• Aucun résultat trouvé

1.1. Le cadre d’analyse du concept d’attractivité

1.1.1. Une définition de l’attractivité

Le concept d’attractivité est ancien. La mondialisation a accentué le phénomène de délocalisation des entreprises. De plus, force est de constater qu’en Europe, avec l’avènement de l’Euro monétaire, nous assistons à un regain d’intérêt pour le concept. De multiples études ont alimenté de nombreux débats publics depuis.

Il est vrai que, depuis l’entrée en vigueur de la monnaie unique, l’environnement socio-économique des pays européens s’est vu profondément modifié. Plus singuliè- rement, en France, les pouvoirs publics ont commandité divers rapports. Les plus importants restent :

— Le rapport Marini, [MARI99], — Le rapport Lavenir, [LAVE00], — Le rapport Charzat, [CHAR01],

— Le rapport Debonneuil et Fontagné, [DEFR03].

Ce regain d’intérêt vise à cerner les nouveaux changements dans les stratégies d’attractivité. Avec les nouvelles références à la transparence sur les coûts des fac- teurs de production et de la mobilité des capitaux, il convient dès lors de cerner les fondements des politiques d’attractivité.

En 2001, dans son "Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité du territoire" français, [CHAR01], Charzat évoque l’aspect multidimensionnel de l’attractivité et en identifie trois fondements :

— Les "atouts" que sont le territoire, la qualité des hommes et des femmes, la qualité de vie ;

— Les "faiblesses" constituées par la fiscalité et l’environnement juridico-social ; — Les "positions à assurer" principalement représentées par la Recherche et

Développement et la formation professionnelle.

Les tentatives de définition du concept d’attractivité sont diverses et diversifiées tout en restant globalement dans la généralité. Pour notre part, la tentative de dé- finition la plus remarquable est celle émise dans l’introduction de l’avis du Conseil Economique et Social français, [BENO03]. Dans ses "Réflexions sur les conditions d’une meilleure attractivité de la France", le Conseil déclare, à cet effet, que l’attrac- tivité d’un pays est "(...) la capacité [...] à conserver sur son territoire les entreprises nationales et étrangères qui y sont installées ou à attirer les investisseurs étrangers afin qu’ils contribuent à la croissance et à l’emploi dans [le pays] (...)". Le Conseil dans son approche estime que les meilleures politiques d’attractivité sont celles qui agissent sur les "(...) conditions dans lesquelles se déroulent cette compétition inter- nationale pour l’implantation et le contrôle des activités productives (...)"

Le rôle de la technologie est aussi souvent évoqué pour parler de la compétitivité. Or, le rapport Charzat associe les politiques d’attractivité (et non de compétitivité) à un développement des secteurs de haute technologie1. Dans un rapport du Conseil d’Analyse Economique sur la compétitivité, [DEFR03], Debonneuil et Fontagné y font également allusion dans un chapitre évoquant la technologie comme facteur d’at- tractivité2.

Dans une "analyse de la problématique de la spécialisation en services à faible va- leur ajoutée", ces deux derniers auteurs identifient "la quête d’activité à haute valeur ajoutée comme objectif primaire dans une stratégie visant à attirer et à retenir des firmes sur son territoire"3 . La logique voudrait que dans une économie les secteurs

1Chapitre "renforcer l’effort de recherche et développement". 2Chapitre "La compétition est technologique".

traditionnels au regard de leurs niveaux de valeur ajoutée soient générateurs d’inno- vations technologiques importantes. Cependant, ce rapport montre qu’il ne serait pas judicieux de limiter l’analyse de l’attractivité aux seules technologies de l’information et de la communication.

Une approche statistique de définition s’est montrée très persuasive. Dans leur analyse de l’attractivité de la France, [COER03], Coeuré et Rabaud définissent l’at- tractivité comme étant "(...) la capacité d’un pays à attirer et retenir les entreprises (...)". Cette étude n’intègre cependant pas la mobilité des hommes ; ce qui reste pourtant un élément primordial pour l’analyse de l’attractivité.

