Malgré la purification du silicium et la cristallisation, ils subsistent des défauts
intrinsèques liés à la maille cristalline du silicium et des défauts extrinsèques liés à des
impuretés contaminantes dans le c-Si.
I.4.1 Défauts dans la maille cristalline
Les défauts cristallographiques sont des anomalies dans la maille cristalline du silicium.
Ils sont classés en deux catégories :
Intrinsèques (int.) pour des défauts liés au silicium lui-même
Extrinsèques (ext.) pour ceux liés à des atomes étrangers.
Ils sont répertoriés en quatre sous-catégories suivant leur présence dans la maille de silicium :
ponctuel, linéaire, surfacique et volumique [Shimura1989] (Tableau I-1).
30
Tableau I-1 : défauts présents dans le silicium cristallinNom Type Définition Figure
I-4
Interstitielle Ponctuel / Int. ou
ext.
Atome en dehors de la maille cristalline et
positionné entre les atomes de silicium A et B
Lacune Ponctuel / Int. Absence d’atome dans la maille cristalline
du silicium C
Substitutionnelle Ponctuel / Ext. Atome étranger prenant la place d’un
atome de silicium D
Dislocation Linéaire / Int.
Défauts considérés comme plan vis ou
coin Les dislocations coin sont générées
avec l’ajout ou disparition d’un plan
atomique dans la maille. Les dislocations
vis sont créées à la perpendiculaire d’un
glissement de deux plans cristallins.
E
Joints de grains Surfacique / Ext.
Frontière entre deux cristaux
d’orientations cristallines différentes. Ils se
présentent lorsque l’angle entre les
cristaux est important, (plusieurs degrés).
On parle de sous-joint de grain lorsque cet
angle est faible (0<θ<15°)
[Hansen2004][Hansen2005].
G
Précipité Volumique / Ext. Agrégat d’impureté dans le silicium F
Figure I-4 : représentation de défauts dans la maille cristalline du silicium. A et B : élément en position interstitielle ; C : lacune ; D : élément en position substitutionnel ; E : dislocation ; F :
précipité ; G : joint de grain.
Ces défauts sont majoritairement formés durant la cristallisation des lingots et sont très
sensibles à l’historique thermique des lingots, mais ils peuvent également se développer lors
du procédé de fabrication des cellules solaires si des contraintes trop importantes sont
appliquées.
31
I.4.2 Impuretés métalliques
La présence d’impuretés métalliques introduit des niveaux d’énergie dans la bande
interdite du silicium (Figure I-5) pouvant générer des recombinaisons des porteurs de charge
de type Shockley-Read-Hall (SRH) (voir § I.4.6.c.). Les pièges créés sont ainsi caractérisés en
termes de densité dans le silicium (N
t), de la section efficace de capture des trous et des
électrons (σ
pet σ
n) et également de leur position dans la bande interdite (E
T). Suivant ces
paramètres, les impuretés métalliques impactent différemment les propriétés électriques du
silicium. En jouant le rôle de dopant, ces impuretés peuvent également donner un caractère
donneur ou accepteur au silicium.
Figure I-5 : niveaux d’énergie dans la bande interdite du silicium de différentes impuretés d’après [Sze1968].
I.4.3 Dopage du silicium
Le dopage provient de la présence d’atomes dopeurs (impuretés dopantes), dans le
silicium. Lorsque l’impureté dopante est en position substitutionnelle et possédent cinq
électrons de valence, elle libère une charge négative. Un électron n’est pas utilisé pour former
des liaisons covalentes avec le silicium et le matériau est de type-n (Figure I-6.B). Ces
impuretés sont dopantes et donneuses. C’est le cas du Phosphore (P) ou de l’arsenic (As).
A contrario, lorsque l’impureté ne possède que trois électrons de valence, la charge est
positive et le silicium est de type-p (
Figure I-6.C). Un électron extérieur est alors accepté pour
former une liaison covalente. Les impuretés sont dopantes et accepteuses. C’est le cas du
Bore (B), Aluminium (Al) ou du Gallium (Ga).
32
Par la suite, seul le silicium de type-n sera utilisé pour la fabrication de cellules solaires SHJ.
L’utilisation et les avantages de ce type de dopage seront détaillés dans le Chapitre : III.
