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L’analyse historico-épistémologique qui sera faite dans ce chapitre me permettra de dégager d’une part, l’évolution de la perception du temps et d’autre part, les principales connaissances concernant la reproduction des plantes à fleurs. Cette étude s’intéresse non seulement aux conceptions qu’ont les élèves de la reproduction sexuée des plantes à fleurs, mais interroge également leur mode de raisonnement, cyclique ou linéaire. Analyser l’évolution de la perception temporelle me permettra de présenter différentes représentations d’une pensée cyclique et linéaire. Pour faciliter la lecture et la compréhension de l’ensemble, j’aborderai ces deux éléments par période historique, en commençant par les Mésopotamiens pour arriver aux botanistes actuels. La présentation de ces éléments historiques ne sera pas exhaustive, mais permettra d’une part, d’éclairer les conceptions actuelles et plus particulièrement celles des élèves, et d’autre part, de relever les obstacles auxquels se sont heurtés les chercheurs avant de percer le “mystère” de la sexualité des plantes.

4.1 L’ancienne Egypte et la Mésopotamie

Les anciens Egyptiens et les Mésopotamiens (entre autres les Babyloniens) cultivaient de nombreuses plantes potagères, des céréales, des fleurs, des arbres et arbustes fruitiers ainsi que des palmiers. Leur conception du temps s’inscrivait « dans un double cycle lunaire et

saisonnier », avec l’alternance du soleil et de la lune ainsi que les changements écologiques

au cours des saisons (Cosnard, 2005, p. 71). Ils pratiquaient la pollinisation artificielle du palmier-dattier en rapprochant les inflorescences mâles des inflorescences femelles. Ils avaient ainsi connaissance du caractère dioïque du palmier-dattier (Jahn, 1998). Cependant la formation des fruits qui en résultait était considérée comme divine, du fait des dieux (Wit, 1993). Cette pratique a par la suite été observée et décrite par d’autres civilisations. C’est également dans l’ancienne Egypte que fut retrouvée la plus ancienne représentation de l’Ouroboros68 – le serpent qui se mord la queue (Figure 28). Il est symbole de l’éternel recommencement et de la perpétuité cyclique puisqu’il réunit en lui le début et la fin, sans interruption. Il symbolise également le mouvement ce qui se traduit par la forme en cercle du serpent et par la puissance interne qu’utilise l’animal pour avancer sans membres

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(Charbonneau-Lassay, 1990) bien que certains Ouroboros ne soient pas représentés par des serpents mais plutôt par des dragons. L’image de « la perpétuité du renouvellement de la vie » est donnée par le fait que le serpent vit de sa propre chair (en se mordant la queue), ce qui sous-entend qu’il se reconstitue au fil du temps tel un lézard auquel on couperait la queue (Charbonneau-Lassay, 1990, p. 3). La figure de l’Ouroboros a par la suite été reprise par d’autres civilisations, entre autres par les philosophes grecs de l’époque antique.

Figure 28 : Représentation simple de l’Ouroboros69

4.2 Les philosophes grecs de l’époque antique – premiers

éléments de l’étude des plantes

Pour les philosophes grecs le renouvellement de la vie est une suite ininterrompue de naissances et de disparitions, de générations et de corruptions. On y retrouve l’idée d’unité et de permanence de la matière tant pour les êtres animés qu’inanimés. Les réalités observées sont expliquées par la composition (chez Empédocle) ou par la transmutation (chez Aristote) des quatre éléments, feu, air, terre et eau (Haguenauer, 1991). Leur idée de la circulation de la vie était intuitive. Pour Empédocle, deux principes, l’Amour et la Haine, activent l’évolution et la combinaison de ces quatre éléments. La différenciation des sexes résulte de ces principes : de l’Amour qui unit et de la Haine qui sépare (Daugey, 2015).

