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culturel et ressource d’interactions multiples dans une mégapole saturée

37 Si l’arbre est reconnu comme un atout écologique pour les villes, il reste souvent considéré comme un bien qu’il faut manipuler pour obtenir le meilleur rendement, que celui-ci soit matériel, esthétique, économique, voire politique. À Mexico toutefois, la singularité de ce végétal est exprimée par les grands arbres majestueux observés depuis le quartier de la Roma jusqu’au sud de Xochimilco. Au lieu de surgir esseulés et bien implantés dans un carré de terre nettoyé par la municipalité, ils s’élancent dans un mouvement spontané, jaillissant de chaque morceau de terre naturelle oubliée ou reléguée, entremêlant dans leurs structures d’autres espèces végétales. L’arbre des rues de Mexico interagit avec son environnement proche, il est sans cesse en contact avec tout ce qui compose la ville et, dans un mouvement continu d’adaptation, il accompagne les habitants par une présence qui dépasse le simple rapport physique. Il leur procure un environnement riche, dans lequel se mêle habilement présence biologique et matières urbaines. L’ombre, la fraîcheur et l’humidité dégagée par les arbres confèrent une atmosphère qui rend la rue biologiquement plus adaptée à l’être

humain45. L’arbre qui habite la rue influence la vie humaine de manière bénéfique ; il n’attend pas d’être « exploité » pour révéler ses capacités de soutien au monde vivant.

Figure 17. L’échelle et la diversité de l’arbre des rues contribuent à créer de petits écosystèmes urbains.

© Nora Itri, octobre 2019.

Figure 18. En lisière d’une rue-forêt de la Roma, le boulevard grouillant s’annonce comme une épreuve.

© Nora Itri, juillet 2019

38 Par ailleurs, cet « être végétal » doté d’une qualité de résilience presque illimitée nous renvoie à la définition de la ressource et la relation que l’on entretient avec la matière et les éléments naturels. La découverte d’un monde végétal florissant au cœur de l’une des formations urbaines les plus vastes au monde renouvelle notre compréhension de la ressource, souvent associée à sa condition d’exploitabilité et son appartenance à une logique marchande. À Mexico, comme sans doute dans d’autres grandes agglomérations des climats tropicaux, l’arbre habite la rue en être vivant et il est davantage une ressource pour la ville par sa capacité d’interaction avec le milieu que par son exploitation propre. Par la qualité de sa présence, l’arbre participe à la régulation de cette immense aire urbaine. Sa valeur réside dans le simple déroulement de son existence ; en mettant en relation les divers éléments naturels qui participent à l’environnement de Mexico, il exprime, sous le prisme du végétal, l’identité d’un milieu bouleversé par l’artificialisation humaine. Sa présence agit comme une forme de rappel d’une continuité du milieu naturel primitif que les conquistadors avaient décidé de reléguer hors de l’espace urbain. Reconnaître aujourd’hui l’essentialité de sa présence, c’est admettre que la solution pour réguler les machines complexes que sont les villes ne vient pas nécessairement du domaine technicien, et que la nature a, dans son mode de fonctionnement, des services gratuits et immensément utiles à nous apporter. Ainsi, l’arbre des rues de Mexico continue inlassablement d’absorber les gaz nocifs avec lesquels les citadins s’empoisonnent eux-mêmes. Son existence transforme la pollution en sucre, délivre des molécules d’eau et de l’oxygène qui rendent plus respirable l’air des rues. L’arbre est un entremetteur privilégié d’éléments que l’homme a surexploités, au point d’en faire une menace pour son existence. L’arbre des rues de Mexico se

présente alors comme une « ressource d’interaction » qui, à elle seule, atténue durablement la raideur urbaine d’une mégapole saturée. Cette reconnaissance de la vie de l’arbre et des autres végétaux urbains rejoint la direction prise par certains penseurs de la nature dans la ville, qui encouragent à une meilleure compréhension des systèmes vivants qui nous entoure46. Accepter l’idée que l’arbre habite la ville devrait aider les êtres humains à dépasser l’utilitarisme qui définit leur relation au non humain.

