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Quelles autres défenses sont impliquées dans la résistance ?

4. Quels effets ont le génotype du chêne et les composés phénoliques sur les performances

5.1. Quelle place ont les défenses chimiques dans la résistance aux herbivores ?

5.1.2. Quelles autres défenses sont impliquées dans la résistance ?

Les traits physiques – Il ne faut pas perdre de vue que si les défenses chimiques des plantes sont une contrainte pour l’insecte herbivore, celui-ci est également contraint par la qualité nutritive ou les traits physiques des tissus qu’il consomme. Ainsi, les effets contrastés des composés spécialisés de défense sur les insectes herbivores pourraient également s’expliquer

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par l’intervention d’autres traits qui ont un fort effet sur les préférences et les performances des herbivores (Nahrung et al. 2001, Pérez-Harguindeguy et al. 2003, Sanson 2006, Peeters et al. 2007, Clissold et al. 2009, Carmona et al. 2011, Ibanez et al. 2013, Malishev and Sanson 2015). Par exemple, Carmona et al. (2011) ont montré que les différences de résistances des plantes aux insectes herbivores s’expliquent plus par des différences dans les traits liés au développement (e.g. taux de croissance, phenologie), à la morphologie (e.g. biomasse, hauteur) et aux défenses physiques (e.g. densité de trichome, dureté des feuilles) de la plante, plutôt que les traits chimiques de défenses (e.g. métaboliques spécialisés). Avant l’intervention des traits chimiques de défenses, les traits physiques tels que l’épaisseur et la dureté des tissus, les trichomes ou les épines par exemple, forment donc la première ligne de défense des plantes contre les herbivores et jouent un rôle important dans la résistance de la plantes (Hanley et al. 2007, War et al. 2012). Ces défenses structurelles comprenant des caractéristiques morphologiques et anatomiques, peuvent conférer un avantage, en termes de

fitness, à la plante en empêchant directement les herbivores de se nourrir (Agrawal and

Fishbein 2006). Par exemple, le taux d’oviposition de Plutella xylostella (Lépidoptères) était négativement corrélé avec la densité de trichome d’Arabidopsis thaliana (Handley et al. 2005). Il a également été montré une réduction de la défoliation avec la densité de trichome sur des feuilles (Brian Traw and Dawson 2002, Dalin and Björkman 2003) et une augmentation de la densité de trichomes sur les nouvelles feuilles suite à une attaque par un herbivore (Agrawal 1999, Traw 2002, Dalin and Björkman 2003, Björkman and Ahrné 2005). Aussi, les dégâts des herbivores semblent fortement liés à la résistance et la dureté des feuilles (Caldwell et al. 2016). Clissold et al. (2009) ont montré une corrélation négative entre le taux de croissance d’Australian plague (Orthoptères) et la dureté des feuilles d’Astrebla lappacea et une corrélation positive entre le temps de développement et la dureté des feuilles. Les différents stades larvaires peuvent également avoir des comportements différents (Johnson and Zalucki 2007) notamment vis-à-vis des traits physiques. Par exemple chez les insectes masticateurs les stades les plus jeunes ont plus de difficulté à se nourrir sur des feuilles dures que les stades larvaires les plus avancés (Hochuli 2001, Nahrung et al. 2001, Malishev and Sanson 2015) dont la force des mandibules augmente avec la masse de la tête (Clissold 2007). Les composés organiques volatiles et les ennemis naturels – Les développements récents de l’écologie chimique ont permis de mettre en évidence l’importance des composés organiques émis par les plantes dans les interactions plantes-herbivores. Ces composés volatils agissent non seulement sur l’attractivité des herbivores (Bernasconi et al. 1998, Aharoni et al. 2003,

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Laothawornkitkul et al. 2008, Unsicker et al. 2009) mais aussi sur l’induction de défense (Farmer 2001, Frost et al. 2007, 2008) et l’attraction des ennemis naturels (Van Poecke and Dicke 2004, Heil 2008, Unsicker et al. 2009, Mumm and Dicke 2010, Hagenbucher et al. 2013, Kaplan et al. 2016, Aljbory and Chen 2018, Gasmi et al. 2019) en réponse à une attaque par les herbivores. Ces composés volatiles, constitutifs ou induits par une attaque, peuvent par exemple indiquer aux herbivores que la plante a initié la production de composés toxiques ou la présence d’autres insectes sur la plante et donc de potentiel compétiteurs.

Les composés volatiles émis par les plants de tabac Nicotiana tabacum réduisaient le taux d’oviposition des femelles de Heliothis virescens (Lépidoptères) (De Moraes et al. 2001) et agissait également comme répulsif contre les attaques de Frankliniella occidentalis (Thysanoptères) (Delphia et al. 2007). Ghirardo et al. (2012) ont montré une différence d’attractivité des femelles de Tortix viridana suivant les composés volatiles émis par les chênes pédonculés.

