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0.3 Modèle d’étude : les systèmes agro-sylvo-pastoraux d’Afrique de l’Ouest (SASP-

0.3.3 Croissance démographique, autosuffisance et intensification écologique

Longtemps, les besoins en terre cultivée liés aux besoins alimentaires ont permis de conserver de grands espaces de pâturage pour les troupeaux et de mettre en place des périodes de jachères

longues au sein des rotations. L’accroissement démographique (World Bank,2016) et la séden-

par l’augmentation de main-d’œuvre) : la surface de terres consacrées à la production céréalière en Afrique subsaharienne a été multipliée par deux en 50 ans, passant d’environ 50 millions à

plus de 100 millions d’hectares (World Bank,2016). L’augmentation de l’espace cultivé a été la

principale variable d’ajustement permettant de répondre aux besoins alimentaires en l’absence d’augmentation des rendements. L’espace devient un facteur limitant et sa gestion un levier majeur pour l’optimisation de la production agricole.

L’utilisation des intrants en Afrique de l’Ouest est faible comparée à celle des pays du Nord ou des pays ayant mis en place des politiques de type « révolution verte ». La faible utilisation d’intrants en Afrique de l’Ouest vient de la difficulté d’accès pratique et économique. Les intrants ont surtout été utilisés pour les cultures de rente comme l’arachide ou le coton, car

ils ont bénéficié de subventions de politique agricole (Casswell,1984;Dahou,2008).

L’intensification écologique est une notion assez récente (Cassman, 1999; Griffon, 2009;

Doré et al., 2011;Bonny, 2011) dont l’objectif est d’augmenter la production agricole tout en préservant l’environnement d’effets négatifs tels que l’eutrophisation ou la diminution de la biodiversité. La transition vers des systèmes de culture durables et performants est intimement liée à la fermeture des cycles biogéochimiques. Cette fermeture est notamment associée à une meilleure gestion des ressources naturelles et des services écosystémiques à l’échelle des agro- écosystèmes afin de limiter les besoins en sources extérieures de nutriments (par exemple : apport en matière organique). L’utilisation de légumineuses, le recyclage des nutriments et une meilleure intégration agriculture-élevage sont autant de leviers au service de ce bouclage des

cycles biogéochimiques (Peyraud et al.,2015).

En ce sens, l’intégration de l’agriculture et de l’élevage tel qu’il s’est établi au fil des siècles dans les SASP-AO peut apparaître comme un système agro-écologique performant. Cependant face aux déséquilibres liés à la croissance démographie et dans un contexte de changement climatique, des questions se posent quant à l’intensification de la production agricoles dans ces systèmes à partir de son organisation originelle.

0.4 Objectif général de la thèse

Mon travail de thèse a pour objectif une meilleure compréhension des mécanismes affectant la productivité et la durabilité des systèmes agro-sylvo-pastoraux d’Afrique de l’Ouest et de mieux appréhender les conséquences du changement d’usage des sols sur les stocks et les flux de nutriments. Il s’agit plus précisément d’étudier les leviers permettant de conduire à une productivité suffisante et durable.

Les pratiques agricoles sont les leviers des agriculteurs pour modifier le fonctionnement de l’agro-écosystème. La manière donc ces pratiques affectent le fonctionnement de l’agro- écosystème nous a amené à les classer en plusieurs catégories. Dans ce manuscrit, nous nous intéresserons à deux types de pratique que nous avons appelées : (1) les pratiques organisa-

tionnelleset (2) les pratiques d’interconnexion. La première catégorie comprend les pratiques qui affectent l’organisation spatiale et temporelle de l’agro-écosystème : par exemple la durée de rotation, la durée de jachère dans la rotation et le rapport des surfaces entre les différentes composantes spatiales de l’agro-écosystème. La seconde catégorie comprend les pratiques qui affectent les flux de nutriments entre les différentes composantes de l’agro-écosystème tels que l’ajout d’engrais ou les flux liés au bétail.

Nous nous intéresserons à trois leviers particuliers que nous avons identifiés comme per- tinents : (1) la durée de rotation des cultures ainsi que la durée de jachère dans une rotation peuvent en effet influer sur la productivité totale de l’agro-écosystème, (2) la gestion du bé- tail parce qu’elle impacte directement les transferts de nutriments dans l’agro-écosystème et (3) l’effet des différentes sources d’apports de nutriments dans l’agro-écosystème (engrais chi- miques, fumure organique ou supplémentation alimentaire au bétail).