39 Car l’arbre des rues de Mexico n’est pas seulement un soutien biologique et climatique pour les habitants de la capitale, il a aussi une signification historique, culturelle et spirituelle. Par sa présence dans les traditions et les croyances qui fondent l’histoire du peuple mexicain, l’arbre est bien autre chose qu’une simple éponge à CO2. Le réduire à sa fonction biologique, aussi riche soit-elle, reviendrait à le considérer semblable à l’arbre rencontré dans la rue de n’importe quelle autre ville. Or, la particularité de l’arbre de Mexico réside en premier lieu dans l’invocation de la mémoire de la première forme urbaine de la vallée de Mexico, la « ville-milieu » des Aztèques. Par la notion d’altepetl, l’urbain était pensé en harmonie avec l’environnement naturel, support de croyances et de traditions, et déterminant culturel majeur de leur civilisation. Et c’est cette relation entre la nature et la culture qu’exprimait l’établissement humain aztèque qui donne toute la profondeur de l’arbre des rues de la Mexico contemporaine. Héritage d’un monde passé dans lequel l’humain et l’arbre se trouvaient intimement mêlés, l’altepetl contenait dans sa définition l’association du vivant à la formation de l’habitat urbain. N’établissant pas de distinction entre les notions de nature et de ville, les Aztèques habitaient leur environnement. Or, l’arbre des rues rappelle aujourd’hui encore l’hybridité urbaine de Mexico par sa fonction biologique, mais aussi par la posture culturelle et spirituelle qu’il incarne, et qui, malgré la modernisation de la société mexicaine, semble encore pouvoir faire sens aujourd’hui. Ressource naturelle vivante, ressource biologique et écologique, l’arbre des rues de Mexico est ainsi une ressource culturelle et spirituelle, une ressource patrimoniale et paysagère, une ressource de vie et de résilience.

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NOTES

1. Saskia Sassen est sociologue et économiste, spécialiste du phénomène de mondialisation, elle est à l’origine du concept de ville-mondial (global cities).

2. Dr Luis Zambrano Gonzales, chercheur à l’Instituto de Biologia de la UNAM est spécialiste dans la conservation et de la restauration des écosystèmes notamment des communautés aquatiques.

3. L’emploi du terme « homme » fait référence à la position sociale et culturelle de l’humain. Elle le différencie de l’être humain qui ne peut être opposé à la nature puisqu’il désigne l’être vivant.

4. Claude Raffestin, Pour une géographie du pouvoir, Lyon, ENS Éditions, 2019 (Bibliothèque idéale des sciences sociales), 4e partie « Les ressources et le pouvoir », Chap. I « Qu’est-ce que les ressources ? », [en ligne] https://books.openedition.org/enseditions/7627 ?format =toc

5. Ibid.

6. Ibid.

7. Ibid.

8. Baird Callicott, Éthique de la Terre,Marseille, Widproject, 2010, cité par Catherine Larrère et Raphaël Larrère, Penser et agir avec la nature, Une enquête philosophique, Paris, Éditions La Découverte, 2018, p. 42.

9. Ibid., p. 19.

10. Le sommet de Stockholm (Suède) a été suivi par ceux de Nairobi (Kenya), en 1982, de Rio de Janeiro (Brésil), en 1992, de Johannesbourg (Afrique du Sud), en 2002, jusqu’au sommet de Rio + 20, à Rio de Janeiro, en 2012.

11. Insee, 1987,[en ligne] https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1644 12. Catherine Larrère et Raphaël Larrère, op. cit., p. 323.

13. Ibid., p. 323.

14. Ibid.

15. R. Costanza, R. d’Arge, R. de Groot, S. Farber, M. Grasso, B. Hannon, K. Limburg, S. Naeem, R.V. O’Neill, J. Paruelo, R.G. Raskin, P. Sutton, M. van den Belt, « The value of the world’s ecosystem services and natural capital », Nature, n° 387, 1997, pp. 253-260.

16. Simon Dufour, Xavier Arnauld de Sartre, Monica Castro, Johan Oszwald et Anne Julia Rollet,

« Origine et usages de la notion de services écosystémiques : éclairages sur son apport à la gestion des hydrosystèmes », VertigO — la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], hors-série 25, août 2016, [en ligne] http://journals.openedition.org/vertigo/17435 17. MEA : Millennium Ecosystem Assessment.

18. Simon Dufour et al., op. cit.

19.Naturalité est pris ici dans le sens duwildernessaméricain, tel que formulé par Mark Woods (cité par Catherine Larrère et Raphaël Larrère, op. cit., p. 33).

20. Neuf millions d’habitants pour le district fédéral. Les chiffres varient selon l’aire prise en compte. La ville étendue hors de ses frontières administratives compte vingt millions d’habitants.