Ils peuvent également induire de manière systémique la production de défenses anti-herbivores dans les tissus de la plante pas encore attaqués en prévention d’une éventuelle attaque. Par exemple Frost et al. (2007) ont montré que les feuilles de peuplier qui n’avaient pas subi de dégât mais qui avaient été exposées à des composés volatiles émis par des feuilles de la même tige, endommagée par L. dispar, avaient une réponse défensive plus élevée par rapport aux feuilles qui n’avaient pas été exposées aux composés volatiles.

Les ennemis naturels des herbivores jouent également un rôle dans la régulation des populations d’insectes, réduisant ainsi les dégâts causés par les herbivores (Mooney et al. 2010, Böhm et al. 2011, Giffard et al. 2012). Par exemple Bruinsma et al. (2009) ont montré que trois espèces de guêpes parasitoïdes (Hyménoptères) étaient significativement plus attirées par le mélange de composés volatils émis par les plants de Brassica oleracea attaqués par des défoliateurs. Aussi la quantité d’attaque des chenilles par les oiseaux était directement corrélée à l’émission de composés volatiles (e.g. terpènes) de Betula pubescens (Mäntylä et al. 2008) (voir aussi Amo et al. 2013).

A ce jour, aucune étude publiée n’a spécifiquement mis en évidence l’intervention des signaux chimiques volatils émis par les chênes dans leur reconnaissance et leur colonisation par les papillons de CPC. Cependant, nous montrons dans le Chapitre 1, que les pièges à phéromones capturaient plus de mâles de la CPC dans les peuplements de chêne sessile que dans les peuplements de chêne pédonculé, suggérant une plus forte attractivité du chêne

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sessile par rapport au chêne pédonculé. Williams and Jonusas (2019) montrent que les pièges à phéromone installés dans la canopée de chênes pédonculés capturaient plus de mâles de la CPC que les pièges installés sur six autres essences, incluant trois autres chênes (Q. cerris, Q.

palustris et Q. rubra). Ces auteurs suggèrent que le chêne pédonculé émettrait plus de

composés volatiles attractifs, notamment des terpénoïdes, que les autres espèces. Le chêne sessile n’était cependant pas inclus dans leur étude. Bien que, à notre connaissance, il n’y ait pas d’étude comparative sur les traits foliaires attractifs des deux espèces de chêne étudiées, plusieurs études ont montré que le bois du chêne sessile était caractérisé par un plus haut niveau de composés volatils (comme les lactones) que le chêne pédonculé (Mosedale and Savill 1996, Feuillat et al. 1997, Mosedale et al. 1998, Prida et al. 2007). Des expériences plus contrôlées, seraient nécessaires pour mieux comprendre la réponse comportementale de la CPC à des combinaisons de composés volatils des chênes. De plus nous ne disposons que de peu d’informations sur les effets des ennemis naturels sur les populations de la processionnaire. Les œufs, les larves et les chrysalides de la CPC peuvent être parasités et prédatés par divers invertébrés ou vertébrés. Sobczyk (2014) a établi une liste des ennemis naturels potentiels de la processionnaire du chêne, incluant des parasitoïdes Hémiptères et Diptères (Stigter et al. 1997, Zwakhals 2005, Kitson et al. 2018), des prédateurs Coléoptères et Hétéroptères (Ferrero 1985, Stigter et al. 1997, Baker et al. 2009), mais également des oiseaux et des chauves-souris. Certains de ces ennemis naturels (comme Parus major,

Picromerus bidens ou Calosoma sycophanta) qui sont connus comme agents de biocontrôle

contre d’autres ravageurs (e.g. Mahdian et al. 2006, Mols and Visser 2007, Kanat and Mol 2008, Sands et al. 2015, Kitson et al. 2018), pourraient potentiellement agir contre la processionnaire du chêne. Par exemple, Kitson et al. (2018) ont montré par metabarcoding, que presque la moitié des larves de la CPC analysées (n = 1 000 ; récoltées à Londres) était parasitée par C. illiaca, interrogeant son rôle dans le biocontrôle des populations de la CPC. Les dégâts d'insectes – et de la processionnaire – sont donc déterminés par un ensemble de mécanismes intrinsèquement liés à la plante et à sa physiologie, mais également à l’environnement biotique de la plante, notamment par l’intervention des ennemis naturels des herbivores. Cependant, des effets isolés et bien documentés par des expériences en laboratoire sont difficiles à mettre en évidence dans des conditions naturelles, où une multitude de facteurs biotiques et abiotiques interagissent.

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5.2. Quel est le rôle du voisinage dans les préférences et

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