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Chapitre I - Introduction générale

4 Décomposition des litières et éléments dans l’humus

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4.1 La décomposition des litières

La décomposition ou dégradation de la matière végétale (la litière) est le processus de dégradation physique et chimique des tissus de plantes (Tardif, 2013). La transformation de cette matière organique morte aboutit à une libération d’eau, de dioxyde de carbone et d’éléments minéraux dans le sol, sous une forme disponible (c’est-à-dire assimilable tout de suite) pour les végétaux (Begon et al., 2005; Chapin et al., 2002). Cette décomposition est un processus clé pour les écosystèmes (Cadisch and Giller, 1997; Swift et al., 1979) car c’est un facteur majeur influençant le cycle du carbone (Canadell et al., 2007; Prentice et al., 2001) ainsi que la disponibilité en nutriments et éléments bénéfiques pour la végétation. Elle influence donc directement la nutrition des plantes (Bardgett, 2005; Wardle, 2013). Les arbres et végétaux du sous-bois participant à la litière affectent également le cycle des nutriments dans l’écosystème à travers le prélèvement et l’utilisation des nutriments par les végétaux, les interactions avec la rhizosphère et la qualité de la litière (Berg and McClaugherty, 2014; Eviner and Chapin III, 2003; Hobbie, 1992).

Ce processus de décomposition, en plus de constituer une source importante de nutriment pour l’arbre, contribue à l’émission de gaz à effet de serre et en particulier de CO2. La décomposition de la matière organique est donc un processus au cœur des problématiques actuelles (IPCC et al., 2005).

4.2 Vitesse de décomposition des litières

Les débris végétaux de la litière sont composés de constituants organiques mais également de biominéraux (Krieger et al., 2017). Les biominéraux les plus communs retrouvés dans les plantes sont les oxalates de calcium, la silice amorphe et les carbonates de calcium (Bauer et al., 2011).

La plupart des constituants chimiques organiques des litières correspondent à des composés hydrosolubles. Parmi ces composants, trois sont particulièrement présents : la cellulose et l’hémicellulose qui sont des carbohydrates labiles en polymères, et les lignines composées de cycles aromatiques, plus difficiles à décomposer (Neher et al., 2003; Tardif, 2013; Williams and Gray, 1974). La cellulose représente 20-30 % de la masse totale des litières, l’hémicellulose 30-40% et les lignines 15-40% (Killham, 1994). Cependant, ces valeurs peuvent varier selon le type de plante, l’âge et l’environnement (Berg and McClaugherty, 2014). Généralement, la décomposition des litières comprend deux étapes (Aerts, 2006) :

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• La fragmentation de la litière par les détritivores (macro et microfaune) qui peut durer de quelques mois à quelques années.

• La minéralisation de la litière, c’est-à-dire la transformation chimique des fragments en molécules inorganiques de base (ammonium, phosphate, dioxyde de carbone, eau, etc…) (Cadisch and Giller, 1997; Swift et al., 1979). En général, l’hémicellulose est minéralisée avant la cellulose et les lignines.

Les temps de décomposition moyens des composants principaux de la litière varient de 14 jours pour l’hémicellulose à 500 jours pour les lignines (Killham, 1994). Ainsi, avec l’avancement de la décomposition, la concentration en lignines va augmenter et va ralentir la vitesse de décomposition de la litière.

La vitesse de décomposition de la litière est également influencée par des facteurs abiotiques et biotiques dont les trois principaux sont : l’environnement physique (le climat, la géographie, le sol…), la qualité de la litière (caractérisée par des rapports comme C/N, N/lignine…) et les organismes présents (la micro, méso et macrofaune) (Figure 5). Ces différents facteurs influencent différemment la décomposition en fonction de son stade d’avancement (Berg and McClaugherty, 2014) mais également en fonction de l’échelle spatiale : le climat aura un effet prédominant à l’échelle régionale alors que la qualité des litières sera plus importante à une échelle locale (Aerts, 1997; Meentemeyer, 1984). Cependant, certains auteurs ont hiérarchisé ces facteurs par ordre décroissant d’importance : climat > qualité des litières > organismes décomposeurs (Aerts, 2006; Lavelle et al., 1993). Nous pouvons supposer que la présence plus ou moins importante de biominéraux dans les tissus végétaux pourrait également jouer sur la vitesse de décomposition, ces formes étant potentiellement plus difficiles à dégrader.

