydatives, il existe un autre type de lésions susceptibles d’être engendrées par un stress oxydant, qui sont en conséquences prises en charges par d’autres systèmes de réparation, comme le NER, ou les systèmes de réparation des cassures double brin (HR ou NHEJ). Ce sont d’ailleurs des déficiences génétiques au niveau d’acteur de ces systèmes de réparation qui sont à l’origine de pathologies évoluant vers des phénomènes de néurodégénérescence (XP, CS, ATM, …) D’autre part, la compartimentation conceptuelle des systèmes de réparation semble de moins en moins stricte. Il existe en effet un recouvrement partiel entre les voies de réparation et même avec d’autres fonctions cellulaires (apoptose, contrôle du cycle cellulaire). Nous nous intéresserons donc dans la deuxième partie de notre travail, à étudier les effets du peptide Aβ combiné à un stress oxydant sur le système NER, aux niveaux transcriptomique et des activités protéiques. Nous comparerons finalement les résultats à ceux obtenus à l’issue d’un stress plus caractéristique du NER, comme les UVC.

Enfin, la mesure de l’expression des gènes de réparation d’autres systèmes (NHEJ, HR et MMR) sera réalisée.

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