Certains de ces philosophes s’intéressaient aux plantes. Ainsi Anaxagore (499 à 428 av. J.-C.) décrit que les plantes sont engendrées lorsque les semences (dans le sens

spermata70) contenues dans l’air sont précipitées avec la pluie (Wit, 1992). Menestor de

Sybaris décrit la germination des graines, le développement des racines et des fruits (Morton,

69 Source : Par AnonMoos [Public domain], via Wikimedia Commons

70 Spermata : « particules incompréhensiblement nombreuses, invisibles et petites […] qualitativement différentes, mais

immuables et en perpétuel mouvement »ils se forment « dans l’atmosphère par l’agglomération de particules d’air » (Wit, 1992, p. 323‑324, 1993, p. 168‑169)

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1981). Dans la botanique hippocratique, l’idée était répandue que les fruits se développent grâce au liquide huileux et épais que les plantes extraient du sol. Lorsque ce liquide atteint le sommet de la plante, celui-ci se transforme sous l’action du soleil en fruit. Si la plante n’arrive pas à extraire assez de liquide du sol, aucun fruit ne peut se former (Wit, 1993). Aristote (348-322 av. J.-C.) a attribué aux plantes et aux animaux des caractéristiques communes en tant qu’êtres vivants, tels que l’alimentation, la croissance, le mouvement (dans le sens développement). Les plantes étaient cependant considérées comme des êtres inférieurs puisque dépourvues d’émotion et de pensée (Morton, 1981), dotées d’une seule âme nutritive contrairement aux animaux qui ont à la fois une âme nutritive et sensitive (Bretin-Chabrol et Leduc, 2009). L’utilité des plantes pour les êtres vivants supérieurs (dont l’Homme) justifierait leur existence (Magnin-Gonze, 2009). Il exprimait d’autres analogies entre ces deux êtres :

- Les plantes sont des « animaux enracinés » ;

- Les graines des plantes sont comme les œufs des animaux, constituées d’un embryon et d’une substance nutritive ;

- Les plantes se nourrissent par leurs racines qui correspondent d’un point de vue fonctionnel et morphologique à la bouche et à la tête des animaux (Morton, 1981, p. 28).

Cependant, Aristote ne conçoit pas une sexualité propre aux plantes (Duris et Gohau,

1997) bien qu’il décrive « le rôle fécondant de la poussière prolifique des fleurs » (Haguenauer,

1991, p. 90) pour le palmier-dattier tel que pratiqué avec la pollinisation artificielle par les Mésopotamiens. La sexualité dans le sens d’une rencontre entre deux sexes est pour Aristote une caractéristique propre aux animaux et non pas aux végétaux puisque ces derniers ont une âme de rang inférieur. Il accepte par contre l’idée de reproduction des plantes, puisqu’elles fructifient. Cependant la plupart des plantes ont à la fois un sexe mâle et femelle réunis ; une rencontre entre les deux n’est ainsi pas nécessaire. Au-delà de la caractéristique sexuelle, la nature mâle et/ou femelle d’une plante est avant tout une caractéristique culturelle : « Ils projettent en effet sur les plantes la représentation culturelle du masculin et du féminin qu’ont les

sociétés antiques » (Bretin-Chabrol et Leduc, 2009, p. 205). Les caractéristiques du mâle sont

en ce sens la résistance, la robustesse et une taille plus grande, celles de la femelle la fragilité, la petitesse, mais également la capacité à porter les fruits (Bretin-Chabrol et Leduc, 2009; Magnin-Gonze, 2009). Aristote avait compris la fonction du pollen, comme une matière nutritive permettant de déclencher la formation du fruit à partir d’un germe déjà présent. Cette idée sera reprise par Malpighi et Grew au XVIIe siècle (Wit, 1993).

Dans la pensée d’Aristote, le développement des plantes suit le cycle des saisons. Par la suite Théophraste (372-287 av. J.-C.), élève d’Aristote, attribue quatre caractéristiques à la

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matière : le chaud et le froid, l’humide et le sec. Il observe les différentes manifestations des

plantes en fonction de ces caractéristiques et des saisons : « les feuilles des arbres poussent au

printemps, avec le chaud et l’humide, les qualités de l’air ; elles tombent en automne, avec le froid et

le sec, qualités de la terre » (Haguenauer, 1991, p. 22). Il approfondit l’étude des plantes et établit

la botanique comme science à part entière. Dans son ouvrage Causes des plantes il décrit le

développement et la reproduction des végétaux. Il instaure une analyse méthodique et systématique. Il crée sa propre terminologie et distingue les parties durables (racine, tronc, branche) des parties éphémères (feuille, fleur, fruit, tige et graine) de la plante (Morton, 1981; Wit, 1992). Tout comme Aristote, Théophraste considère que la fonction définit l’organe. Une tige a ainsi pour fonction de véhiculer les aliments recueillis par les racines (Magnin-Gonze, 2009). Quant à la formation des graines et des fruits, il n’arrive pas à définir une théorie cohérente (Morton, 1981). D’après lui, la formation des graines se fait après ou avec la fleur. Par contre les deux ne sont pas nécessairement liées puisqu’il décrit également des plantes

