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La flore cutanée est l’ensemble des microorganismes vivant à la surface de la peau, ou à l’intérieur de celle-ci. On distingue deux populations différentes : la flore résidente, et la flore transitoire.

La flore résidente peuple la couche cornée, les couches supérieures de l’épiderme, et les annexes cutanées, sous forme de micro-colonies non pathogènes. Sa composition qualitative et quantitative est plutôt stable dans le temps (même si elle varie selon l’âge, les parties du corps, et les personnes elles-mêmes). Lors de la vie in-utero, la peau du fœtus est stérile jusqu’à la naissance. Elle va dès les premières heures de vie, au contact de son environnement, être colonisée par les microorganismes de la flore résidente(51). Les premiers à la coloniser sont les staphylocoques à coagulase négative (Gram positif), puis au fil du temps, viennent s’ajouter à cette flore les autres germes de la flore résidente : des bactéries coryneformes (Gram positif) aérobies (Corynebacterium spp.) ou anaérobies (Propionibacterium spp.). Les seules bactéries Gram négatif présentes dans la peau sont celles du genre Acinetobacter. D’autres germes viennent s’ajouter aux espèces précédemment citées, aussi bien des levures (genre Malassezia), que des parasites (acariens), ou encore des virus tels que la famille des papillomavirus. Les bactéries aérobies colonisent préférentiellement les couches externes du stratum corneum, tandis que les bactéries anaérobies ont tendance à se réfugier à l’abri de l’oxygène, au sein des follicules pilo-sébacés. C’est le cas de Propionibacterium acnes, responsable des boutons d’acné. La flore transitoire, elle, s’établit surtout à la surface des parties découvertes, au contact de sources exogènes ou endogènes (par contact avec la flore gastro-intestinale, par exemple). Elle contamine ces sites de façon temporaire, ou s’y installe de façon plus durable, lorsque le site colonisé leur offre des conditions optimales (pH, taux d’humidité, peau lésée…). La flore transitoire, susceptible d’être pathogène, se développe de façon particulièrement importante lorsqu’elle rencontre une zone subissant un déséquilibre de la flore résidente (par exemple, après un traitement local par antibiothérapie). Elle est constituée le plus souvent de bactéries telles que Staphylococcus aureus ou de streptocoques, et de levures comme Candida albicans.

Le tableau 5 ci-dessous reprend les espèces les plus représentatives des flores cutanées résidente et transitoire.

54 Tableau 5 : Espèces représentatives des flores cutanées résidente et transitoire(51)

L’ensemble des « espèces qui prédominent et/ou sont durablement adaptées à la surface et à l’intérieur » de la peau est dénommé microbiote cutané(51). Cette flore est traditionnellement caractérisée à partir de cultures de prélèvements cutanés. Or, l’on sait aujourd’hui que moins de 1% des espèces bactériennes peuvent être cultivées dans les conditions standards de laboratoire. De plus, les espèces à croissance rapide ont tendance à envahir les cultures, et donc, à masquer la présence d’autres espèces qui se développent moins rapidement, dans ces conditions standards. Depuis une dizaine d’années, une nouvelle approche a révolutionné les méthodes d’identification et de quantification de la flore cutanée. Il s’agit d’études d’amplification de l’ADN (acide désoxyribonucléique*) de l’ensemble du microbiote cutané, suivi de son séquençage. « La somme des génomes des microorganismes vivant dans ou sur » la peau est alors dénommée microbiome cutané(51). La métagénomique est la méthode d’étude du séquençage génétique collectif du microbiome. Elle permet une qualification, et une quantification, plus précises, et moins biaisées, que les méthodes faisant appel aux cultures cellulaires.

En 2007, le NIH (National Institutes of Health) américain a lancé le projet intitulé Human microbiome project (ou projet de microbiome humain). Il consistait à caractériser le microbiome humain, en séquençant l’ADN du microbiote de 242 adultes sains, ceci afin de mieux comprendre les spécificités des flores microbiennes intestinales, génito-urinaires et cutanées. Cette étude a permis de démontrer une diversité plus importante que prévu : à ce jour, 500 espèces bactériennes ont été détectées sur peau saine(52). Un million de bactéries, avec des centaines d’espèces différentes, colonisent chaque cm2 de peau. On compterait donc 33

bactéries pour 1 seule cellule humaine !

La métagénomique a permis de démontrer que les bactéries cutanées appartiennent à quatre embranchements différents (appelés phyla) : Actinobacteria, Firmicutes, Bacteroidetes et Proteobacteria. On peut en voir la répartition quantitative dans la figure 26 ci-dessous.

55 Figure 26 : Répartition de la flore cutanée obtenue par métagénomique (The human microbiome project)(52) La flore cutanée peut être influencée par de nombreux facteurs(53), comme les conditions physico-chimiques de la zone (humidité, température, pH), les lipides présents à la surface cutanée, des phénomènes de compétition microbienne (les bactéries résidentes occupent l’espace et en consomment les nutriments, ce qui a pour effet d’inhiber le développement d’autres germes), la synthèse de composants immunitaires comme les défensines par les kératinocytes, et dans la sueur eccrine. Il semble que les processus d’adhésion bactérienne sur la peau, puissent également avoir une influence sur la flore cutanée. Ainsi, la composition de la flore cutanée résulte d’un équilibre entre les conditions locales, et les propriétés métaboliques des microorganismes qui la composent. De même, le style de vie de l’hôte peut avoir une influence sur la flore (profession, loisirs, hygiène)(52), tout comme son environnement (climat, localisation géographique), ou encore la présence chez lui de pathologies sous-jacentes comme le diabète.

Le microbiote cutané résident a notamment pour fonction de protéger la barrière cutanée(52) en :

 Inhibant la croissance de germes pathogènes (par exemple, en occupant l’espace, ce qui a pour effet d’inhiber la croissance d’autres microorganismes, ou en inhibant la formation de biofilm par S. aureus) ;

 Agissant sur l’immunité innée (par exemple, en modulant les phénomènes inflammatoires) ;

 Stimulant la réponse immunitaire adaptative (par exemple, en induisant la production locale de cytokines, ou en stimulant les populations de lymphocytes T régulateurs* dits Treg). Ainsi, la flore cutanée résidente est un allié indispensable au bon fonctionnement de l’organisme, qu’il convient donc de préserver.