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Le patrimoine, objet de recherche, est tout d'abord une construction liée au passé. C'est un trésor lié à la sauvegarde des œuvres anciennes et non à l'oubli du passé. Il résulte d'une double perspective. La première, c'est la transmission de culture. La seconde, c'est le partage du savoir-faire. De ce fait, l'héritage doit assurer d'une part, un attachement au lieu et d'autre part, il doit créer une continuité symbolique de l'objet culturel. Il est reconnu en tant qu'objet porteur de signe, de trace et de symbole. Le patrimoine s'inscrit dans un passé composé de cultures et de récits.

Dans l'ouvrage « Patrimoine en débat : construction de mémoire et valorisation du symbolique », Dominique Poulot (1992) a présenté dans son article « Patrimoine et histoire » différents concepts qui s'articulent autour de : représentation du passé, représentation patrimoniale et histoire du patrimoine. De son point de vue, la notion de patrimoine se décrit autrement. À l'origine, le patrimoine est synonyme de bâti ancien (Poulot,1992). Dans sa définition, le patrimoine présente un trésor, un chef d'œuvre à préserver. Il est connu par toute forme de valeur symbolique, esthétique, touristique, documentaire et illustrative. Ce bâti nécessite une préservation. De plus, il exige un facteur historique.

L'idée développée par Dominique Poulot consiste à dire que « le patrimoine se définit donc comme un patrimoine transmis, c'est-à-dire glosé, restitué, raconté, travaillé »54. Dans sa réflexion, le patrimoine a perdu son statut traditionnel au cours du XIXe siècle et du XXe siècle. À la fin du XXe siècle, cette notion a connu des mutations. Comme il le note, en ces termes, « le patrimoine se visite, s'interprète et influence son public »55. Dans ce sens, le bien d'héritage peut être réinterprété, revisité et influencé par le public. L'identification du patrimoine dépend de l'évolution des objets culturels du passé (Poulot, 2001).

Dans une autre description, l'historien Dominique Poulot (2001) explique que le patrimoine participe à la création d'objets à vocation symbolique. C'est une découverte au regard du public. Le patrimoine met en récit une interprétation d'œuvres du passé. Pour Dominique Poulot, le patrimoine peut être réutilisé, retranscrit d'une génération à l'autre. C'est une représentation du passé.

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D. POULOT, Patrimoine et musées : l'institution de la culture, éd. Hachette, Paris, 2001, p. 4.

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Pour l'historien, le patrimoine est déterminé par trois traits. Le premier, s'attribue à une lecture historique du patrimoine. Le second présente la création d'un corpus d'objets du patrimoine. Et le dernier, est celui qui convient au patrimoine des cultures (Poulot, 1992). En fait, le patrimoine ne renvoie plus à la valorisation d'un lieu historique mais plutôt à la naissance d'un espace de consommation, « il en devient le lieu des stéréotypes »56. Le patrimoine devient un espace marchand. Il ne s'inscrit plus dans un lieu historique, mais plutôt il renvoie à la naissance d'un espace de consommation. Toutefois, le patrimoine peut être considéré comme étant un produit commercial. En revanche, il ne présente plus un produit culturel. Il est bien discutable de dire que l'héritage a pris une autre vitrine. Il devient un objet dénaturé, méconnu et non célèbre. Dans cette même perspective, nous reviendrons aux écrits de Yassine Karamti, « Le patrimoine est alors considéré comme une marchandise. Des acteurs étrangers participent au pillage et à la mauvaise gestion du patrimoine de la régence de Tunis »57. Il s'agit donc d'une valeur marchande et non d'une valeur symbolique. L'utilité de ce phénomène de marchandisation est de fabriquer le patrimoine et de le vendre au public (touriste).

Étant devenu un lieu de consommation le patrimoine englobe dès lors une œuvre préservée au présent. Mise à part cette référence à la valeur marchande, le patrimoine devient une œuvre qui rejette les modèles typiques, traditionnels et anciens. C'est-à-dire, une œuvre sans référence culturelle, comme il peut être considéré comme étant une œuvre qui rompt avec l'authenticité, l'ancienneté et le symbolisme. Il s'agit bien d'une œuvre qui a perdu sa puissance symbolique et aussi, son caractère identitaire. De l'ordre du construit, il convient de dire qu'aujourd'hui le patrimoine devient une œuvre non ancienne, non authentique et non historique. Le patrimoine devient un héritage sans histoire, sans identité et sans trace. Comme nous l'avons déjà évoqué, dans les pages qui précèdent, il s'agit d'un produit commercial. De ce fait, nous trouvons un rejet du passé et un oubli de la mémoire. Il est à noter que l'héritage présente un modèle approprié à la fabrication de nouvelles traces.

