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Chapitre 3. Troisième postulat : la redéfinition des concepts de formation et d’insertion

3.1 Examen critique des concepts traditionnels de formation et d’insertion

3.1.2 Concept d’insertion professionnelle

3.1.2.2 Entre le début et la fin de l’insertion

L’insertion, analysée à l’intérieur des marqueurs de débuts et de fins, a donné lieu dans la littérature à des contructions sociales. Elles sont identifiées certes, en fonction de logiques de séquences (i.e. cycles, phases, étapes), ou encore, de trajectoires.

Logiques de séquences

L’insertion, qui est en fait appréhendée en fonction du concept de carrière, réfère essentiellement au développement professionnel. Ce développement est constitué de phases ou de cycles. C’est Huberman (1989) qui a élaboré ces concepts à partir des études classiques de la psychologie développementale. Son modèle repose sur les cycles de vie individuelle qu’il a mis en lien avec la carrière des enseignants. Il repose plus précisément sur des approches psychosociologiques et intègre plusieurs phases : 1) l’exploration; 2) la stabilisation; 3) la diversification; 4) la remise en question; 5) la sérénité et la frustration; 6) le conservatisme; 7) le désengagement.

Complémentaire à ce modèle, le modèle de Sykes et collaborateurs (1985) propose une structure similaire en se basant sur le modèle de Levinson (Levinson, 1978). Sykes et ses

collaborateurs circonscrivent aussi cinq étapes en fonction d’une logique de cycle de vie qui repose sur la nécessité d’accomplir certaines « tâches » : 1) l’exploration; 2) la transition de la trentaine; 3) l’établissement; 4) la remise en question; 5) le désengagement.

Comme nous pouvons le constater, les modèles de Sykes et collaborateurs, ainsi que celui d’Huberman se rejoignent beaucoup. Les étapes sont similaires : 1) l’exploration; 2) la stabilisation ou de transition; 3) la remise en question; 4) le désengagement. Parmi ces étapes, l’insertion correspondrait à la phase d’exploration (Baillauquès & Breuse, 1993; Huberman, 1989; Nault, 1993).

Logiques de trajectoires

L’insertion est appréhendée aussi en lien avec le concept de carrière selon deux grands courants de pensée, structurel et expérientiel43. Le premier courant avance que l’insertion, qui s’inscrit dans une trajectoire, prend place dans une « structure formelle » de carrière versus la « mobilité des acteurs ». Cette dernière est généralement ventilée en fonction d’une hiérarchisation horizontale et/ou verticale. Lorsqu’elle est verticale, la trajectoire implique une progression-promotion pouvant aller jusqu’à l’obtention d’un « statut supérieur », souvent accompagné d’une nouvelle organisation et d’une définition des tâches. Lorsqu’elle est horizontale, la trajectoire n’opère pas en termes de hiérarchie progression-promotion, mais plutôt en fonction de prises de responsabilité et de complexion des tâches, sans pour autant impliquer un changement de statut. C’est de ce type de structure de mobilité dont il est surtout question dans l’enseignement; il est plus présent en éducation dans une dimension horizontale. Cette « mobilité » est à la fois prescrite et autorisée par l’organisation de l’institution scolaire. Le deuxième courant de pensée situe l’insertion une trajectoire. Il est question d’une expérience de transitions cohérentes allant d’un événement (i.e. étape) professionnel à un autre44. Ces événements s’inscrivent souvent dans la succession de phases d’intégration

43 Dans cette étude, il convient de s’en tenir à ces deux courants de pensée.

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Au-delà de ces études, d’autres recherches s’alignent dans cette logique développementale. L’étude de Demoulin dégage un modèle de développement de carrière des enseignants en quatre étapes renvoyant à des caractéristiques relatives au transfert efficace du savoir des enseignants vers les élèves (DeMoulin, 1988) : 1) provisionnelle; 2) développementale; 3) transitionnelle; 4) décélération. Enfin, il y a aussi les analyses statistiques de Marso selon lesquelles il apparaît que les niveaux de tâches des enseignants auraient un impact certain sur les « préoccupations de soi » (self-concerns). I.e. < http://files.eric.ed.gov/fulltext/ED378185.pdf>. Ces analyses sont construites en trois stades séquentiels en fonction d’un ensemble d'inquiétudes que les

conduisant à une occupation au sein d’une organisation et une socialisation à la sous-culture qui la caractérise. Par exemple, il y a transition lorsque l’enseignant passe de la formation à l’enseignement à la pratique de sa profession dans un milieu donné (Fullan & Connelly, 1987). Cette notion est aussi retenue par d’autres auteurs (Baillauquès, 1999; Griffin, 1985; Tisher, 1982).

De ces deux logiques, de séquences et de trajectoires, il ressort que l’insertion s’inscrit donc comme un passage allant d’un évènement de la vie professionnelle à un autre.

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En somme, face à la géométrie variable du concept d’insertion, il y a lieu de constater, comme le dit Mukamerera (1999), qu’il est très difficile de déterminer le début, la fin et la durée de l’insertion de façon normative et figée. Qui plus est, pour les perspectives qui oscillent autour des logiques de l’insertion en termes de séquences ou de transitions, bien qu’en certains points, elles se recoupent comme cela a été constaté, il n’en demeure pas moins qu’elles renvoient à une imprécision du terme d’insertion. Plus encore, il est difficile d’obtenir un consensus théorique permettant de situer ce qu’est conceptuellement l’insertion. Toutefois, cet examen critique, qui est amorcé à partir de la prémisse déterministe de l’insertion avec les marqueurs théoriques de « début et de fin » et d’« entre le début et la fin », donne des éléments de réflexion critique. Ils permettent de faire évoluer le concept d’insertion vers une conception plus interactionniste. Il est maintenant question de considérer que l’insertion devrait être abordée plutôt en fonction d’une approche multidimensionnelle (Mukamurera, 1998). Cette approche conduit à une réanalyse des concepts de formation et d’insertion, mais cette fois à partir de l’insertion. En effet, son indétermination épistémologique ouvre sur une indistinction à la fois de ces concepts de formation et d’insertion, mais à partir de l’insertion.