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CHAPITRE 4 : STRATÉGIES D’ADAPTATIONS DES MIGRANTS MUSULMANS

2. Adaptation cultuelle des membres

2.1 Croyances et religiosité

La totalité des personnes rencontrées lors de ce terrain partage les croyances constituant le fondement de l’Islam. Cette religion s’appuie sur deux sources scripturales fondamentales : le Coran et la Sunna. Le Coran contient le recueil de la révélation orale que le prophète Mahomet a reçue d'Allah par l'intermédiaire de l'archange Gabriel au cours des 23 années que dura cette révélation. Pour sa part, la Sunna contient les paroles et les actes du Prophète pendant sa vie. Il est important ici de préciser la différence entre le Coran, qui est une transcription de la révélation divine et est par conséquent la parole de Dieu, et la Sunna, qui regroupe les propos et actes du Prophète tel que collectés et relatés après sa mort par ceux qui l’ont côtoyé. Les croyances de l’islam prennent d’abord forme dans la reconnaissance et l’affirmation, par le fidèle, du concept de « tawhid ». Ce terme est utilisé

pour désigner l'unicité de Dieu, principe central de l'islam. Parallèlement à ce concept, les piliers de l'islam « arkan al-islam »43 constituent des préceptes fondamentaux obligatoires et forment l’ossature de l’islam. Ils sont considérés comme essentiels à la foi musulmane par l’ensemble des personnes rencontrées.

De plus, le sens du rituel dans l’islam est caractérisé par deux notions fondamentales selon nos répondants; la soumission et la transcendance. Pour Hamza, la notion de soumission n’est pas interprétée de façon péjorative, mais plutôt « comme une humilité envers les choses »44 et les évènements que l’être humain ne peut contrôler; c’est donc aborder avec respect ce qui est plus grand que nous, en l’occurrence Dieu. Pour nos répondants, le dogme fondamental dans l'islam consiste donc à affirmer, à proclamer, à témoigner que Dieu est unique et que Mohammad est son envoyé. Le croyant doit s’y soumettre. Toutefois, cette vision universelle de l’islam peut se manifester différemment selon chaque tradition religieuse. Certes, l’islam peut s’exprimer sous des formes diverses, mais ne constitue toutefois qu’une variante à l’intérieur d’une réalité globale. À l’intérieur de la mosquée, les musulmans de la région constatent quotidiennement cette diversité à l’intérieur de l’islam.

En effet, par exemple, Karim considère que sa pratique religieuse est plus importante que son travail. Ainsi, les horaires chargés sont contraires aux pratiques rituelles quotidiennes, le travail choisi devra donc prendre en considération le rythme imposé par ses pratiques. En contrepartie, Yamin croit que la souplesse de l’islam lui permet d’accommoder ses pratiques avec l’horaire souvent chargé que lui impose son travail. Dans ce cas, les prières de la journée seront rapportées après les heures de travail. De plus, il considère que la pratique religieuse ne devrait pas l’empêcher de maintenir sa

43La shahada (acte de foi), la salat (prière), le sawm (jeûne), la zakat (aumône) et le hajj (pèlerinage).

44 Les choses évoquées font références principalement aux aspects naturels, aux forces de la nature (montagnes, vents,

responsabilité de soutenir économiquement sa famille; notion, selon lui, également très importante dans l’islam.

La migration peut également être un prétexte pour repartir sur de nouvelles bases afin de réorienter sa vie en fonction des normes établies par l'islam. Amin est nouvellement arrivé dans la région; sa vie est désorganisée et il ne semble pas avoir les outils nécessaires pour encadrer son quotidien. Sa nouvelle situation à Saguenay l'encourage donc à réorienter sa vie et l'islam est la voie prise pour y arriver. De plus, Amin n'a jamais vraiment eu l'occasion au pays d'origine de lire le Coran. Lorsqu'il avait besoin de conseils, il se référait à l'imam de la mosquée. Étant donné que la mosquée à Saguenay n'a pas d'imam, Amin est amené à se référer par lui-même aux différents textes du Coran tout en ayant la possibilité d’en discuter avec les autres membres de la mosquée.

« C’est vraiment bien pour faire la prière, pour rencontrer des gens et puis on peut lire le Coran, il y a des Corans, sérieux moi j’ai jamais fait ça. Je crois que ce que j’ai fait maintenant comme salat45, je crois que je ne l’ai jamais fait dans ma vie. C’est vraiment bien, j’apprends à lire le Coran, c’est bien. » (Amin, marocain, étudiant)

L’importance de la communauté dans la trajectoire religieuse de ceux qui fréquentent la mosquée est soulevée par l’ensemble des répondants. Le rôle que joue la communauté en est principalement un d’apprentissage mutuel, de soutien au niveau du cheminement spirituel de chacun. Cette forme d’apprentissage est plutôt informelle, toutefois, chacun y reconnaît une importance particulière.

Les changements dans l’islam n’auraient donc rien à voir avec une réévaluation des dogmes. Selon nos observations, les changements se situent davantage au niveau de la

religiosité du croyant. C’est-à-dire la manière dont le croyant construit et vit sont rapport à la religion. C’est le rapport personnel qu’il entretient avec la religion, la manière dont il met en scène la pratique de sa foi, plutôt que le contenu des dogmes, qui évolue. Dans la prochaine section, nous explorerons, avec des exemples concrets issus de notre terrain, la manière dont les musulmans de la région vivent l’islam.