21. 235 267,873 ha (2 352 km2) de superficie urbaine en 2017, selon l’Organisation des Nations Unies. Voir ONU HABITAT, [en ligne] https://onuhabitat.org.mx/index.php/superficie-de-cdmx-crece-a-ritmo-tres-veces-superior-al-de-su-poblacion. 1 485 km2 dans les limites du district fédéral selon l’Instituto Nacional de Estadística e Geografía (INEGI) du Mexique. Voir INEGI, [en ligne] https://www.inegi.org.mx/app/areasgeograficas/

22. Parmi lesquels Raúl Hernández Pichardo, directeur de l’urbanisme de Mexico, et Auribel Villa Avendaño, docteure en architecture et enseignante du module « Sistemas ambientales » à l’Université nationale autonome du Mexique.

23. Serge Grunzinski, Histoire de Mexico, Paris, Fayard, 1996, p. 204.

24. Le nahuatl est une langue du Mexique qui appartient à la famille linguistique uto-aztec, dans laquelle est rédigée une grande partie des écrits de la période.

25. Serge Gruzinski, 1996, op. cit., p. 191.

26. Ibid.

27. Danièle Dehouve, « La cité État des anciens Mexicains », Villes en parallèle, n° 25, avril 1997,

« De Séville à Lima », p. 63.

29. Serge Gruzinski, 1996, op. cit., p. 191 30. Ibid., p. 210.

31. Ibid., p. 212.

32. ibid., p. 226

33. Regina Hernandez Franyuti, « Cambios en la definición del territorio de la Ciudad de Mexico », dans Donde termina la ciudad, Conversación con Enrique Ciriani, Mexico, Arquine, 2019, p. 77.

34. Ibid., p. 80.

35. Barbara E. Mundy, « Organización urbana y espacio sagrado en Mexico-Tenochtitlan », dans Ángel Julián García Zambrano, María Elena Bernal García (coord.), La conceptualización del paisaje en la ciudad mesoamericana, Morelos, Juan Pablos Editor, 2015, p. 111.

36. Cwb ou Cfb selon la classification de Köppen.

37. Voir les mythes de la culture aztèque rapportés par le moine franciscain Bernardino de Sahagún et traduit du nahuatl dans son Codex Florentinus. Cité par J.-M.-G Le Clézio, Le rêve mexicain ou la pensée interrompue, Paris, Gallimard, 1988, pp. 112-131.

38. Francis Hallé, Du bon usage des arbres. Un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques, Arles, Actes Sud, 2011, p. 13.

39. Christophe Drénou, Face aux arbres, Apprendre à les observer pour les comprendre, Paris, Éditions Ulmer, 2019.

40. Je pense en particulier aux travaux conjoints de Janine Benys, biologiste, Bruno Moulia, biomécanicien, directeur de recherche à l’INRAE, Stefano Mancuso, biologiste à l’université de Florence, Francis Martin, microbiologiste, Catherine Scott, climatologue, Jana Dlouha, biomécanicienne, chargée de recherches à l’INRAE, Hervé Cochard, écophysiologiste, directeur de recherches à l’INRAE, Dominik Spracklen, climatologue à l’université de Leeds et Thomas Crowther, professeur en écologie des écosystèmes à l’ETH Zurich, dont les découvertes ont été présentées au grand public dans le documentaire Le génie des arbres, Sciences grand format, réalisé par Emmanuelle Nobécourt et diffusé sur France TV en mai 2020.

41. Ces champignons permettent l’absorption de minéraux, azote et phosphate, nutriments indispensables à l’arbre avec lequel ils communiquent par emmêlement racinaire – celui-ci leur fournit en contrepartie du glucose. Par cet échange, l’arbre multiplie par mille sa surface d’absorption, c’est la « symbiose mycorhizienne » sans laquelle il n’y aurait pas de plantes et donc pas d’arbres. Voir Francis Hallé, op. cit., pp. 32-34.

42. Les feuilles sont dotées de cellules composées de la chlorophylle, qui leur permet de capter l’énergie solaire, et de petites ouvertures appelées stomates, qui absorbent le dioxyde de carbone (CO2) contenu dans l’atmosphère. Grâce au processus de photosynthèse, la lumière, l’eau et le CO2 sont transformés en matière par la feuille : le glucose.