qui produisent apparemment des fruits sans qu’il y ait eu de fleurs (le figuier qui a une sycone71)

ou qui ont des fleurs fertiles et stériles (tel que le concombre avec ses fleurs mâles et

femelles72). Pour lui, les fleurs stériles du concombre sont des fleurs incomplètes qu’il faut ôter

puisqu’elles empêchent la croissance même du concombre. Théophraste livre le récit de la pollinisation du figuier par les Blastophages (Insectes Hyménoptères) ainsi que celle du palmier-dattier (Wit, 1993). Cependant d’après lui, secouer l’inflorescence mâle sur le palmier femelle permet à ce dernier de conserver les fruits (Daugey, 2015). La plupart des plantes observées par Théophraste développent des fruits et des graines après les fleurs. D’ailleurs il se détourne plus ou moins de l’idée de génération spontanée (avancée par Aristote) et pense que les graines sont issues du développement de la plante ou apportées par la dissémination en se référant au travaux d’Anaxagore (Morton, 1981). Théophraste attribuait au fruit et à la graine les mêmes fonctions : force de germination et croissance. Pour lui, il s’agissait du même organe même s’il les démarquait morphologiquement (Wit, 1993).

Aristote et Théophraste attribuaient une nature femelle aux plantes qui donnaient des fruits. Les éléments mâle et femelle étaient souvent définis par des caractéristiques opposées : chaud/froid, sauvage/domestique, grand/petit, un bois plus ou moins dur… (Daugey, 2015).

71 L’inflorescence est à l’intérieurde ce que l’on pourrait qualifier de jeune figue (dans la langage quotidien) qui doit être

pollinisée et fécondée avant de se développer en figue comestible telle que nous la connaissons. Le réceptacle floral est donc refermé sur lui-même, ce qu’on appelle un conceptacle.

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4.3 L’époque romaine

Les travaux de Théophraste ont été utilisés à la fin de l’Antiquité, à l’époque romaine par des écrivains romains dans le domaine de l’agriculture (Morton, 1981). Ainsi plusieurs écrits professionnels sur l’agriculture ont vu le jour parmi lesquels on peut citer ceux de Portius

Cato (234-149 av. J.-C.) et Lucius Iunius Columella (Ie s. ap. J.-C.) (Jahn, 1998). Les

observations et descriptions de Théophraste, notamment concernant la reproduction des plantes, leur habitat et leur milieu (caractéristiques du sol, du climat, etc.) ont pu être utilisées en agriculture (Morton, 1981). Ces écrits ont eu des répercussions jusqu’au Moyen-Âge. Par ailleurs, d’après Cosnard (2005, p. 72), « les Romains conjuguent deux approches de la notion de temps. Un temps linéaire destructeur personnifié par Cronos et un temps cyclique régénérateur

représenté par Chronos-Saturne ». En effet, Chronos est le dieu grec du temps et de la durée,

assimilé à Saturne dans la mythologie romaine alors que Cronos est représenté par un ogre qui dévore ses enfants. Le développement du christianisme au Moyen-Âge a cependant modifié la conception du temps.

4.4 Le Moyen-Age – caractère utilitaire des plantes

Au Moyen-Âge, avec l’affirmation du christianisme, une nouvelle approche du monde a eu des répercussions à la fois sur la représentation de la nature et sur la perception du temps. Contrairement à la pensée des philosophes grecs de l’Antiquité et à l’idée d’un monde éternel, la Bible décrit que ce dernier résulte d’un acte planifié chronologiquement, organisé

par son créateur Dieu73 (Haguenauer, 1991; Jahn, 1998). Avec la Genèse et l’idée de la fin

des temps (apocalypse), la conception temporelle devient linéaire (avec un début et une fin). Sur certains aspects, la description de la nature dans la Bible est en rupture avec les découvertes des anciens philosophes grecs. Les plantes ont été créées au troisième jour en même temps que le ciel, la terre et l’eau. Elles font ainsi partie du monde inanimé puisqu’elles sont immobiles (Jahn, 1998). Seul Dieu est à l’origine de la naissance et de la croissance des végétaux et des animaux, y compris des humains. Il est présenté comme source de vie. Par

ailleurs, « la vie n’est pas vue dans la bible comme primaire biologique, c’est-à-dire comme un

phénomène des sciences physiques et naturelles, mais en première ligne existentielle, dans une

dimension temporelle (=durée de vie)74 » (Jahn, 1998, p. 97). La végétation quant à elle, n’est

