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L’évolution des visions des cycles biogéochimiques : La transition de la biosphère vers la Noosphère

1.1. Le cycle du carbone

Le cycle du carbone est le cycle biogéochimique par lequel le carbone est utilisé comme numéraire

échangeable entre la biosphère, la lithosphère, l'hydrosphère et l'atmosphère de la terre. De plus, la connaissance de cette circulation de carbone permet d’apprécier l'intervention humaine dans le climat et ses effets sur le changement climatique.

En effet, le carbone (C) est le quatrième élément le plus abondant dans l'univers, après l’hydrogène, l'hélium et l'oxygène (O). C'est la pierre angulaire de la vie que nous connaissons. Il existe essentiellement deux formes de carbone : organiques (présents dans les organismes vivants et les morts, et le décomposé) et minéraux, présents dans les roches. Sur la planète Terre, le carbone circule à travers les océans, l'atmosphère et la surface de la terre et de l’intérieur, dans un grand cycle biogéochimique. Ce cycle peut être divisé en deux: le cycle géologique et le cycle biologique.

Il est généralement considéré que ce cycle se compose de quatre grands réservoirs de carbone reliés entre eux par des voies d'échange. Les réservoirs sont l'atmosphère, la biosphère terrestre (qui comprend généralement des systèmes d'eau douce et des matières organiques non - vivantes, telles que le carbone du sol), les océans (qui incluent le carbone inorganique dissous, les organismes marins et la matière non vivante) et les sédiments (y compris les combustibles fossiles). D’une part, les mouvements annuels de carbone entre les réservoirs se produisent en raison de divers processus chimiques, physiques, géologiques et biologiques. D’autre part, l'océan contient le plus de carbone actif dans le fond, près de la surface de la Terre, mais il n'est pas échangé avec l’atmosphère.

Comme nous l’avons déjà mentionné, le carbone, compte quatre réservoirs (figure 1.1.1). La majeure partie du carbone terrestre - autour de 20000 milliards de tonnes (Sabine et al. 2004; Canadel et al.

2007) est piégé dans la lithosphère comme roches sous forme de carbonates et de pétrole17. Il est par ailleurs estimé qu’il faudra 470 millions d’années à chaque Mol de carbone pour parcourir le cycle (Smith

et al. 2014). Ce parcours peut être comptabilisé à travers des flux cycliques qui supportent la vie (O’Connor et al. 2009; Schoer et al. 2012).

Au niveau de la biosphère, le carbone organique existe sous la forme de polymères de plantes (lignine, cellulose, peptidoglycane), de fungis et de bactéries. Le réservoir plus sensible aux perturbations humaines est l’atmosphère, caractérisé par l’oxydation du CH4 vers CO, du CO vers CO2 et du COV vers CO2 (Smith et al. 2014). Une partie des émissions de CO2 est immobilisée dans l’océan comme CaCO3 18 et dans la terre sous la forme de combustible fossile (Delmas et al. 2005). En outre, le retour aux états entropiques durables du (C) va dépendre essenciallement des capacités d’absorption de la végétation et des océans (GIEC, 2007) et du stockage de (C), à savoir le stockage géologique, le stockage océanique et la carbonatation des minéraux ainsi que leurs utilisations industrielles (Metz et al. 2005).

Figure 1.1.1 Cycle du carbone18 : Vision biochimique

Source : scopenvironment.org (site consulté le 15 juin 2015).

Une forêt en pleine croissance peut absorber entre 11 et 37 tonnes de CO2 par hectare et par an. Alors que la France émet 540 millions de tonnes de CO2 chaque année, sa forêt permet la séquestration de 12 % de ce volume (Lambert, 2013). Dans ce sens, les émissions de CO2 ont été diminuées de 399 Tg vers 369 Tg (Nicco, 2014). En conséquence, le scénario peut être amélioré grâce au le recyclage de molécules de (C) comme le papier (40 à 50% de recyclage maximum) ou le plastique (2 à 7% de recyclage maximum) (Gutowski et al. 2013) tout en sachant que 68% des ressources nécessaires au fonctionnement de l’économie française sont non renouvelables (IAU, 2013).

1.1.1. Le cycle biologique du carbone

Comme indiqué dans la section précédente, le cycle biologique du carbone montre les stocks de carbone dans les réservoirs et les flux pertinents aux perturbations anthropiques, les stocks pouvant être exprimés en termes des moyennes annuelles au cours de la décennie 1989-1998 (basé sur Schimel et al. 1996). Le cycle biologique du carbone est relativement rapide : sur cette base, il est estimé que le renouvellement des stocks de carbone atmosphérique se produit tous les vingt ans. De même, dans le cycle biologique, il existe trois dépôts : la terre (2500 Gt), l'atmosphère (760 Gt) et les océans (3900 Gt) (Hairiah et al.

2011). Ce cycle joue par ailleurs un rôle important dans les flux de carbone entre les différents réservoirs, à travers des processus de la photosynthèse et de la respiration.

