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La découverte de l’existence d’anticorps composés de chaînes lourdes uniquement est à l’origine des domaines uniques d’anticorps (sdAb pour single domain antibody), appelés

VHH pour les camélidés (Hamers-Casterman et al., 1993) et V-NARE pour les requins

(Greenberg et al., 1995). Le site de reconnaissance de l’antigène n’est donc formé que d’un

domaine. Les sdAb sont également appelés nanobodies. Pour palier l’absence du domaine

VL, les sdAb possèdent des CDR beaucoup plus longs, particulièrement au niveau de la

boucle du CDR3. La longueur du CDR3 peut par exemple lui permettre d’interagir avec des

sites actifs d’enzymes pouvant être enfouis dans une cavité (Muyldermans et al., 2001). Cette

propriété permet d’envisager l’utilisation de sdAb comme inhibiteurs. Il faut noter que ces

fragments sont plus hydrophiles (Sidhu and Fellouse, 2006), induisant une expression en

cellules hôtes plus aisée que d’autres fragments d’anticorps tels les scFv. Comme les

intrabodies, des sdAb ont été utilisés pour inhiber des antigènes intracellulaires (Tanaka et al.,

2003).

Les fragments présentés ci-dessus reflètent généralement l’exploitation de l’activité de liaison

de l’anticorps. Mais la partie constante suscite également un intérêt important, notamment

dans l’activation des voies immunitaires.

I.B.3.b.4 Les Minibodies

Un minibody correspond à deux scFv reliés chacun à un domaine C

H

3 (Figure I-13). C’est la

raison pour laquelle il est aussi appelé scFv-CH3. Cette protéine conserve à la fois la

spécificité de liaison, ainsi qu’une partie des fonctions effectrices des anticorps associées au

domaine CH3. Ce format permet une bonne pénétration dans les tumeurs et une meilleure

clairance par rapport aux anticorps classiques. Ces caractéristiques sont notamment très

importantes en imagerie (Yazaki et al., 2001).

I.B.3.b.5 Les protéines de fusion avec la région Fc

Il est possible d’exploiter les propriétés effectrices des anticorps en fusionnant la région Fc

des immunoglobulines avec une protéine d’intérêt. Ces protéines de fusion-Fc sont aussi

appelées immunoadhésines. La fusion de la région Fc permet de conférer de nouvelles

propriétés à la protéine cible, telles que :

• Une purification simplifiée par chromatographie avec la protéine A. En effet, la

protéine A provient de Staphylococcus aureus et fixe le fragment Fc. La fusion d’une

région Fc avec n’importe quelle protéine d’intérêt permet donc de disposer d’un

système de purification simple, performant et universel.

• L’interaction avec les récepteurs Fc et le complément (cf. § I.A.4). Les fonctions

effectrices sont donc conservées et la demi-vie est plus courte pour les

immunoadhésines allant jusqu'à 70 kDa correspondant au seuil d'élimination rénale,

par comparaison avec un anticorps entier (Cuesta et al., 2010).

Selon le même principe, il est possible de réaliser la fusion d’un simple peptide au domaine

Fc. Les protéines obtenues sont appelées peptibodies. Un peptibody a récemment reçu un

agrément par la FDA (pour Food and Drug Administration) en 2008. Il s’agit du Romiplostim

indiqué dans le traitement du Purpura Thrombopénique Idiopathique (Hall et al., 2010)

(Tableau I-3).

I.B.3.b.6 Multispécificité et Multivalence

Afin d’augmenter le spectre de spécificité, des anticorps bispécifiques ont été produits. Cette

bispécificité permet de reconnaître deux épitopes distincts sur un même antigène ou sur deux

antigènes différents. La difficulté dans la production de ces anticorps réside dans l’association

aléatoire des chaînes lourdes et légères, pouvant induire la production d’anticorps

monospécifiques ou non fonctionnels. Cependant, par un procédé original, une équipe a réussi

à obtenir des taux importants d’anticorps bispécifiques fonctionnels (Ruf and Lindhofer,

2001). Ces anticorps sont alors issus d’un quadrome qui est réalisé par la fusion de deux

hybridomes (Lindhofer et al., 1995). L’élégance de ce travail tient du fait que les hybridomes

proviennent de deux espèces différentes et expriment chacun un anticorps spécifique propre :

une IgG2b de rat et une IgG2a de souris. Ainsi, lors de la synthèse de la protéine, les chaînes

lourdes et légères d’une même espèce s’associent préférentiellement. Il y a alors

statistiquement un anticorps sur trois qui est bispécifique avec un coté « rat » et l’autre

« souris », contre un anticorps sur dix pour un quadrome obtenu avec des cellules d’une

même espèce. Ces anticorps bispécifiques sont finalement trifonctionnels, leur partie Fc

pouvant activer les mécanismes d’ADCC ou d’ADCP (cf. § I.A.4).

L’augmentation de la spécificité des anticorps est intéressante mais leur taille reste

problématique, notamment pour des applications en imagerie ou en oncologie. Pour de telles

applications, le format scFv est plus largement utilisé. En assemblant plusieurs scFv, la

valence de la protéine obtenue est augmentée (diabodies, triabodies et tetrabodies,

Figure I-13). Deux grandes méthodes sont utilisées :

• Des domaines d’oligomérisation existants dans des protéines naturelles peuvent être

exploités pour induire une multivalence. A titre d’exemple, la fusion de domaines ZIP

(leucine zipper) aux scFv permet leur dimerisation. De même le TNF! (tumor

necrosis factor alpha) est une cytokine trimérique. Une fusion avec des scFv permet

donc d’obtenir des tribodies (Cuesta et al., 2010).

• L’exploitation des liens peptidiques : Contrairement aux espaceurs des scFv

monomériques qui présentent au moins 12 a.a. (permettant l’association des deux

domaines V

L

et V

H

), les espaceurs des scFv multimériques font de 3 à 12 a.a. (Hudson

and Kortt, 1999). Ces espaceurs plus courts limitent l’interaction entre domaines d’un

même scFv. Les interactions entre les domaines se font donc entre les monomères de

scFv différents. Ainsi, pour un diabody le domaine V

L

d’un scFv va s’associer avec le

domaine V

H

de l’autre scFv et inversement. En augmentant la valence il est également

possible de diversifier la spécificité. Un tétrabody est tétravalent. Il peut donc, par

exemple, présenter une unique spécificité au niveau de ses 4 sites de liaison à

l’antigène, ou être bispécifique (Kipriyanov et al., 1999), ou même atteindre, en

théorie, la tétraspécificité.

La valence a une influence sur l’avidité. Pour rappel, l’affinité caractérise l’interaction

paratope-épitope : elle implique des phénomènes d’attraction (ou d’association, définie par le

k

on

) et de répulsion (ou de dissociation, définie par le k

off

), associés à une valence unique.

L’affinité est définie par la relation K

D

= k

off

/k

on

et représente la concentration molaire

nécessaire pour atteindre l’équilibre avec 50% des sites de liaisons occupés et 50% libres

(Pathak and Palan, 2005). Dans le cas de protéines multivalentes comme les anticorps, qui

sont au moins bivalents, on parle plutôt d’avidité qui tient compte de l’affinité propre à

chaque site de liaison. L’avidité est aussi appelée affinité fonctionnelle. Il faut noter que la

relation affinité/avidité n’est pas linéaire (Rudnick and Adams, 2009).

I.B.3.c Optimisation des anticorps

Afin d’exploiter au mieux les propriétés des anticorps et de leurs fragments dérivés, diverses

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