Le dopage du silicium permet d’augmenter la conductivité du matériau (σ) et de
réduire sa résistivité (ρ). ρ dépend alors de la concentration des impuretés dopantes (n pour un
silicium type-n) et de la mobilité de porteurs majoritaires (μ
epour les électrons). Dans notre
cas:
𝜌 = 1
𝜎=
1
𝑛 × 𝑞 × 𝜇
𝑒I-4
La mobilité des porteurs de charges dans le silicium est modifiée avec la concentration des
dopants ce qui a un impact sur la variation de la résistivité. Le modèle de mobilité
semi-empirique d’Arora [Arora82] prend en compte à la fois la diffusion des porteurs de charge par
les vibrations cristallines (phonon) et par l’effet du champ coulombien des impuretés ionisées
présent dans le silicium ainsi que la température. Elle varie suivant l’expression suivante :
𝜇(𝑇) = 𝜇
𝑚𝑖𝑛𝑇
𝑛𝛽1+ (𝜇
𝑚𝑎𝑥− 𝜇
𝑚𝑖𝑛)𝑇
𝑛𝛽21 + ( 𝑁
𝑁
𝑟𝑒𝑓𝑇
𝑛𝛽3)
𝛼𝑇𝑛𝛽4
I-5
Avec T
nla température normalisée à 300K, et α et β respectivement le facteur d’exponentiel et
les coefficients de température. Leurs valeurs sont répertoriées dans le tableau suivant :
Tableau I-2 : paramètres semi-empiriques utilisés dans le modèle d’Arora dans le cas d’un dopage de type-N [Arora1982].
Les variations de la mobilité des porteurs majoritaires, minoritaires et de la résistivité dans un
silicium de type-n en fonction de la densité de porteur de charge sont représentées dans le
graphique suivant :
μmax μmin Nref
(cm²/Vs) (cm²/Vs) (cm-3) β1 β2 β3 β4 électron (majoritaire) trou (minoritaire) 406,9 54,3 2,350x10 17 0,88 1241,8 88,3 1,295x1017 -0,57 -2,33 2,4 -0,146 Température α 0,891
33
Figure I-7 : Variations de la mobilité des porteurs de charges majoritaires, minoritaires et de larésistivité en fonction de densité de porteurs de charges.
Ainsi en connaissant la résistivité et la mobilité des porteurs de charge, il est possible
de calculer la quantité de dopants présents (ou à introduire) dans le silicium.
I.4.4 Ségrégation des impuretés métalliques et dopantes
La composition de la charge de silicium, lorsqu’il est fondu dans le creuset, est
relativement homogène. Les impuretés dopantes sont ajoutées sous forme de poudre ou de
silicium cristallin fortement dopé (pour le type-n forte concentration en phosphore) afin
d’obtenir la gamme de résistivité visée. La charge de silicium contient également des
impuretés métalliques qui n’ont pas été supprimées durant la purification du silicium.
Lors du refroidissement du silicium, les concentrations incorporées dans la partie
cristalline ne sont pas identiques pour chaque fraction solidifiée du lingot (fs). En effet, un
rapport de concentrations entre la phase liquide (C
l) et la phase solide (C
s) se crée en fonction
de l’affinité des impuretés avec chaque phase. Ce rapport est appelé coefficient de ségrégation
(k
eq= C
s/C
l) et est défini à l’équilibre. Lors de la cristallisation, un coefficient de ségrégation
effectif (k
eff) permet de prendre en compte la vitesse de croissance du cristal (ν) et la
diffusivité des espèces dans la zone fondue (D). Il s’exprime suivant l’équation :
𝑘
𝑒𝑓𝑓= 1
1 + (𝑘1
𝑒𝑞
− 1) exp (−𝛿𝜈𝐷 ) I-6
Les impuretés ne réagissant pas de la même façon, leur k
effest différent. Quelques exemples
sont présentés dans le tableau suivant :
Tableau I-3 : coefficient de ségrégation effectif de différentes impuretés dans le silicium pour une vitesse de tirage de 7cm/d’un lingot Cz [Davis1980].