43. Dominik Spracklen, dans Le génie des arbres, Sciences grand format, op. cit.

44. Selon Catherine Scott, climatologue, lorsque la température ambiante est élevée, l’arbre rejette des molécules chimiques qui finissent par former une gouttelette de nuage. Ces gouttelettes ayant un effet brillant, elles réfléchissent la lumière du soleil et entraînent un refroidissement de l’air : dès lors, l’ombre des arbres combinée à l’évaporation de l’eau produit une baisse de la température.

45. Des travaux menés sur la ville de Chicago ont montré que la vue du vert à travers les fenêtres d’habitations contribuait à faire diminuer la violence dans les foyers et favorisait les capacités de concentration des individus. Voir Francis Hallé, op. cit., pp. 69-71.

46. Pour le paysagiste Gilles Clément, il paraît juste de penser « que l’accroissement des connaissances sur les mécanismes de la vie modifie notre comportement vis-à-vis d’elle, entraînant moins d’aménagements et plus de tolérance, jusqu’à cet acte ultime du jardinage : ne rien faire ». Cité dans Catherine Larrère et Raphaël Larrère, 2015, op. cit., p. 98.

RÉSUMÉS

La relation à la nature, dominée dans la pensée occidentale par un rapport de supériorité de l’être humain, et réglée par les mécanismes marchands à travers le monde, a engendré au cours du temps une forme de lissage des milieux citadins dans lesquels l’arbre a perdu sa qualité d’être vivant pour devenir un « objet urbain ». L’arbre des rues de Mexico défie cette logique et s’impose comme un révélateur de la continuité entre la ville et le milieu naturel. Dans ce contexte, l’arbre acquiert le statut de « médiateur », entre un environnement profondément artificialisé par l’homme et le territoire biologique sous-jacent que compose la Vallée de Mexico.

Analyser cette particularité dans la constitution physique et historique de la mégapole mexicaine permet de renouveler le sens conventionnellement attribué à la notion de ressource : laissé à son existence spontanée, l’arbre des rues de Mexico supplante cette condition globale d’exploitabilité pour dévoiler la richesse de ses interactions, naturelles et culturelles, avec le milieu. De la conception originelle de Mexico par l’altepetl, « ville-milieu » des Aztèques, jusqu’à la mégapole contemporaine, l’arbre des rues traduit la continuité persistante d’un milieu naturel à travers le sol de la ville. Il est l’expression d’une forme de métissage, culturel et conceptuel, et il témoigne d’une hybridité qui caractérise Mexico depuis ses fondements. Cette singularité permet de renouveler la façon de penser le rapport entre ville et milieu, entre l’artificiel et le vivant, entre l’exploitation et l’interaction.

Our relationship to nature has been dominated in western thought by an idea of human superiority, and regulated by market mechanisms throughout the world. Over time, this has generated a form of smoothing in urban environments, in which the tree loses its quality as a living being and becomes an "urban object". In the streets of Mexico City, however, the tree defies this logic and stands out as a revelation of the continuity between the city and the natural environment. In this context, the tree acquires the status of "mediator", between a deeply artificialized environment created by humankind and the underlying biological territory that makes up the Mexico City Valley. Analyzing this particularity in the physical and historical constitution of the Mexican megalopolis allows us to renew the meaning that is conventionally attributed to the notion of resource. Left to its natural existence, Mexico City’s ‘‘tree of the street’’ supplants this global condition of exploitability to reveal the richness of its interactions with the environment, which are both natural and cultural. From the original design of Mexico City by the altepetl, the Aztec city-state, to the contemporary megalopolis, the ‘‘tree of the street’’ translates the persistent continuity of the natural environment through the city's soil. It is the expression of a form of cultural and conceptual interbreeding, and bears witness to the hybridity that has characterized Mexico City from its foundations. This singularity makes it possible to renew the ways in which we consider relationships between city and nature, between the artificial and the living, and between exploitation and interaction.

INDEX

Mots-clés : Arbre, Interaction, Milieu naturel, Exploitabilité, Mexico Keywords : Tree, Interaction, Natural Environment, Exploitability, Mexico

AUTEUR

NORA ITRI

Nora Itri est architecte, diplômée de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux. Ses recherches l’ont conduite à résider pendant cinq mois au Mexique et à poursuivre depuis une réflexion sur la place singulière de l’arbre des rues dans la ville de Mexico. Elle s’intéresse en particulier au rapport de la ville avec l’évènement vivant qui agit comme un révélateur de la façon de concevoir l’urbain dans une culture métissée.

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