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PARTIE I : Synthèse bibliographique

2.2. Cycle biologique de l'anguille

Une particularité des plus frappantes de cette espèce est son cycle biologique particulièrement complexe : elle est amphibiotique et thalassotoque et passe les différentes étapes de son cycle vital en eau douce et en eau de mer. L'animal présente de ce fait une grande souplesse d'accommodation selon son milieu environnemental. Le schéma suivant résume le cycle vital de l'anguille européenne, détaillant les différentes phases caractérisées par les modifications morphologiques, anatomique physiologiques et comportementales (fig. 14).

Fig. 12. Cycle biologique de l’Anguille européen Anguilla anguilla . L

(D’après Elie et Clement, 1984 ; Dekker, 2003) modifié dans ce présent travail (Oudjane, 2009).

2.2.1. Ponte et Migration larvaire

Depuis les campagnes de pêche effectuées par Schmitt l'aire de ponte des anguilles est localisée dans la mer des Sargasses au Sud- est des iles des Bermudes aux environs des 22 et 30° N de latitude et 48 à 65°W de longitude au large de la Floride. Les plus jeunes larves ont

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été rencontrées à une profondeur de 75 à 400 m. Cette partie de leur vie est mal connue par les scientifiques ce qui fait d’elle une espèce énigmatique.

La ponte, elle s'effectue probablement au-delà des 500 m d’Avril à Juillet-Août. Il est intéressant d'ajouter que l'aire de ponte de l'espèce américaine est située au Sud de l'aire de reproduction de l'espèce européenne, une partie des deux aires se chevauchent (fig. 15). Les œufs pélagiques remontent doucement vers la surface et éclosent en libérant les larves leptocéphales entraînées par le courant du golf Stream, elles vont être dérivées au Nord Atlantique jusqu'à atteindre le plateau continental européen ; ce long voyage de leur vie durera près de 3 années avec un parcours d’environ 4000 Km. Par la suite elles subissent une véritable métamorphose (diminution de taille), acquisition de la forme allongée et cylindrique (migration de l’anus).

A son éclosion la larve n'a que 7 à 15 mm de long, elle s'aplatit rapidement latéralement prenant la forme d'une feuille de saule et gagne peu à peu en taille, deux mois après l'éclosion elles atteignent 25 mm, 45 en 8 mois et 75 en 1 an 1/2 plus tard.

Bien que se laissant porter par les courants, elles sont toutefois capables de migration verticale nycthémérale de 35 à 130 m; de profondeur. La nuit elles plongent de 300 à 600 m le jour, L'amplitude de ces migrations augmente avec l'âge. Les larves leptocéphales des 2 espèces (Européenne et Américain) d'anguilles présentes en Mer des Sargasses vont se séparer (ségrégation géographique : Mccleave & Kleckner, 1987; Mccleave al., 1987) pour des raisons hydrographiques, respectivement en direction des continents européen pour l'une

(A.anguilla) et américain pour l'autre (A.rostrata ).

Lorsqu'elles arrivent en bordure du plateau continental les leptocéphales ont atteint leur complet développement, leur taille est alors de 75 mm.

Les premières arrivées sont rencontrées au Printemps par 1000 à 500 m de profondeur du Nord des côtes d'Espagne à l'Ouest des iles Ferôe.

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Fig. 13. Aires de pontes et distributions des larves non métamorphosées et chevauchement

des deux aire de ponte de Anguilla anguilla et Anguilla rostrata dans l’Atlantique ( : A. anguilla ; - - - : A. rostrata) (D’après Schmidt, 1922) (Les chiffres donnent les longueurs des larves en mm)

2.2.2. Métamorphose Leptocéphale-civelle

A l'issue de cette grande migration de 3 ans se produit aux abords du talus continental le processus de métamorphose. Il est principalement caractérisé par :

- une diminution d'épaisseur et de longueur ; passage d'une forme de feuille saule à une forme cylindrique,

- arrêt de la nutrition avec perte des dents,

- changement de l'équilibre osmotique par perte d'eau et augmentation de là minéralisation, - activité accrue de la thyroïde et de l'hypophyse.

A cette métamorphose externe et physiologique s'ajoute une variation comportementale traduite par une plus grande sensibilité, aux variations de température de luminosité, de salinité et aux courants de marées.

