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La sous-culture des gangs

Dans le document Les gangs de rue en prison (Page 134-137)

CHAPITRE IV : LES MEMRBES DE GANGS DE RUE EN DÉTENTION PROVINCIALE

I. Théorie de l’importation et gangs de rue

1.2 La sous-culture des gangs

Tout d’abord, la littérature nous renseigne sur le fait que les gangs de rue entretiennent dans la communauté une sous-culture délinquante. Les auteurs qui se sont penchés sur cette question mentionnent que les gangs de rue fonctionnent selon un « code of the street » et le respect serait la valeur la plus fondamentale de ce code

(Decker et Van Winkle, 1996). Nawojczyk (1997) illustrait cette sous-culture des gangs selon le modèle des « trois R », c’est-à-dire la réputation, le respect et les représailles/revanches. Cette sous-culture influencerait alors le mode de fonctionnement du gang dans la communauté. La réputation serait extrêmement importante au sein des gangs et le fait de commettre des crimes ou de causer des blessures physiques, particulièrement envers des membres rivaux, serait primordial à l’acquisition d’une réputation (Nawojcyk, 1997). Le respect serait recherché par tous les membres de gangs et un manque de respect envers quiconque faisant partie du gang mènerait au troisième R, les représailles. Dès qu’un manque de respect est perçu, des représailles s’ensuivraient afin de rétablir la réputation et ainsi réinstaurer le respect (Nawojcyk, 1997).

D’une part, il semble que les gangs de rue que nous avons rencontrés possèdent dans la communauté un « code of the street » dont le respect est la valeur la plus fondamentale. D’autre part, ceux-ci semblent aussi s’inscrire dans la sous-culture des « trois R ». En effet, nos interviewés mentionnent que l’obtention du respect de ses pairs est synonyme de gagner sa place au sein du gang. Pour gagner le respect du groupe, les futurs membres doivent faire leurs preuves, généralement par le biais de gestes violents pour éventuellement établir leur réputation. L’ensemble de nos données démontrent qu’en prison, le respect de chacun des membres du gang est primordial, que le fait de s’attaquer à un membre notoire d’un groupe ennemi permet d’être propulsé dans la hiérarchie du gang et d’établir sa réputation, et que, tout manque de respect perçu peut entrainer des représailles. Enfin, tous ces éléments permettent d’établir que la sous- culture des « trois R » est importée dans le système carcéral.

Par ailleurs, certains auteurs démontrent qu’en prison, le gang doit faire preuve d’une extrême loyauté (Ralph et al., 1996 dans Curry et Decker, 2003) et d’une extrême discrétion (Fong et Buentello, 1991) pour en assurer le bon fonctionnement.

Selon nos données, il existe une forme de loyauté entre les chefs de gangs qui ont un rôle de formateur et leurs soldats. D’une part, le fait de démontrer sa loyauté au

regroupement permet l’obtention d’une forme de respect de la part des autres membres du gang et permet d’établir sa réputation. D’autre part, les gangs de rue sont menés par la loi du silence. Il apparait clair que cette forme de silence au sein des gangs de rue a pour but de protéger les membres, éviter la délation et maintenir une forme de loyauté entre les membres. Ainsi, il ressort de l’analyse de nos données qu’en prison, les gangs de rue importent cette loyauté.

Irwin et Cressey (1962) démontrent que le maintien des valeurs délinquantes favoriserait l’existence d’un code, de valeurs et d’une sous-culture en prison. De ce code entre détenus, on peut dégager cinq aspects fondamentaux : être loyaux entre détenus, garder son sang-froid, ne pas s’exploiter entre détenus, faire preuve de courage et ne jamais faiblir face à l’ennemi, et finalement ne pas frayer avec l’ennemi, en l’occurrence les gardiens de prison et la direction (Sykes et Messinger, 1960). Ces mêmes auteurs montrent que les prisonniers qui manquent aux codes des détenus peuvent se faire punir, sans aucune autre forme de procès. Ainsi, ce code met l’accent sur la solidarité et la cohésion des détenus, sans quoi il ne pourrait exister. Comme nous l’avons vu dans la recension des écrits, le code de détenus tel que décrit par Sykes et Messinger dans les années 1960, tend à disparaitre de nos jours.

Nous retrouvons dans nos entrevues des éléments qui nous indiquent que les membres de gangs de rue, pour leur part, adhèrent globalement au code de détenus tel que décrit par Sykes et Messinger (1960). D’abord, nos entrevues nous renseignent sur le fait que les membres de gangs de rue participent, lorsqu’il le faut, aux batailles afin de ne pas être perçus par les autres détenus comme étant faibles et exploitables. Ainsi, que le membre de gang pense gagner ou perdre la bataille, il garde son sang-froid, fait preuve de courage et se lance dans la bataille. De plus, rappelons-nous qu’il ressortait clairement de nos entrevues que les membres de gangs de rue voyaient les gardiens de prison comme le groupe ennemi, que ces deux groupes étaient clairement séparés en prison et que les contacts étaient maintenus au minimum. Enfin, nos entrevues démontrent qu’un détenu membre de gang qui ferait preuve d’un manque de loyauté envers son gang pourrait se faire violenter.

Ainsi, il est possible de faire un parallèle entre la sous-culture des gangs de rue dans la communauté, comprenant leur « code of the street » et la notion des « trois R », et le code de détenus en prison puisque les valeurs de la sous-culture des gangs de rue rejoignent, comme nous l’avons montré, celles du code de détenus. Les gangs de rue importent leur sous-culture en prison ce qui favorise leur adhésion au code de détenus. Toutefois, si les gangs adhèrent au code de détenus, il semble que cela ne soit qu’en partie. En effet, nos données démontrent que le code est appliqué à l’intérieur du gang, mais pas nécessairement vis-à-vis les non-membres.

Dans le document Les gangs de rue en prison (Page 134-137)

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