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IV. 2.2 - L’élongation

IV.2.2. B.2 - Le décodage

IV.2.2.B.2.1 -Introduction – Reconnaissance codon-anticodon

L'appariement codon-anticodon se fait dans le ribosome, par complémentarité de bases. De

manière évidente, ce sont les positions γ4, γ5 et γ6 de l’ARNt, correspondant à l’anticodon,

qui interviennent dans la reconnaissance. Les modifications post-traductionnelles situées dans la tige-boucle anticodon sont également importantes lors du processus. D’autre part, en 1966, F. Crick énonce des règles d'associations codon-anticodon grâce auxquelles un nombre minimal de 32 ARNt est nécessaire (wobble hypothesis) (Crick, 1966). En effet, il est possible

que des ARNt possèdent un nucléotide non canonique en position 34 de leur anticodon : l'inosine (renfermant une base inhabituelle : l'hypoxanthine) qui peut s'associer (faiblement) par liaisons hydrogène avec U, C ou A. Ces appariements non canoniques sont appelés le « wobble pairing » (littéralement « appariement bancal ») et permettent donc de réduire le nombre d'ARNt nécessaires à la traduction du code génétique, en autorisant la lecture de différents codons synonymes par un seul et même ARNt.

Les nucléotides adjacents jouent également un rôle dans la reconnaissance codon-anticodon. Ainsi la position γγ est toujours un uracile (U) jamais modifié. A l’inverse, la position 37 est une purine (A ou G) fréquemment modifiée. Le rôle de celle-ci est associé au maintien à la fois de l'efficacité et de la fidélité de la traduction. Cette modification est fréquente lorsque la base en position 36 est une adénine ou un uracile. Effectivement, pour les interactions A:U ou U:A, la modification empêche la formation de paires de bases dans la structure tige-boucle de l'anticodon et réduit ainsi le risque de déphasage (Vendeix et al., 2008). Étonnamment

d’autres bases situées dans le corps de l’ARNt jouent également un rôle dans cette reconnaissance en intervenant dans la distorsion de l’ARNt au cours du processus de

décodage.

Il est désormais évident que le ribosome ne fait aucune distinction entre la géométrie des paires de bases « Watson-Crick » et « wobble pairing ». Le mécanisme actuel établit en outre que la discrimination entre les ARNt est principalement fondée sur l'ajustement spatial, notamment grâce à la conformation unique et caractéristique de chaque ARNt, plutôt que sur le nombre de liaisons hydrogène entre le centre de décodage et le duplex codon-anticodon (Rozov et al., 2016).

Figure 7. Les différentes étapes de l’arrivée d’un nouveau ARNt par EF-Tu au ribosome. D’après Voorhees R.M et Ramakrishnan V., 2013, Annu. Rev. Biochem.L’image (a) explique le code couleur utilisé.

IV.2.2.B.2.2 - Les étapes du décodage

Le processus de décodage se décompose en une série d'étapes comprenant : (a) la liaison rapide et réversible du complexe ternaire au centre de décodage ; (b) la stabilisation de

l’ARNt; (c) la communication entre l’ARNt apparié et EF-TuGTP ; (d) le déclenchement de

l’hydrolyse du GTP ; (e) la dissociation d’EF-TuGDP du ribosome et l’accommodation de

IV.2.2.B.2.2.1 - Distorsions dans le Corps de l’ARNt

En plus de l’appariement des bases codon-anticodon, le corps de l’ARNt joue également un rôle essentiel dans le décodage. La liaison du complexe ternaire au ribosome entraîne en effet la formation d’un état A / T de l’ARNt. Cette conformation induit deux zones de déformation

de l’ARNt : une torsion de la tige anticodon et un mouvement de la tige D par rapport à la tige T. La séquence du corps de l’ARNt qui permet sa déformation pour être dans l’état A/T est réglée avec précision à l'identité de l'acide aminé, tout comme la force d'interaction codon anticodon. Ainsi, chaque ARNt possède un équilibre d'énergie unique qui permet un décodage précis.

IV.2.2.B.2.2.2 - Facteur d’élongation Tu

En même temps que la déformation du corps de l'ARNt, EF-Tu subit un réarrangement corformationnel. EF-Tu es composé de trois domaines : le domaine 1 ou domaine GTPasique dont la structure et la séquence sont conservées dans tous les GTPases ; le domaine 2 qui est localisé au niveau de l’épaule du γ0S lors de sa liaison ; le domaine 3 qui intervient dans les interactions avec l’ARNt.

IV.2.2.B.2.2.3 - L'activation de la GTPase et l’hydrolyse du GTP

L’hydrolyse du GTP est initialement empêchée par une porte hydrophobe composée des résidus Val20 et Ile60. Lors de l'activation GTPasique, l’Histidine 84 passe la porte hydrophobe et coordonne une molécule d'eau qui attaque le -phosphate du GTP. Les mouvements à l'intérieur de EF-Tu ( -tour), de l'ARNt (extrémité 3') et du ribosome (fermeture tête/épaule du 30S) sont nécessaires pour l'activation GTPasique.

Figure 8. Hydrolyse du GTP d’EF-Tu lors de l’élongation. D’après Rebecca M. Voorhees et V. Ramakrishnan, 2013, Annu. Rev. Biochem. Conformation d’EF-Tu avant liaison au ribosome, l'histidine est dans une conformation catalytique inactive, éloignée du GTP. EF-Tu lié au ribosome en interaction avec le résidu Aβ66β de la boucle de sarcine ricine (SRL) (cyan) active l’hydrolyse en positionnant l’His84 (switch II) dans le site actif. Après hydrolyse du GTP et la libération de Pi, la

boucle du switch I (Ile60) est désordonnée (ligne pointillée) et His84 est revenue à une conformation inactive, en contact avec le résidu G2661 du SRL.

À la suite de l'hydrolyse du GTP et de la libération du Pi, les interactions avec la boucle du switch I (Figure 8) se désordonnent. EF-Tu subit alors un changement conformationnel, ce qui implique une rotation du domaine 2 par rapport au domaine 3. Ce mouvement perturbe les interactions du domaine GTPasique avec la boucle SRL du 21S, ainsi que ceux entre switch II (Figure 8) et le bras accepteur de l’ARNt. L’ensemble de ces réarrangements affaiblit les

interactions d’EF-Tu-GDP avec le ribosome et provoque sa dissociation.

IV.2.2.B.2.2.4 - Hébergement et Relecture

Après la sortie d’EF-Tu, l'aminoacyl ARNt est essentiellement maintenu sur le ribosome par ses interactions avec le centre de décodage. Bien que les ARNt non correspondant soient pour la plupart rejetés lors de l'étape initiale, ils peuvent aussi se dissocier du ribosome après hydrolyse du GTP, lors d’une sous-étape nommée « proofreading ». Effectivement, un ARNt mal apparenté possède des interactions plus faibles avec le centre de décodage, et se dissocie

plus facilement. A l’inverse, un ARNt avec de fortes interactions au centre de décodage a

donc une conformation stable, ce qui facilite son logement dans le centre peptidyl transférase. Le positionnement de l’aminoacyl-ARNt dans le centre de transfert peptidique conduit à la

formation rapide d'une liaison peptidique, ce qui représente la fin d'un cycle de décodage réussi.

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