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CHAPITRE 4 : ANALYSE

4.1 Variables explicatives de la littérature présentes dans les entretiens

4.1.3 Le quartier de résidence

4.1.3.1 La sous-culture du quartier de résidence

Pour certains des jeunes rencontrés, le quartier de résidence a peu d’importance et représente une simple enclave dans la ville. Ceux-ci en font peu référence dans leur discours et cet élément ne semble pas influencer leurs perceptions outre mesure.

Cependant, similairement à la culture d’origine, le quartier de résidence peut avoir une réelle influence sur les perceptions des jeunes. Le quartier de résidence peut en fait représenter une sous-culture ayant ses propres normes et dictant une ligne de conduite à ses résidents. De plus, tel qu’indiqué dans la recension des écrits, certains groupes ethniques ont un fort niveau de concentration dans certains quartiers ce qui favorise l’émergence d’une sous-culture. Il sera explicité plus loin dans l’analyse que les jeunes interviewés partagent sensiblement les perceptions de leurs amis et que des perceptions différentes pourraient compromettre leur appartenance au groupe. Il appert que pour

certains des jeunes rencontrés il en est de même pour le quartier de résidence. Aller à l’encontre des perceptions populaires serait très stigmatisant, voire même dangereux :

«P: Yeah, that's what it is. It's mainly like that. That's it you just don't talk to the police, no snitching.

C: hum hum

P: You snitch, you get hurt.» (Sujet 10)

Dans le même ordre d’idée, le sujet 12, résidant du quartier de la Petite Bourgogne comme le sujet 10, explique que se tourner vers les policiers implique d’aller à l’encontre des perceptions populaires. La personne choisissant de faire appel aux policiers devra par la suite subir le jugement de membres de la communauté et son geste peut même représenter un acte de trahison :

«P […] you know saying to the police or helping them or whatever, but afterwards what people think of you, the community's perception of you, you know? It's like you're taking that bad path you know?

C: OK.

P: The path where you're like going against the community with the people who are always attacking the community and those types of things. Because, the police give themselves a very bad perception in the community. I mean there are good cops but there's bad cops and the bad cops make the good cops look bad you know?»

Selon ce participant, les perceptions des résidents et leur réticence à contacter les policiers peuvent s’expliquer, entre autres, par les racines jamaïcaines de plusieurs d’entre eux.

«Cause a lot of the members of this community are like Jamaican descent or used to be anyways. Now it’s a lot more multi-cultural, but before you know, and nobody would ever, ever, ever talk to the police. Somebody would die and then the family would get together and somebody in the family would retaliate and it’s just back and forth and back and forth and never…It’s crazy to think of the police. » (sujet 12)

Le sujet 9 amène une autre explication à la formation de ces perceptions. Il pense que les conditions sociales difficiles qui caractérisent entre autres le quartier de la Petite Bourgogne favorisent l’implantation d’une certaine façon de penser à l’égard de la police :

«P: I believe like… When you know you live in government housing, the projects. You just, you get brainwashed to certain standards: this is what's right and this is what's wrong.

C: OK.

P: You don't talk to the police, you don't say nothing to them. When you live around here that's the way it goes. If you do, then you gonna be a snitch and nobody's gonna talk to you around here and you might get killed you know or anything…. You know what I mean? And that only happens in the projects. That never happens in the suburbs or anywhere else.»

L’observation du sujet 9 reflète en fait un constat fait maintes fois dans la documentation scientifique ATP. Ainsi, les conditions d’un quartier, plus particulièrement les conditions socio-économiques d’un quartier affecteraient le développement des perceptions des résidents. Il y aurait deux raisons à cela : les résidents tiendraient les policiers

responsables des conditions de leur quartier et/ou les résidents considèreraient les policiers comme un prolongement du gouvernement et transfèreraient vers eux leurs perceptions négatives. (Shuck, Rosenbaum & Hawkins, 2008)

D’autre part, le quartier de Montréal-Nord s’est vu grandement affecté par le décès du jeune Fredy Villanueva et ses résidents ont désormais cet incident tragique inscrit dans leur esprit d’autant plus que plusieurs ont vécu ce drame de près ou de loin.

«Ben, faut dire que j'habite dans le coin aussi, la plupart des gars qui le connaissaient et qui étaient là sur les lieux m'en ont parlé un peu.» (sujet 2)

Ce décès fait désormais partie de la réalité de ce quartier qui avait déjà un historique de relations tendues avec les policiers. Pour les résidents de Montréal-Nord, ce drame a sans doute eu une influence majeure sur leurs perceptions envers les policiers. Il est également possible d’affirmer que pour plusieurs, cet événement est venu valider les perceptions négatives entretenues dans le quartier à l’égard des policiers. Par exemple, l’analyse du discours du sujet 2 révèle globalement que selon lui, les policiers profitent de leur statut pour outrepasser certaines règles et avoir le dessus sur les citoyens. Lorsqu’il évoque les événements du mois d’août 2008, il s’agit pour lui de l’exemple parfait pour illustrer ses propos :

«Puis, je me dis, comment je pourrais dire… Je prends ça à l'inverse. Je me dis que si ça aura été lui qui aurait tiré sur le policier. Jusqu'à présent, on en entendrait parler puis chaque jour le nom de Fredy serait dans les nouvelles. Mais le policier on a peut-être dit son nom une fois dans les nouvelles puis depuis ce temps-là, on n'en a jamais entendu

parler. Je me dis que parce qu’il est policier on règle ça à l'interne sûrement. On ne veut pas dévoiler ça au public. Je me dis ça à propos des policiers. Je me dis que leur statut est trop important pour que ce soit divulgué comme ça