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2.3 « Innover avec » : un état des lieux 

3. Des obstacles plus ou moins identifiés 

3.4. Une défiance interprofessionnelle 

“Il y a une mauvaise vision des startupers, tu dis même pas que c’est une entreprise [...] faut pas mettre de notion de performance. Je ne viens pas du tout de ce monde [le secteur social et médico-social], c’est un milieu pas du tout structuré avec pas beaucoup de compétences.” - Madame D, Co-fondatrice d'une startup sociale dans le secteur du handicap

“Le grand défaut dans lequel tombent les associations, c’est de tomber dans le charity business. C’est une grande connerie, moi je peux rien dire d’autre.” - Monsieur A, Directeur du centre de recherche d'une tête de réseau associative spécialisée dans la participation des personnes en situation de pauvreté

Une sous-hypothèse de ce travail était de considérer les possibles tensions entre les acteurs de l’accompagnement et acteurs de l’ESS (e.g. entrepreneurs sociaux, responsables de labs d’innovation) comme un des freins principaux à la co-innovation avec les publics. Les difficultés relationnels que nous supposions, suite à notre revue de littérature, s’articulaient autour des points suivants : (a) Ressources en temps limitées des accompagnants ; (b) Position de protection des publics ; (c) Fossé culturel ; (d) Différentiel de valorisation sociale. L’« échange » entre Madame D et Monsieur A illustre bien cet obstacle. Probablement les plus extrêmes des répondants sur ce point, tous deux ont une vision acerbe de « l’autre camp ». Madame D, entrepreneuse sociale, accuse le ​manque de professionnalisme du secteur social et médico-social et la défiance à laquelle elle a fait face. Monsieur A, lui, rejette en bloc la notion de rentabilité par conviction idéologique. Cette incompréhension peut se révéler problématique quand il s’agit de créer des collaborations intersectorielles et

interprofessionnelles. En tant qu’entrepreneurs sociaux notamment, nouveaux entrants et « étrangers au système », cela peut rendre plus compliquée l’intégration de personnes accompagnées à ses processus d’innovation.

“Alors j’ai du mal à savoir des fois, moi c’est une question que je leur pose

systématiquement ‘Est-ce que vous avez déjà interagi avec des utilisateurs ?’ avec ces méthodes lean startup et tout ça, et tous ils vous disent ‘Oui, oui !’ [rires] et en même temps quand on voit leur produit des fois on se dit ‘Mais euh… [rires] Sérieux ?’. Du coup euh… je sais pas.” - Madame G, Directrice de projet innovation dans le lab d'une tête de réseau associative, dans le secteur du handicap

“Je fais un appel à bonne volonté par mail aux- parce qu’en fait l’association est assez centralisée par rapport à d’autres associations du handicap, donc du coup y’a une ligne hiérarchique que je suis tout bêtement. Donc par exemple si je veux aller dans les Hauts de France, j’écris au directeur régional Hauts de France, qui fait suivre à ses directeurs de pôles, qui font suivre à leurs directeurs, qui font suivre à leurs ergothérapeutes et puis ça descend comme ça et puis ça remonte vers moi. En général, l’information circule plutôt bien j’ai pas eu trop de soucis pour trouver des volontaires. Les gens sont plutôt contents, après bien sûr il y a des innovations qui sont aussi assez sympas ! [...] On trouve facilement des volontaires parmi les directeurs, et parmi les professionnels.” - Madame G, Directrice de projet innovation dans le lab d'une tête de réseau associative, dans le secteur du handicap

Quand on est un lab de co-création interne à un organisme social ou une tête de réseau associative, la situation semble être différente. Déjà ​ancré dans un réseau partenarial interne et externe fort​, les relations avec les acteurs professionnels et bénévoles accompagnants semblent être plus solides et de meilleure qualité.

“Dans notre lab, on définit avec l’entreprise ou la startup le profil des personnes, une zone géographique et au sein de cette zone je fais un appel à bonne volonté au sein du réseau pour trouver des établissements qui sont volontaires pour organiser ça dans leurs structures. Et après c’est c’est établissements qui trouvent des usagers.” - Madame G, Directrice de projet innovation dans le lab d'une tête de réseau

associative, dans le secteur du handicap

En ce sens, les labs de telles organisations peuvent constituer un ​intermédiaire particulièrement intéressant entre entrepreneurs sociaux et acteurs du secteur social et médico-social, et ​in fine​ les personnes qu’ils accompagnent.

“Il n’y a pas de rétribution des participants, les encadrants quand ils viennent ils viennent pendant leur temps de travail, parce que c’est pendant leur temps d’accompagnement. On a même eu des encadrants qui se prenaient vraiment au jeu.” - Madame C, Co-fondatrice d'une association de l’ESS dans le secteur du handicap

Enfin, on peut noter que​certains des entrepreneurs sociaux interrogés n’ont pas eu de mal à construire des relations de qualité avec des structures sociales et médico-sociales, sans faire appel à des intermédiaires ​. C’est de le cas de l’organisation de Madame C, dont les structures collaboratrices semblaient très enthousiastes vis-à-vis du projet et des ateliers de co-création. Ce qui pourrait expliquer cette collaboration réussie est que les établissements du handicap partenaires du projet ont ​perçu les ateliers comme partie intégrante du temps d’activités des résidents​. Les ateliers étaient donc perçus comme l’opportunité de trouver de nouvelles activités ludiques pour les personnes accompagnées, et non une menace de perte de temps dans un agenda déjà très chargé.

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