L’influence de ces pratiques agricoles gérant la restauration de la fertilité (jachère, engrais) et les transferts de fertilité (mouvements du bétail) sont a priori très dépendantes des surfaces des composantes spatiales. En effet, selon les rapports des surfaces sources et puits, les flux vont tantôt mener à la concentration ou à la dilution de nutriments. Une manière d’étudier les interactions entre ces leviers est d’étudier leur impact quand les surfaces de chaque composante spatiale varient pour une surface totale constante.

Pour étudier les leviers nommés ci-dessus, nous avons choisi de développer et d’analyser des modèles biogéochimiques de type stocks-flux, à l’échelle d’un agro-écosystème, en pre- nant en compte les différentes composantes spatiales. Nous nous positionnons dans la lignée des auteurs qui considèrent qu’il s’agit d’outils intéressants pour étudier les agro-écosystèmes (Walters et al., 2016). Un des enjeux de cette thèse est donc d’adapter le cadre théorique déve- loppé pour les écosystèmes naturels aux particularités des agro-écosystèmes.

Pour utiliser avec succès les modèles de compartiments en agro-écologie, les modèles doivent être adaptés aux caractéristiques spécifiques des agro-écosystèmes. Comme nous l’avons vu précédemment, les SASP-AO présentent une structure spatiale forte. Nous avons choisi la re- présentation en méta-écosystème car cela nous a paru être un moyen simple mais pertinent pour appréhender l’hétérogénéité des systèmes agro-sylvo-pastoraux, pour en étudier le fonctionne- ment local (à l’échelle d’une composante spatiale) et global (à l’échelle de l’agro-écosystème) grâce notamment à l’étude des relations sources-puits. Par ailleurs, les agro-écosystèmes sont caractérisés par une dynamique temporelle forte intra-annuelle avec les pratiques saisonnières (par exemple, par la récolte et l’exportation des cultures, les semis, l’application d’engrais ou la gestion du bétail) et inter-annuelles avec des changements d’usage des terres tels que le passage d’une culture à une jachère. Pour identifier l’organisation des agro-écosystèmes et les pratiques qui optimisent la productivité des cultures, il est essentiel d’accorder beaucoup d’attention à l’échelle de temps à laquelle les mécanismes sont incorporés dans le modèle. De même, en ce qui concerne la structuration spatiale, une grande attention doit être accordée à l’identifica- tion des composantes spatiales pertinentes de l’agro-écosystème (par exemple, les jachères, les

champs de culture . . .) et les flux qui les relient (par exemple, les transferts de nutriments liés au déplacement du bétail à travers l’agro-écosystème).

PourMazoyer(1985), le terme générique système agricole désigne « l’ensemble des no- tions et concepts par lesquels on prétend appréhender les processus de production agri- cole, leurs transformations et leurs variations » (Pour aller plus loin sur les définitions de

systèmes de production, voirBrossier,1987).

Dans la suite de ce manuscrit, les systèmes d’intérêt seront simplement appelés agro- écosystèmes. Cette dénomination a été choisie pour mettre en avant l’approche écolo-

gique des systèmes agricoles (voir le concept d’agro-écosystème par Gliessman, 2015).

En fonction de l’écosystème étudié, il est plus ou moins facile de définir ses limites phy- siques (ou frontières). Ici, l’agro-écosystème (de type SASP-AO) est un écosystème sous forte pression anthropique dont la fonction d’intérêt principale est la production agricole. L’agro-écosystème est constitué d’un ensemble de sous-systèmes par lesquels circulent les nutriments liés à la production végétale ou animale. Ses limites sont définies spatialement comme l’ensemble des terres appartenant à un village.

Chaque chapitre correspond à l’étude d’un modèle de méta-écosystème différent, mais chacun représente un agro-écosystème ; ils diffèrent par leur degré d’abstraction par rap- port à la réalité. Ainsi dans certains modèles certains compartiments seront implicites. L’étude de modèles différents est liée aux questions différentes auxquelles on a cherché à répondre.

Encadré 7 : Systèmes agronomiques : dénominations

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