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Fig. 14. Schéma de la métamorphose des civelles (Anonyme)

2.2.3. Migration anadrome des civelles

Le passage de l'eau de mer à l'eau saumâtre puis douce (migration anadrome) s'effectue dès le mois de septembre plus tardivement en Janvier-Février-Mars pour certaine zone du nord méditerranéen. Les changements de milieux de salinités différentes (eaux douces-eaux saumâtres-eaux marines) au cours des migrations anadrome et catadrome (et même lors de ses déplacements intraestuariens et intralagunaires au cours de son séjour continental) supposent une tolérance et des capacités osmorégulatrices 14 importantes qui reposent sur des

mécanismes de régulation hydrominérale des flux d'eau et d'ions (Na+, Cl-). Les mécanismes

d'osmorégulation se situent au niveau branchial (Na+ K+ ATPases) et au niveau de l'œsophage

(Kirsch, 1978). Ils permettent l'excrétion des ions Cl- et Na+ pendant la phase de vie marine, estuarienne et lagunaire des anguilles argentées. Les transports actifs d'ions sont réalisés par

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L'osmorégulation est l'action de réguler la pression osmotique cellulaire. Et donc l'ensemble des processus homéostatiques

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des cellules à chlorures branchiales ou ionocytes. Ces cellules, qui servent à absorber les ions en eau douce, sont particulièrement nombreuses, suite à une prolifération, au cours de l'adaptation à la vie en eau salée et destinées à éliminer, par une voie intercellulaire, l'excès d'ions absorbés dans les eaux méso- ou hyper-halines (Laurent & Dunel, 1978 ; Sargent et al., 1978).

Ces mécanismes branchiaux sont conditionnés, par une anticipation en eau douce par la prolactine d'origine hypophysaire et, en eau salée, par le cortisol, hormones sécrétée par l'inter-rénale. Cette dernière hormone agit également sur l'épithélium intestinal qui contrôle les échanges d'eau et d'ions (excrétion, en eau salée des ions Na+ par des échanges Na+ / K+' et des ions Cl- : LelouP-Hatey, 1977). De plus, l'œsophage, imperméable à l'eau chez l'anguille jaune comme l'anguille argentée, acquiert chez cette dernière, en milieu hypertonique perméabilité sélective aux ions Na+ et Cl- (Laurent & Kirsch, 1975; Sin Neaux et al., 1987a). Enfin, le rein joue un rôle mineur dans l'adaptation osmotique à l'eau salée, la production d'urine étant alors très réduite (réduction de l'ordre de 90% : Olivereau & Olivereau, 1977).

L'hypothèse selon laquelle toutes les anguilles ne migreraient pas en eau douce a été avancée (Anonyme, 1999). La quantité de strontium (Sr) trouvée dans certaines anguilles pêchées en mer rappelle, en effet, celle mesurée chez des poissons marins. Cette question mérite toutefois confirmation... (in Brusle & Quignard, 2006).

Pour notre région c’est vers le mois de janvier qu’elles remontent le fleuve en se déplaçant en un véritable cordon dense et compact, pouvant mesurer plusieurs mètres de long et de section quant le courant est fort ( > 2 M/S). Inutile de se faire une idée du nombre de civelles dans une telle formation, quant on songe que la taille des individus ne dépasse pas 6cm pour une section de 2mm. Cette tendance au rassemblement disparait par courant faible.

Les civelles meurent par milliers, mais leur cadavres forment des sortes de pentes humides par-dessus l’obstacle infranchissable (barrage, roche), cette manière de progression explique que certains étangs sans communication avec la mer sont naturellement peuplés en Anguilles sans que l’homme n’intervienne.

Les femelles semblent rester à proximité des estuaires où elles pourront atteindre les points les plus élevés de leur migration. Une dizaine d’années de maturation lente les conduiront à devenir des Anguilles jaunes (Bory, 1978).

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C’est sur le talus continental que débutent les variations des mécanismes physiologiques, les plus importants d'entre eux sont l'hydrotropisme et le rhéotropisme. D'autres (température, lumière, lune,...) n'ont qu'une influence secondaire.

 L'hydrotropisme

Les civelles sont attirées par l'eau douce. Ce hydrotropisme pourrait être expliqué par une baisse de la capacité de régulation osmotique en milieu hypertonique qui inciterait les civelles à rechercher des eaux moins salées.

Un déséquilibre hydrominéral lié à l'augmentation de l'activité thyroïdienne pendant la métamorphose déterminerait chez les civelles la recherche d'eau à salinité plus faible (Fontaise & Callamand, 1941).

Les hormones thyroïdiennes réduisent les capacités osmorégulatrices des civelles dans l'eau de mer, qui malgré leur euryhalinité semblent atteindre dans ce milieu les limites extrêmes de leurs capacités régulatrices des concentrations moléculaires (Fontaine, 1972).

Mais la salinité n'est pas le seul facteur déterminant de l'hydrotropisme, il semblerait que la civelle soit attirée par l'odeur d'une substance spécifique de l'eau douce qu'elle pourrait détecter à distance.

 Rhéotropisme

Alors que pendant la traversée de l'Atlantique la larve avait une vie planctonique donc avec des déplacements propres très limités, la civelle devient sensible aux courants de marées perceptibles sur le talus du plateau continental. Elles profiteront de la monter des eaux pour s'approcher des côtes et pénétrer dans les cours d'eau. Au jusant au contraire elles s'enfouissent dans les fonds.

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