Françoise Benhamou (2012), s'intéresse-t-elle à la valeur marchande du patrimoine. Cette notion peut être décrite d'une autre manière. La conception du patrimoine est une réorientation vers d'autres réflexions. Le patrimoine est non seulement reconnu par l'histoire, mais il relève

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A. LEFEBVRE, Patrimoines en débat : construction de mémoire et valorisation du symbolique, éd. Presses Universitaires du Mirail, Les Papiers économie-société-communication, Toulouse, 1992, p.65.

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KARAMTI, Yassine et GIRAULT, Yves, RASSE, Paul (sous la direction de), Patrimoine, économie et altérité : essai sur la muséologie des mémoires entre deux rives, Tunis, éditions Regroupement Latrach du livre spécialisé, 2009, p.184.

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également du passé. Il fait partie de l'histoire des lieux. À plus forte raison, « il fait renaître les lieux qui s'endorment, donne du sens et de l'épaisseur aux relations entre les hommes et les territoires »58. Du point de vue de Françoise Benhamou, le patrimoine s'attribue à la reconnaissance des lieux. Il fait renaître une relation entre les hommes et les territoires. Le patrimoine est donc un construit social (Benhamou, 2012) mais aussi un construit du passé (Hannequart, 2011). En second lieu, il est marqué par la diversité des valeurs (esthétiques, historiques, symboliques, etc.).

« Chaque génération crée un nouveau patrimoine pour les générations à venir. Le patrimoine n'est ici ni prédéfini, ni fermé. Son périmètre ne cesse d'évoluer »59. Remarquons bien, que le patrimoine s'inscrit dans un rapport production-culture et espace, autrement dit, il est mis en exergue dans un jeu de valorisation et de sauvegarde. Nous sommes alors passés de l'acte de transmission à l'acte de l'invention. L'héritage n'est plus fidèle au principe d'ancrage.

Entre passé et présent, entre transmission et construction, il se trouve que le « turâth » et le patrimoine sont inscrits dans le registre de l'innovation et de la création. À travers ces deux notions, production et création, l'héritage présente une construction, une fabrication d'une nouvelle culture. Ce terme de culture, mène à mettre en perspective trois mots-clés : le futur du patrimoine, le choix du modèle et la dimension symbolique de l'objet culturel.

Culture : production et usage

L'intégration de la culture privilégie de nouvelles idées. À ce titre, elle peut reprendre d'autres définitions. La culture engage de nouveaux concepts et dicte de nouvelles règles. D'abord, elle joue un rôle référentiel. Pour plus de précision, la création d’objets est soumise à la culture en vigueur marqués par des signes symboliques. Ces signes créent une rupture avec le passé et une continuité avec le présent. De ce fait, la culture aura un autre futur. Il s'agit du principe de la découverte et du rejet de modèles anciens. L'exposition de la culture ancienne renvoie à la vitrine de nouvelles traces. Elle aboutit donc à une conception d'objets culturels. Elle s'affirme d'emblée comme une construction de nouvelles identités et d'un autre côté, comme une invention d'un nouvel héritage. Dans cette dimension, le patrimoine d'hier ne sera plus

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F. BENHAMOU, Économie du patrimoine culturel, éd. La Découverte, coll. « Repères/Culture et communication », Paris, 2012, p. 113.

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reconnaissable. Il y aura donc une dégradation et une dévalorisation de l'héritage. Le patrimoine aura une autre identité relative à l'oubli du passé, de trace et à l'invention de valeur culturelle. Dire que ce qui a été produit au passé ne sera plus reconnu au présent. Dans cette perspective, il ne serait plus universel et sacré. Il ne constitue plus un produit préservé et conservé dans le passé.

Dans une démarche conceptuelle, le patrimoine peut être défini comme étant la construction d'une nouvelle identité. L'héritage ne sera plus d'ordre identitaire, mémoriel et symbolique. Le patrimoine ne répond plus à une mise en mémoire. En revanche, il répond à une mise en oubli du passé. Dans le même ordre d'idées, nous trouvons l'absence de temporalité et la rupture avec la mémoire. Cette dernière sera reconnue par la production de nouveaux signes symboliques. Dans ce sens, le « turâth » et le patrimoine mettent en exposition la construction d'une nouvelle identité. Dans ce sens également, ils seront donc reconnus par la création d'une autre culture qui rompt avec le passé.

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