Figure 5 : Principaux facteurs contrôlant la décomposition de la litière (adaptée de Aerts (2006))

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4.3 Perte de masse des litières

Le processus de décomposition se traduit par une perte de masse des litières liée à l’action associée de la fragmentation, de la minéralisation et du lessivage de la litière. Cependant, comme décrit précédemment, les principaux composants des litières ne se dégradent pas à la même vitesse et la perte de masse n’est pas constante dans le temps (Figure 6) (Tardif, 2013).

Figure 6 : Représentation schématique de la masse restante (% de la masse initiale) de litière foliaire en fonction du temps de décomposition (années) en climats tropical et arctique. Les principaux types de constituants chimiques sont présentés (composés cellulaires solubles, cellulose, hémicellulose, produits microbiens, lignines), ainsi que la dynamique des 3 phases majeures (tiré de Chapin et al., 2002)

Cette perte de masse pourrait être divisée en trois phases (Figure 6) (Chapin et al., 2002) :

1) Le lessivage des composés cellulaires solubles. En effet, ces composés peuvent représenter 7% à 30% de la masse foliaire pour des aiguilles de Pin sylvestre et d’Aulne blanc respectivement (Berg and McClaugherty, 2014). Le lessivage de ces composés solubles a lieu dans les premières 24h et peut représenter jusqu’à 5% de la perte de masse initiale de la feuille sénescente (Chapin et al., 2002).

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2) La fragmentation et la minéralisation de la litière. Cette seconde phase, moins rapide est dépendante de l’action des organismes (macro-, méso- et micro-organismes). Cette phase peut durer quelques mois à quelques années.

3) La très lente réduction de la masse des litières. Cette phase, la plus lente, correspond à des litières qui évoluent peu chimiquement tout en s’incorporant au sol (Aber et al., 1990; Melillo et al., 1989). Les litières sont à ce moment constituées essentiellement de composés difficiles à dégrader comme des lignines, des parois cellulaires microbiennes ou encore des biominéraux.

De nombreux modèles mathématiques ont été élaborés pour décrire le processus de perte de masse des litières (Berg and McClaugherty, 2014; Moorhead et al., 1996). Le modèle le plus utilisé est celui d’Olson (1963) décrivant la décomposition de la litière selon une loi exponentielle négative :

M

t

= M

0

.e

-kt

avec Mt la masse de litière restante au temps t, M0 la masse de litière initiale et k le taux de décomposition.

4.4 Temps de résidence dans l’humus

Bien qu’essentielles dans le cycle biologique de l’écosystème forestier, les études sur les éléments autres que C et N dans l’humus sont plutôt limités. Le plus souvent, les éléments sont étudiés dans les litières à travers la perte de masse par des études par sachets de litières (Albers et al., 2004; Berg and McClaugherty, 2014; Berger et al., 2009). Les études centrées sur l’humus auront tendance à se concentrer sur les vitesses de minéralisation de la matière organique et les temps de résidence des éléments notamment de C, N et parfois P (Campo et al., 2014; Gosz et al., 1976; Kavvadias et al., 2001; Prescott et al., 1989; Vogt et al., 1983). Dans ces différentes études, le temps de résidence des éléments peut être calculé pour des humus stables, c’est-à-dire que le stock d’éléments présents dans l’humus n’évolue pas. Ce temps est calculé à partir de la formule (Gosz et al., 1976) :

T = H / L

avec T= temps de résidence, H = stock d’un élément dans l’humus et L= élément dans la litière entrante.

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Le calcul de ce temps de résidence présente cependant des limites car il s’agit d’un temps moyen de résidence pouvant intégrer des processus très contrastés. En effet, il ne tient généralement compte que d’un seul type d’entrée solide dans l’humus, négligeant des entrées comme les rémanents qui pourraient influencer le temps de résidence de certains éléments. De plus, la présence de particules de sol dans l’humus (liée notamment à de la bioturbation) pourrait augmenter la quantité de certains éléments dans le stock d’éléments présents.

Dans l’humus, certains éléments peuvent également être immobilisés par des processus biotiques et abiotiques. Ces processus ont été plus majoritairement étudiés pour Si et Ca. Plusieurs auteurs ont montré que Si pouvait être immobilisé par certains types d’amibes qui utilisent le Si présent dans l’humus pour construire leurs thèques (Sommer et al., 2013; Wilkinson and Mitchell, 2010). Le Ca, parfois combiné avec P, K ou Mn a été observé sous forme d’oxalate de calcium précipitant autour d’hyphes de champignons quand il était présent en grande quantité dans l’humus (Burford et al., 2003). Cependant, peu d’études présentent l’immobilisation d’autres éléments, processus qui pourrait influencer leurs différents temps de résidence.

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