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1.2 Les plasmas non-thermiques

1.2.2 Les décharges à pression atmosphérique

À haute pression, le libre parcours moyen est très faible (λ ' 70 nm à 1 bar) et la fréquence de collisions est très élevée. Par conséquent, le critère de Meek est rapidement atteint et les décharges électriques créées par un champ électrique uniforme (géométrie d’électrodes plan-plan) sont principalement de type streamer. Les instabilités ont aussi une plus grande probabilité d’apparaître. La décharge transite rapidement en un arc électrique. Pour obtenir un plasma non-thermique, il faut empêcher le développement de ces instabilités soit en limitant la valeur du courant, soit en coupant le champ avant que les instabilités puissent se développer, c’est-à-dire en utilisant un mode de fonctionnement impulsionnel. Il est alors possible de créer des décharges à pression atmosphérique qui ne soient pas des arcs électriques grâce à un contrôle spatial et temporel des décharges (barrière diélectrique, pré-ionisation, impulsions nanosecondes, géométrie non-uniforme du champ, . . . ).

1.2.2.1 Les décharges couronnes

Il s’agit d’un type de décharge qui se développe à pression atmosphérique quand le champ électrique est fortement inhomogène. L’homogénéité du champ permet de stabiliser la décharge. Elle est créée par l’asymétrie des électrodes, l’une ayant un rayon de courbure beaucoup plus petit que l’autre. Les géométries d’électrodes asymétriques les plus courantes sont la (multi)pointe-plan, le (multi)fil-plan, ou le fil-cylindre. L’asymétrie est responsable d’un renforcement du champ électrique radial au voisinage de l’électrode à forte courbure (pointe, fil,. . . ). Il est possible d’estimer le champ électrique inhomogène créé par chaque géométrie (Tab. 1.2) [8].

Le mécanisme de multiplication électronique démarre au voisinage proche de l’électrode à forte courbure, là où le champ est le plus intense, et dépend de la polarité de la tension :

– si la polarité est négative, la décharge couronne se développera autour de la cathode selon un mécanisme de Townsend,

– si la polarité est positive, on distingue trois cas en fonction de l’amplitude de la tension :

– à faible tension, la décharge se développe autour de l’anode, par un

mécanisme de photo-ionisation dans son voisinage. La décharge est en réalité composée de multiples micro-filaments qui partent de l’anode. On parle de décharge burst,

pointe-plan fil-cylindre fil-plan d x Er(x) Em R x Er(x) Em h x Er(x) Emax Er(x) = 2V (r + 2x) ln 2d r + 1 ! Er(x) = V x ln R r  Emax(x) = V r ln 2h r !

Tab. 1.2 – Expression du champ électrique inhomogène pour certaines géométries (perpendicu-lairement à l’axe de symétrie).

– pour une tension intermédiaire et un gaz électronégatif, la décharge

se développera sous la forme d’un glow, comme par exemple le halo lumineux autour d’une ligne à haute-tension.

– à tension élevée, la décharge sera de type streamer.

Tout comme les processus dans un champ homogène, le développement d’une décharge dans un champ inhomogène est un processus à seuil. La valeur du champ critique, Ec, au-delà de laquelle une décharge couronne de type glow peut se développer, dans l’air et pour une polarité positive, est déterminée par la formule empirique de Peek[8] :

Ec = 31 × δ 1 + 0.308δr

!

(kV cm−1) (1.11)

où δ correspond au ratio de la densité de l’air par rapport à la densité de l’air dans les conditions normales de pression et température et r est le rayon de l’électrode à forte courbure. L’équation (1.11) couplée à l’équation du champ électrique (Tab. 1.2) permet de déterminer l’extension maximale de la décharge. Ainsi, pour une géométrie fil-cylindre dans l’air, la couronne s’étendra jusqu’à la région de l’espace où le champ est égal au champ critique et le rayon maximal de la décharge couronne

vaut : rmax = V Ecln R r  (1.12)

où V est la tension appliquée, R le rayon du cylindre et r le rayon du fil. À partir d’une certaine tension, le renforcement du champ par la charge d’espace s’accumulant dans la zone proche de l’électrode à forte courbure est suffisant (critère de Meek) pour qu’un streamer puisse s’initier et se propager vers la contre-électrode (Fig. 1.15). + + + + + Cathode x E(x) Ec

Fig. 1.15 – Profil du champ électrique sur l’axe pour une décharge couronne pointe/plan. Influ-ence de la charge d’espace.

1.2.2.2 Les Décharges à Barrière(s) Diélectrique(s) (DBD)

Il est nécessaire dans certains cas de travailler avec une distance inter-électode d inférieure à l’extension maximale de la décharge ou à des tensions élevées, tout en voulant éviter les transitions à l’arc [21]. Les géométries DBD permettent d’éviter le développement des instabilités responsables de la transition à l’arc. La con-figuration à barrière(s) diélectrique(s) permet de limiter le courant de décharge, notamment son augmentation exponentielle. On peut limiter le courant en insérant un matériel diélectrique sur une ou les deux électrodes (Fig. 1.16). Il s’agit d’un matériau isolant (verre, quartz, Téflon,. . . ) qui va empêcher les charges d’atteindre les électrodes. La DBD peut se développer soit dans un champ électrique ho-mogène, soit dans un champ électrique inhomogène (fil-cylindre, . . . ). Elle se propage sous la forme d’un (multi-)streamer(s). Quand l’onde d’ionisation atteint

+ +

Fig. 1.16 – Différentes configurations possibles du diélectrique : une électrode (à gauche), deux électrodes (au milieu) ou dans l’espace inter-électrodes (à droite).