Grâce à la photosynthèse, les plantes absorbent l'énergie solaire et le CO2 dans l'atmosphère, produisant ainsi de l'oxygène et des hydrates de carbone (les sucres comme le glucose), qui forment la base pour la croissance des plantes (pour plus de détails sur la photosynthèse, la respiration et le stockage dans la lithosphère en annexe I.A). De même, les animaux utilisent les hydrates de carbone dans le processus de respiration, en utilisant l'énergie contenue dans les hydrates de carbone. Par ailleurs les plantes participent aux émissions de CO2 à travers la décomposition organique (la respiration comme les bactéries et les champignons) et les rendements de la respiration du carbone dans les réservoirs terrestres fixés biologiquement telles que le biote, les tissus, le pergélisol des sols et la tourbe de l'atmosphère. Les équations chimiques qui régissent ces deux processus sont :

Photosynthèse: 6CO2 + 6H2 + énergie (lumière du soleil) -> C6H12O6 + 6O2

Respiration: C6H12O6 (matière organique) + 6O2 -> 6CO2 + 6H2 + énergie

En outre, le plus grand changement dans le cycle du carbone est celui qui se produit entre le dépôt terrestre et atmosphérique issu des processus de la photosynthèse et de la respiration. Au printemps et en été, les plantes absorbent la lumière du soleil et le CO2 de l’atmosphère et, en parallèle, les animaux, les plantes et les microbes, par la respiration, renvoient le CO2. Lorsque la température ou l'humidité est beaucoup plus faible, par exemple en hiver dans les déserts la photosynthèse et la respiration sont réduites ou cessent et le flux de carbone entre la surface terrestre et l'atmosphère s’arrête également. En raison de la répartition inégale de la végétation dans les hémisphères, un flotteur est visible tout au long de l'année dans les graphiques des variations annuelles de la concentration de CO2, comme la courbe de Keeling (Beck, 2008). En 1958, le scientifique Charles David Keeling (océanographe à l'Institut Scripps d’océanographie) a lancé une série d'expériences à Mauna Loa, à Hawaï, afin de déterminer, avec une précision raisonnable, la concentration de CO2 dans l'atmosphère.

Autrement dit, bien que le réservoir de carbone dans l'atmosphère soit le plus petit des trois (avec environ 750 Gt C), ce dépôt détermine la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Cette concentration

surface des océans et les concentrations de l'air en surface. La quantité de CO2 que l'océan absorbe dépend de sa température et de la concentration déjà présente. Les basses températures de la surface de l'océan augmentent l’absorption de CO2 dans l’atmosphère, alors que des températures plus élevées peuvent provoquer l'émission de CO2. En effet, l’océan absorbe environ 26%19 du CO2 dégagé chaque année dans l’atmosphère. C’est cette réaction chimique qui provoque l’acidification de l’océan, l’acidité de l’océan a ainsi augmenté de 30%19 depuis le début de la révolution industrielle.

La vie océanique consomme de grandes quantités de CO2, mais le cycle entre la photosynthèse et la respiration s’effectue beaucoup plus rapidement. Le phytoplancton est mangé par le zooplancton en quelques jours, et seules de petites quantités de carbone sont accumulées dans le fond de la mer, quand les obus de zooplancton, composés de carbonate de calcium, sont déposés dans le fonds après leur mort. Après une longue période, ceci représente une élimination de l’effet significatif du carbone de l’atmosphère.

Un autre processus se produit à travers l'élimination du carbone dans son cycle de vie dans l'atmosphère (un point que nous traiterons en utilisant le modèle de l’IPSL ci-après de manière plus détaillée). Ce type de processus a lieu quand la respiration dépasse la photosynthèse et que les dépôts de sédiments de matières organiques qui se forment lentement pendant des millions d’années en l'absence d'oxygène deviennent des combustibles fossiles. En outre, les incendies (naturels) constituent non seulement un cycle rapide qui ajoute du CO2 dans l'atmosphère en consommant de la biomasse et de matière organique mais provoquent aussi la mort des plantes que se décomposent et forment du CO2.

Modèle couplé Climat-Carbone de l’institut Pierre Simon Laplace (IPSL)

Le modèle climat-carbone est construit à partir des données des émissions de combustibles fos-siles anthropiques et estimées par le scénario IPCC SRES-A2 pour 2000-2100 (Friedlingstein et al, 2007). Il traite l’influence du changement climatique (dû aux rejets anthropiques du CO2) sur les puits de carbone liés à la biosphère continentale (gC/m2/yr) : (a) cette figure montre la différence du puits biosphérique entre les années 2050 et les années 1860 calculées avec le modèle couplé Climat-Carbone ; (c) cette figure décrit l’effet du changement climatique dû aux rejets anthropiques du CO2 sur le puits de carbone biosphérique en 2050.