Au regard de l’émergence des études consacrées au concept, sa définition prend désormais en compte la main d’œuvre. Grâce à certains courants tels que l’économie industrielle et la nouvelle économie géographique 4, trois dimensions principales ap- paraissent dans la définition de l’attractivité : le territoire ou l’industrie, l’entreprise et les hommes. Ainsi, la présence d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pourrait être d’une importance capitale au travers des quatre effets suivants :

— Le développement d’une économie suppose la présence de centres de décision menés par une main d’œuvre hautement qualifiée. Ces deux éléments figurent parmi les déterminants d’une économie innovante et entreprenante ;

— Une main d’œuvre qualifiée impliquant des salaires de plus en plus élevés, une densité importante de hautes qualifications représente une nette appréciation du pouvoir d’achat déjà élevé, [KALD78]5;

— Cette nouvelle "élite" sociale est particulièrement intéressée par certains services tels que les produits bancaires et l’assurance ; et, tout récemment, les fonds

4Confère section sur la nouvelle économie géographique.

5Kaldor montre que les pays les plus compétitifs sont généralement ceux présentant les coûts

unitaires relatifs du travail les plus élevés. Cet effet est généralement connu sous l’appellation de "paradoxe de Kaldor".

d’investissement pour lesquels on assiste à un véritable engouement ;

— L’accroissement des emplois hautement qualifiés pourrait entraîner celui des emplois "moins qualifiés" (habillement, hôtellerie, café, restauration...).

De ce fait, il est avéré que les politiques d’attractivité dans les industries nécessi- tant une main d’œuvre qualifiée sont généralement trans-sectorielles ou ont des effets sur d’autres secteurs.

Le choix des activités stratégiques et rentables est cerné par la capitalisation boursière du marché national, la tendance à la hausse du nombre et de la taille des quartiers généraux et centres de recherche et développement ou le positionnement de l’économie nationale ; ce qui suppose une comparaison en termes de parts de marché régional ou international.

Finalement, la notion d’attractivité des entreprises et des capitaux pourrait être cernée par une analyse des flux d’investissements directs étrangers (IDE). Cela pour- rait se décliner en trois éléments que sont le ratio d’IDE entrants par rapport au produit intérieur brut (PIB), l’évolution des IDE et la contribution des filiales étran- gères au PIB. Cependant, les IDE peuvent être à connotation tendancieuse ; en effet, Crozet et al, [CRMM03] démontrent qu’un pays déjà très développé attire relative- ment plus d’IDE.

Si Krugman recommande de ne pas confondre stratégie des entreprises et stra- tégie des nations, il faut signaler que les stratégies adoptées par l’une en vue de sa consolidation peuvent avoir des effets contraires sur l’autre. Par exemple, supposons un territoire qui, pour améliorer le niveau de vie de ces concitoyens, entreprend une politique d’urbanisation. Cette politique peut avoir un effet néfaste sur l’activité des entreprises qui devront certainement mettre en œuvre de nouvelles stratégies afin de répondre aux nouveaux besoins des clients. Ce qui pourrait être une source éven-

tuelle de coûts supplémentaires. Ainsi, supposons encore que les coûts induits par cette nouvelle politique d’urbanisation soient si importants que l’entreprise soit obli- gée de réduire ses coûts salariaux ou de procéder à des licenciements et, dans une certaine mesure, à une fermeture de son site. De fait, cela induit une baisse du pou- voir d’achat des employés et constitue surtout une perte fiscale pour le territoire. Au final, la politique d’urbanisation pour améliorer le bien-être de la population ne s’avère pas profitable pour le territoire dans ce cas précis.