la surface du diélectrique, des ions positifs s’accumulent en surface du diélectrique (à la cathode pour un streamer positif). Une charge de surface, QS, croît et crée un champ électrique de surface ES, qui s’oppose au champ électrique externe, E0. Le champ total, E = E0+ ES, diminue et devient inférieur à la valeur seuil pour le développement d’une décharge. Par conséquent, la décharge s’éteint et la charge positive accumulée en surface du diélectrique, sur une surface plus étendue que la largeur du canal de la micro-décharge (Fig. 1.16), crée une zone de champ élec-trique plus faible dans l’espace inter-électrodes. Hors de ces zones d’accumulation de charge de surface, le champ électrique est inchangé et suffisamment intense pour que des micro-décharges puissent s’y développer. Ainsi, on a une répartition spa-tiale des micro-décharges sur l’ensemble de l’électrode. Ensuite, les ions accumulés en surface se dissipent et le champ électrique de surface diminue. Quand le champ total redevient supérieur à la valeur seuil, les micro-décharges se développent à nouveau. En fonctionnant en mode alternatif, l’inversion de la polarité crée un champ externe qui s’ajoute au champ électrique de surface. Ce renforcement du champ total facilite le développement d’une onde d’ionisation qui va se propager depuis le diélectrique. L’utilisation d’un diélectrique sur une ou deux électrodes permet de limiter la densité de courant qui passe dans la décharge. Le fonction-nement en mode alternatif est limité à des fréquences, ν, de l’ordre de 10 MHz, pour que le diélectrique garde ses propriétés isolantes. Les DBD sont les décharges les plus utilisées pour des applications de traitement de gaz, grâce à la simplicité de leur mise en place.

1.2.2.3 Les décharges pré-ionisées

À pression atmosphérique, les décharges couronnes et les DBD créent un vol-ume limité et hétérogène de plasma comparées à un glow basse-pression. Pour créer un large volume de plasma non-thermique à pression atmosphérique, on peut augmenter le nombre de micro-décharges et forcer le recouvrement des têtes

d’avalanches avant que celles-ci ne se transforment en streamers individuels [22]. Pour cela, il est nécessaire de créer une densité d’électrons germes suffisamment homogènes et d’utiliser des tensions pulsées très courtes (typiquement inférieures à quelques centaines de nanosecondes) pour empêcher que les instabilités aient le temps de se développer et que la décharge transite vers l’arc. Deux modes de fonctionnement pour ce type de décharges existent :

– un mode où les électrons germes nécessaires sont fournis par une source externe. Cet ensemencement permet d’obtenir une distribution uniforme d’électrons (de 107−108cm−3bar−1selon le gaz). On parle alors de décharges pré-ionisées. Par exemple, la mise en œuvre expérimentale d’une décharge photo-déclenchée est composée de trois parties principales (Fig. 1.17) [23],[24] :

- une partie pour le stockage de l’énergie, typiquement des condensateurs en céramique chargés en parallèle et reliés aux électrodes.

- un système de pré-ionisation, en utilisant soit des photons X (diode à rayons X), soit une source UV obtenue grâce à une décharge couronne auxiliaire.

- une cellule de décharge.

Fig. 1.17 – Schéma d’un réacteur de décharge pré-ionisée, issu de [25].

Quand les condensateurs ont été chargés à la tension voulue, la pré-ionisation du milieu est effectuée et la densité d’électrons germes augmente. Cette aug-mentation s’accompagne d’une homogénéisation de la densité électronique dans l’espace inter-électrodes et d’un recouvrement des avalanches électron-iques créées dans le milieu. Ce type de décharge permet de créer un large

volume de plasma homogène transitoire, occupant un large volume ou la to-talité de la cellule de décharge. Les décharges pré-ionisées sont très utilisées en laboratoire pour étudier les cinétiques des plasmas homogènes, notam-ment à cause de leur facilité de modélisation et de couplage avec des modèles 0D.

– un mode où la décharge crée elle-même les électrons germes nécessaires à son initiation. C’est par exemple le cas des décharges fonctionnant à haute fréquence et qui utilisent l’effet de mémoire d’une décharge à la suivante. La présence de molécules électronégatives (telles le dioxygène) impliquent la formation d’ions négatifs et des électrons germes sont très vite arrachés par le champ appliqué [26]. Récemment, il semblerait que l’utilisation d’impulsions haute-tension (> 40 kV) de durée ultra-courte (quelques dizaines de nanosec-ondes) avec un front de montée raide (> 15 kV ns−1) et une géométrie asymé-trique d’électrodes (pointe(s)-plan, fil-cylindre, . . . ) permettrait d’atteindre des valeurs de champ suffisamment élevées pour peupler le domaine des hautes énergies de la f.d.e.e. On suppose alors que ces électrons très én-ergétiques pourraient être responsables non seulement d’une forte ionisation mais également, pour ceux dont l’énergie est suffisante pour devenir run-away, être responsables d’une émission de photons X après interaction avec l’anode [16],[18],[27],[28]. Ce rayonnement X serait à l’origine d’un auto-ensemencement en électrons germes de la décharge au voisinage plus ou moins proche de l’anode (selon l’énergie des photons X). La densité électronique du milieu croitrait et permettrait le recouvrement rapide d’un grand nombre d’avalanches électroniques quand l’onde d’ionisation se propage. La décharge créée ressemble à une décharge couronne de type glow, que l’on nommera par la suite décharge diffuse. Si l’espace inter-électrodes est très important, la décharge diffuse transitera en mode streamer au-delà d’un rayon d’extension maximale.

Dans le but de créer le plus large volume possible de plasma non-thermique à pression atmosphérique et de garder une mise en œuvre relativement simple, notre choix s’est porté sur l’utilisation d’une décharge diffuse créée par une impulsion haute-tension nanoseconde ultra-courte.