73 Il faut cependant préciser que l’idée d’une « intelligence créatrice » organisant les phénomènes de la nature existait déjà

dans l’ancien royaume d’Egypte ainsi que chez les Grecs de l’Antiquité. Notamment Platon attribuait ainsi la création du monde

à l’œuvre d’un « artisan divin » (Mayr, 1989, p. 98).

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pas décrite d’après une classification botanique (comme cela a été le cas pour les anciens), elle met en avant l’utilité pour les humains et les animaux. Ainsi les plantes ont été créées par Dieu de manière à produire de suite des graines et des fruits (Jahn, 1998) permettant de nourrir les humains et les animaux. Cette représentation de la nature modifiera également le rapport entre les humains et la nature (ce sera l’objet du chapitre suivant). La conception du temps subit également une rupture entre un temps divin et infini symbolisé par le cycle et un temps humain et fini linéaire (Cosnard, 2005). Cette rupture permettra cependant l’évolution de la science et de la technique notamment agricole au Moyen-Âge (Petit, 1997). Les connaissances en botanique n’ont pas beaucoup évolué à cette époque et l’étude des plantes était essentiellement rattachée à la pharmacologie, à la médecine et à l’agriculture (Jahn, 1998; Morton, 1981). Je nommerai cependant Albert le Grand (~1200-1280) qui s’est appuyé sur les œuvres d’Aristote pour rédiger son ouvrage De vegetabilibus. Les plantes y sont étudiées pour elles-mêmes et non pas dans un but utilitaire tel que c’était le cas pour les herbiers et les recueils de recettes caractéristiques de l’époque. En ce sens, il ne se contente pas de la seule explication divine des phénomènes naturels (Jahn, 1998). Il décrit en détail les différents éléments d’une fleur (calice, corolle, étamines et pistil, sans utiliser ces termes et

sans percevoir leur signification). Il avance que « les fleurs annonçaient les fruits » (Wit, 1993, p.

395) et associe ainsi la fleur à la fructification. Il désignait comme “fleur” uniquement celle qui pouvait donner un fruit. Ainsi les chatons mâles du noisetier, et d’autres plantes à fleurs précoces (qu’il avait étudiées) sont définis comme des éléments non essentiels, assimilables à des excréments. Tout comme ses prédécesseurs, il ne différencie pas morphologiquement le fruit de la graine (Wit, 1993).

Ce n’est qu’à la Renaissance que les écrits de Théophraste ont été redécouverts notamment dans l‘ancien espace romain par leur disponibilité en langue latine.

4.5 La Renaissance – formation des fruits et des graines comme

caractéristique de l’espèce

André Césalpin (1519-1603), italien, observe en détail la morphologie des végétaux. Il reprend et approfondit les écrits d’Aristote. Pour lui, les graines sont la finalité de la création des plantes (Wit, 1993). Il désigne le tronc, les racines, les feuilles ainsi que les organes liés à la fructification comme caractéristiques des plantes supérieures. Il décrit par ailleurs que les graines sont composées d’un embryon et d’un ou de deux cotylédons (les termes de plantes mono- et dicotylédones sont actuellement utilisés en botanique) ayant une fonction nutritive

(Magnin-Gonze, 2009; Morton, 1981). D’ailleurs, c’est le mélange de l’eau avec le « contenu

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l’action de la chaleur enfermée dans la graine (Wit, 1993). Il détaille l’apparition de la racine et de la tige avec une croissance vers le bas ou vers le haut imposée (Magnin-Gonze, 2009; Wit, 1992). La germination peut être épigée ou hypogée (Morton, 1981). Animiste, il compare les animaux et les végétaux. La fleur est alors décrite comme enveloppe protégeant les jeunes

graines qui sont issues de la « moelle de la tige » sous l’effet de la chaleur vitale (Wit, 1993, p.

198). Cependant, la fleur n’est qu’une « excrétion de matière non utilisée » (Wit, 1993, p. 197)

qui dépérit lorsque la fructification est engendrée. Par ailleurs Césalpin considère qu’une vraie fécondation est superflue ; il explique la pollinisation artificielle du palmier-dattier par le transfert de chaleur de la fleur mâle vers la fleur femelle permettant ainsi la formation du fruit.