L’attractivité d’un territoire renvoie à une liste très variée de déterminants. Dans leur analyse de l’attractivité de la France ([COER03]), Coeuré et Rabaud suggèrent que l’analyse empirique de l’attractivité a connu trois étapes. Dans un premier temps, la littérature aurait, en accord avec les modèles traditionnels des échanges interna- tionaux, analysé la relation entre la décision de localisation, le coût des facteurs et la taille des marchés. La seconde étape fut celle de l’introduction de nouveaux dé- terminants tels que la fiscalité et la distance dans l’esprit de la nouvelle économie géographique. Finalement, la dernière étape se consacra à la mise en évidence de l’ef- fet de marché domestique6 et l’étude "la dynamique de polarisation des activités", par l’observation de ses effets sur le marché du travail. Cet effet permettrait d’ancrer les capacités de production des firmes sur le territoire.

L’attractivité d’un territoire est foncièrement liée aux décisions d’implantation des firmes. De ce fait, la connaissance des attentes des firmes est indispensable à la mise en place de politiques adéquates d’attractivité. L’attractivité d’un territoire peut être comprise à travers une panoplie de déterminants que nous rassemblons en six grandes catégories.

A l’instar des conclusions de Lipsey dans une étude consacrée aux choix de loca- lisation des filiales de firmes américaines, [LIPS00], nous admettons que la première

catégorie de déterminants d’attractivité est celle relative à la taille et au dynamisme du marché. Dans cette catégorie, la littérature évoque des éléments explicatifs tels que la croissance du produit intérieur brut (taux de croissance moyen), les niveaux d’investissement et le potentiel du marché. Crozet et al., [CRMM03], dans le cadre d’une étude empirique, démontrent que l’attractivité d’un territoire est coordonnée par le nombre et le type de concurrents déjà présents sur le site. Cependant, la pré- sence de firmes nationales sur le territoire est plus attractive que celle de firmes étrangères. Ce processus qui minimise les effets coûts ne concerne cependant que les régions frontalières du pays d’origine de l’entreprise. Ainsi, par exemple, les entre- prises belges auront-elles tendance à se délocaliser dans le nord de la France, et les firmes allemandes plutôt dans l’Est du pays.

La deuxième catégorie de déterminants d’attractivité est globalement consacrée aux ressources humaines. Généralement, cinq facteurs principaux sont évoqués : la productivité horaire du travail, la croissance de la population, les niveaux de qualifi- cation, les compétences linguistiques et le nombre de journées de grève.

La troisième catégorie de facteurs est consacrée à la recherche et à l’innovation. La littérature économique s’accorde à dire que les politiques d’attractivité favorisent généralement, dans un premier temps, l’implantation des entreprises innovantes. Le financement de ce type d’entreprises est au départ foncièrement fondé sur les apports en capital-risque. Cet aspect peut être approché par l’indicateur des fonds investis en pourcentage du produit intérieur brut. Toutefois, l’offre de capital-risque semble être sensible aux anticipations de croissance. De plus, il est démontré que cette offre est pro-cyclique ([BEUD04], [BFLO01]). En d’autres termes, elle connaît un essor dans la phase ascendante du cycle.

La quatrième catégorie de déterminants résume les facteurs liés aux infrastruc- tures. Il s’agit d’analyser des éléments tels que la qualité des services de transport et

logistiques, la densité du réseau autoroutier, le transport aérien, les lignes de TGV, la qualité du réseau électrique et de celui de l’accès à Internet.

La cinquième catégorie est consacrée à l’ensemble des coûts. Généralement, les territoires sont comparés entre eux en fonction de l’évolution temporelle des coûts sa- lariaux, des taux d’imposition (taux effectifs, imposition des impatriés7). Par ailleurs, certains auteurs évoquent aussi l’impôt sur les sociétés comme critère de choix d’une place. Ce facteur peut également être associé aux cotisations sociales

L’environnement administratif et politique constitue enfin la dernière catégorie résumant les déterminants d’attractivité. Cet environnement administratif est géné- ralement mesuré par les contraintes résultant du cadre légal ou du droit du travail (les recrutements et les licenciements par pays). L’absence de contraintes légales, la flexibilité des lois sociales, l’efficience du système fiscal et la facilité d’accès aux ser- vices administratifs sont aussi pris en compte. L’indicateur "Doing Business" décrit par la Banque Mondiale8 établit cette catégorie.

Documents relatifs