Les figures a et c montrent que dans les basses latitudes, la croissance des plantes est principalement limitée par la disponibilité en eau. Par contre, aux hautes latitudes, la croissance des plantes est principalement limitée par la température : le réchauffement climatique leur permettra, au contraire, un meilleur développement, augmentant ainsi le puits de carbone.

1.1.1.1. Le méthane : composant du cycle biologique du carbone.

Le méthane (CH4) est un gaz de la famille des hydrocarbures. Il se produit de la manière suivante : pour leur production les matières organiques sont enterrées sous des couches de sédiments. Avec le temps et sous l'effet de la pression et de la chaleur, ces couches sédimentaires se transforment en hydrocarbures (Rakib, 2012).

Le méthane est issu en grande partie des activités agricoles : rizières, élevage des ruminants, déjections animales avec une durée de vie dans l’atmosphère de 12 ans. Le méthane correspond à 14% des émissions mondiales de GES d’origine humaine en 2004 (GIEC, 2007) avec un potentiel à effet de serre 21 fois supérieur à celui du CO2 (Backhaus, 2012). L’agriculture est ainsi responsable de 50% des émissions de méthane (environ 3 GteqCO2 par an) (Vandeale, 2010). De même, l’élevage représente une source importante de gaz à effet de serre en France, sous forme de méthane avec 80 installations qui traitent 149 400 (tms/an) et qui produisent 7,105 (GWh/an) (Marchais, 2011). Les 4 régions les plus concernées restent la Bretagne, les Pays de la Loire, la Basse-Normandie et la Lorraine (Thual, 2013). Des recherches menées par l’INRA montrent qu’un apport de 6% de lipides issus de graines de lin diminue la production de CH4 des vaches laitières de 27 à 37% (Ferlay, 2009).

1.1.2. Le cycle du carbone géologique

Le cycle du carbone géologique, qui opère sur une échelle de millions d'années, est intégré dans la structure même du monde et a été lancé il y a environ 4,55 milliards d’années, quand il a formé le système solaire et la terre. À son origine étaient les planétésimaux20(petits corps qui s'étaient formés à partir de la nébuleuse solaire) et des météorites contenant du carbone qui sont entrées en collision avec la terre. Plus de 99% du carbone terrestre est contenu dans la lithosphère, avec plus de carbone inorganique stocké dans les roches sédimentaires telles que le calcaire. Le carbone organique dans la lithosphère est stockée dans les dépôts de carburants fossiles.

Sur une échelle géologique, il existe un cycle entre la croûte (lithosphère), les océans (hydrosphère) et l'atmosphère : la formation de carbonates. Il se produit quand le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère se combine avec de l’eau pour former l'acide carbonique qui ensuite réagit lentement avec du calcium et du magnésium dans la croûte terrestre. A travers les processus d'érosion (pluie, vent), les carbonates sont lavés dans les océans, où ils s’accumulent en couches dans le lit de l’océan, ils sont ensuite absorbés par les organismes marins qui après leur mort seront aussi déposés au fond de la mer21 ; ces sédiments sont accumulés pendant des milliers d’années et forment le calcaire.

Le cycle se poursuit lorsque les roches sédimentaires des fonds marins sont entraînées dans le manteau de la terre par le processus de subduction (le processus par lequel une plaque tectonique descend sous une autre). Lorsque les roches sédimentaires de point de fusion élevé sont soumises à des pressions ou/et à

20 Les petits corps constitués par agglutination de poussières, au cours du processus de formation des planètes, consulté dans le dictionnaire en ligne: http://dictionary.reverso.net/french-definition/plan%C3%A9t%C3%A9simaux (site consulté le 17 juin 2015).

des températures inférieures à la surface de la Terre, elles réagissent avec d'autres minéraux en libérant du CO2. Le CO2 est rejeté dans l'atmosphère par les éruptions volcaniques et d’autres activités volcaniques, complétant ainsi le cycle.

L'équilibre entre les différents processus du cycle du carbone géologiques a contrôlé la concentration de CO2 dans l’atmosphère pendant des millions d’années. D’une part, les plus anciens sédiments géologiques, qui existaient avant le développement de la vie sur Terre, suggèrent des concentrations atmosphériques de CO2 une centaine de fois plus élevée qu’aujourd’hui, offrant un fort effet de serre. D'autre part, les mesures de carottes de glace retirées de l'Antarctique et du Groenland montrent que durant la dernière période glaciaire les concentrations de CO2 ( 180 ppmv CO2 ) étaint moitié moins importantes qu’anjourd’hui (en 2005 de 379,1 ppmv CO2) (Balibar, 2009).

Au final, après un processus de décomposition, une partie de matière organique, devient à long terme du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Ainsi, toute modification significative des différents dépôts affecte l'échelle géologique. Il y a environ 200 ans, avec le début de la révolution industrielle et l'exploitation et l'utilisation (combustion) des combustibles fossiles à grande échelle, le carbone a commencé à se libérer dans l'atmosphère.