« C’est l’arrivée de la nourriture [sous l’effet de la chaleur] qui détermine l’apparition du fruit » (Wit,

1993, p. 198). Cependant il reconnaît le fruit comme étant « le maillon principal pour la

pérennité » qui donne des informations sur les liens de parenté (Wit, 1992, p. 200). Il établit

ainsi un nouveau système de classification basé sur le nombre de graines et d’éléments du

fruit (Haguenauer, 1991; Jahn, 1998). Celle-ci met en avant la notion d’espèce (Duris et

Gohau, 1997). Son contemporain, Conrad Gesner (1516-1561), médecin naturaliste suisse, utilise les fleurs et les fruits pour classer les végétaux, ce qui offre une approche par le genre et par l’espèce (Haguenauer, 1991). Gesner et Césalpin considèrent la reproduction comme principale caractéristique d’une espèce (Magnin-Gonze, 2009). Par ailleurs, Gesner illustra toutes les plantes qui lui étaient connues de manière détaillée en incluant à chaque fois les fleurs, les fruits et les graines (Morton, 1981). Joachim Jung (1587-1657), en Allemagne, a approfondi l’étude des inflorescences, des corolles et de la disposition des feuilles (phyllotaxie). Pour lui également le fruit succède à la fleur (Morton, 1981). Son système de classification repose uniquement sur les aspects morphologiques des organes et de leurs éléments (Jahn, 1998). En 1592, Adam Zaluzianski (1558-1613) indique dans son ouvrage que la fructification d’une fleur femelle ne peut avoir lieu qu’en présence de pollen ; en son absence, son transport devient nécessaire. Prospero Alpino (1553-1616), la même année, décrit le pollen comme une substance fécondante pour la formation des dattes (Wit, 1993).

4.6 Découverte de la sexualité des plantes

Avec l’utilisation du microscope, les recherches en botanique ont pris une nouvelle forme. Nehemia Grew (1641-1712) et Marcello Malpighi (1628-1694) ont notamment observé comment les tissus et les organes se forment pendant leur croissance. Ils décrivent les Astéracées comme composées d’une multitude de petites fleurs individuelles. Malpighi compare par ailleurs la fleur des Astéracées à celle du figuier. Cependant pour lui, les étamines avec les anthères sont considérées comme des organes d’excrétion (Morton, 1981; Wit, 1993)

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et le pollen comme excrément (Haguenauer, 1991). Grew décrit la structure d’une plante pendant le cycle complet de son développement de la graine à la graine (Morton, 1981). C’est la première fois, vers 1680, que les étamines sont décrites comme organes sexuels mâles et les pistils comme organes sexuels femelles (Jahn, 1998). En 1682, John Ray définit le concept d’espèce comme « une suite continue de descendants qui ressemblent à leurs parents par certaines caractéristiques fondamentales (“generatio continuata”). Seules les caractéristiques accidentelles

peuvent être modifiées par des impacts extérieurs (varier)75 » (Jahn, 1998, p. 237). Quelques

années plus tard, en 1694, Rudolf Jacob Camerarius (1665-1721), démontre et décrit la

sexualité des plantes dans son ouvrage De sexu plantarum epistola. A l’aide d’expériences de

croisements, il montre l’action du pollen sur le pistil (Duris et Gohau, 1997; Jahn, 1998) à savoir, la formation du fruit contenant des graines. Il classe par ailleurs les fleurs en trois catégories : les hermaphrodites qui ont des fleurs comportant les organes sexuels mâle et femelle, les monoïques qui ont des fleurs mâles et femelles sur le même pied et les dioïques dont les fleurs mâles et femelles sont sur des pieds différents. Camerarius nommait les deux dernières catégories plantes de deuxième ou troisième classe (Morton, 1981).

Malgré ces découvertes, d’autres idées étaient véhiculées. Notamment Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) qui était persuadé que ce sont les pétales qui purifient la sève en transformant ses substances nutritives. Cette sève arrivant au fruit, le fait grossir. Pour lui, les anthères permettent de rejeter les déchets (Wit, 1993). Giulio Pontedera (1688-1757) avance

que les graines se développent « dans l’ovaire à la suite du déplacement du nectar venant des

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