P B Al Cu Cr Fe Ni Mg
34
Connaissant la concentration initiale de l’impureté dans le bain (C
0) et son k
eff, il est alors
possible de connaître sa concentration pour chaque fraction solidifiée du lingot grâce à la loi
de Scheil-Gulliver [Scheil1942] :
𝐶
𝑠= 𝑘
𝑒𝑓𝑓𝐶
0(1 − 𝑓𝑠)
𝑘𝑒𝑓𝑓−1I-7
Le phosphore et le bore suivant également cette loi, la concentration en dopant et la
résistivité varient le long d’un lingot de silicium (Figure I-8).
Figure I-8 : exemple de variation de la concentration de dopant et de la résistivité le long d’un lingot pour keff (P)=0.35 et C0=2.6x1015at.cm-3.
A contrario, la variation de concentration en oxygène n’est pas régit par la loi de
Scheil. Ceci en fait un élément à part notamment dans les lingots Cz pour lesquels il est
présent en grande quantité.
I.4.5 Cas de l’oxygène
I.4.5.a Incorporation dans le silicium
L’oxygène présent dans le silicium cristallin provient essentiellement de la dissolution
des creusets en silice dans la charge de silicium fondu. L’oxygène est alors,
préférentiellement, positionné en interstitiel dans la maille du silicium (O
i).
Dans les lingots multicristallins, malgré la présence d’une couche protectrice en Si
3N
4,
l’O
iest tout de même présent en quantité importante. Au contraire, dans le silicium FZ,
l’absence de contact du barreau de silicium avec un creuset ou une atmosphère légèrement
oxydée réduit les quantités d’oxygène incorporées.
La gamme de concentration ([O
i]) que l‘on peut trouver dans les différents types de
silicium, nommés précédemment, est présentée dans le Tableau I-4. Le silicium Cz est celui
qui va se rapprocher le plus de la limite de solubilité de l’O
i, qui est d’environ 2.75x10
18at.cm
-3(1414°C) [Yatsurugi1973].
35
Tableau I-4 : gamme de concentration d’Oi pour différentes méthodes de cristallisation.Pour un lingot Cz, les [O
i] dépendent principalement des paramètres de tirage des
lingots :
Vitesse et sens de rotation du cristal de silicium;
Vitesse et sens de rotation du creuset.
Ces paramètres modifient les convections thermique et forcée dans le bain de silicium fondu
[Carruthers1968][Chen2011] ;
La pression atmosphérique dans le four.
Elle influencera l’évaporation de l’oxygène sous forme de monoxyde de silicium (SiO), CO,
CO
2et, donc, [O
i] dans le silicium fondu [Lin1983][Machida1998] ;
Le rapport de surfaces entre silicium liquide et solide.
Le diamètre des lingots cristallisés et la taille des creusets ont une influence sur la [O
i] finale
[Carlberg1982][Maeda2003].
I.4.5.b Défauts liés à l’oxygène
L’O
i, lorsque qu’il est isolé dans la maille du silicium, est électriquement inactif.
Cependant, il aura tendance à diffuser de plus en plus rapidement avec l’augmentation de la
température et à s’agglomérer sous différentes formes (Figure I-9.a) :
En dessous de 350°C, la diffusion de l’oxygène reste très faible et il est électriquement
inactif.
De 350 à 550°C, les atomes d’O
ise regroupent pour former des donneurs thermiques
(DT). Ces agrégats peuvent être considérés comme des impuretés dopantes
[Cazcarra1980]. Une description plus détaillée sera faite dans le Chapitre : VI où ils seront
utilisés pour doper le silicium. Au-delà de ces températures, les DT sont détruits.
De 600 à 800°C, un nouveau type de DT est formé appelé nouveaux donneurs
thermiques (NDT). Ils sont accompagnés d’une activité recombinante importante
[Pensl1989]. C’est également dans cette gamme de température que la nucléation des
précipités d’oxygène se fait.
Pour des températures supérieures à 750°C, les précipités d’oxygène (Figure I-9.b)
croissent avec des cinétiques de génération maximales autour de 1050°C.
[Oi] (at.cm-3) mc-Si 2-6x1017 [Rodriguez2011] Cz-Si 5-15x1017 [Lin1994, lee1988] FZ-Si ≈1016 [Lin1994]
36
Figure I-9 : a) variation de la diffusivité de l'oxygène en fonction de température d'après[Gösele1982] ; b) Image TEM d’un précipité sphérique de SiO2 [Moller1999].