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Les critiques du modèle français : entre diversité et besoin d’homogénéisation

2. L’IDENTIFICATION DES LEVIERS FINANCIERS ET INSTITUTIONNELS :

2.2 Le recensement des leviers français

2.2.3 Les critiques du modèle français : entre diversité et besoin d’homogénéisation

Après avoir passé en revue les principaux points venant encadrer les leviers financiers français, il est nécessaire de procéder à une analyse de ces derniers.

Tout   d’abord,   il   est   frappant   lors   du recensement des leviers français, de constater le nombre important des mécanismes de soutien à disposition des acteurs privés et publics. 90 leviers sont en effet répertoriés en France. Ce nombre est tout à fait impressionnant sachant que la France est un état centralisé contrairement à la Belgique ou à la Suisse. Par conséquent, si dans les états fédéraux, chaque niveau administratif peut avoir la possibilité de proposer des leviers selon ses champs de compétences, il est courant de retrouver  au  sein  d’entités de même niveau, tels les cantons, des leviers portant sur la même thématique, le même sujet, mais ne se différenciant que par leur nom ou leurs conditions  d’applications.  Lors  de  la  comptabilité  des  leviers  pour  un  état  fédéral, où les leviers fédéraux sont additionnés aux leviers cantonaux ou régionaux, il est possible de trouver des doublons, c'est-à-dire comptabiliser pour une thématique plusieurs leviers s’y   rapportant. La   production   d’électricité   à   partir   d’énergie photovoltaïque est un exemple. En  France,  ce  genre  de  duplication  n’apparaît  pas.  La  comptabilité  des  leviers   français est basée sur ce qui est proposé par les différents ministères et organismes publics   associés.   Même   si   certains   organismes   comme   l’ADEME   laissent   la   responsabilité à leurs délégations régionales de fixer et de mettre en pratique les conditions  d’accès  à  ces  aides,  il  est  toujours  question  du  même  levier,  quel  que  soit  le   lieu   du   demandeur.   Les   leviers   recensés   sont   donc   d’origine   centralisée   et   mise   en  

pratique régionalement.  Le  nombre  d’aides  financières  proposées  par  les  acteurs  publics   est  supérieur  en  France  par  rapport  aux  autres  pays  de  l’étude.  

Ensuite, en ce qui concerne la nature des leviers recensés, 13 classes et 19 sous-classes apparaissent en France. Cette diversité démontre une volonté politique à développer de manière globale et transectorielle les programmes environnementaux auprès des acteurs privés et publics. La culture de la transversalité est frappante.

Les  différentes  classes  font  l’objet  d’une  distribution  irrégulière.  Bien  que  l’« Énergie », le « Transport de marchandises et de personnes », les « Déchets et flux sortants » ainsi que la « Démarche intégrée »  soient  les  plus  représentées,  d’autres  classes telles que le « Sol »   ou   l’« Air » sont peu supportées. Malgré cette irrégularité, la France soutient globalement bien  l’ensemble  de  ces  classes.

De plus, en ce qui concerne la cohérence entre les discours politiques et les actions de soutiens effectives, un certain déséquilibre doit être relevé. En France, le développement inégal des mesures de soutien apporté aux différents domaines environnementaux se déroule en même temps que la multiplication de ces derniers. Autrement   expliquée,   la   volonté   politique   de   soutenir   le   maximum   d’initiatives   environnementales induit une inégalité de traitement dans la transversalité recherchée des stratégies (Lacroix et al., 2010).   L’auteur   indique   que   la   priorisation   de   l’intérêt   économique  et  de  l’intérêt  public  est  la  cause  de  ces  inégalités  (ib.). La défense de cet intérêt public ainsi que les tergiversations rencontrées lors des différentes rencontres internationales, comme celle de Copenhague en 2010, sont pointées comme les raisons pour   lesquelles   la   France   n’a   pas   mis   à   exécution   l’ensemble   de   ces   actions   environnementales  (Szarka,  2011).  Ce  réservoir  d’actions  environnementales  attendant d’être   appliqué,   est   également   mentionné   dans   l’ouvrage   Écologie, 1980-2010 : de l'exception française à la normalisation (Bourg et al., 2010).

Cependant, la répartition du nombre de leviers par sous-classes est réalisée de manière plus  homogène  que  dans  d’autres pays. En effet, même si les sous classes « Recherches, développement et innovation » et « Études, conseils et concrétisation » se voient gratifier du plus grand nombre de leviers, les autres sous-classes ne sont pas sous représentées. Cette distribution prouve que les efforts entrepris par les pouvoirs publics sont  globalement  bien  répartis  entre  l’ensemble  des  projets  environnementaux  possibles.   Une  approche  systémique  est  donc  privilégiée  au  détriment  d’une  approche  plus  ciblée.  

Ensuite, l’évolution   de   la   politique   environnementale nationale doit également être analysée.  En  France,  les  leviers  environnementaux  actuels  sont  le  fruit  d’une  évolution   des politiques publiques incrémentale :   phase   d’émergence   (1971-1977); phase de consolidation (1978-1990) et phase de recomposition (1991-2005) (Halpern, 2007). L’UE   a   agi   depuis   1970   comme   un   réel   accélérateur   et   soutien   des   programmes   nationaux (Lascoumes, 2008). Toutefois, le caractère innovant de ces leviers est remis en cause (Halpern, 2007). En effet, les mesures de soutiens et   d’obligations   n’ont   de   nouveau   que   leur   application   au   domaine   de   l’environnement   et   résultent   in fine de techniques   préexistantes   remodelées   pour   s’intégrer   au   contexte   actuel   (ib.). Ce reproche est dû au « paradigme de la politique traditionnelle limitant la capacité d’innovation  des  nouveaux  instruments » (Szarka, 2003).  L’auteur  prend  l’exemple  de   la   thématique   de   l’eau,   dans   laquelle   les   lobbys   et   la   présence   d’acteurs   historiques   puissants  viennent  freiner  l’innovation  dans  la  gestion  des  eaux  (Lacroix et al., 2010). Ces critiques sont relativisées par Lascoumes (2008) qui indique que de fortes innovations  ont  été  effectuées  depuis  1990  dans  le  domaine  de  l’environnement.

De  la  même  manière,  l’intégration  des  différentes  parties  prenantes  au  sein  du  processus de développement durable, dénommé Grenelle   de   l’environnement, est à nuancer. La concertation instaurée au sein de ces acteurs afin de prendre les décisions est subordonnée finalement à la décision des pouvoirs publics (Laville et Dubreuil, 2008). Les   auteurs   parlent   d’ailleurs   plus   volontiers   d’une   « démocratie concertée »   qu’une   « démocratie participative ».

Par la suite, les facteurs   d’inefficacité   et   les   pistes   prioritaires d’actions   peuvent   être   soulignés.  Effectivement,  l’ensemble  de  ces  critiques  amène  à  relativiser  sur  l’efficacité   des   mesures   de   soutien   existantes.   L’Institut   Français   de   l’Environnement a indiqué dans son rapport   d’octobre   2006   que   la   situation   environnementale   en   France   ne   s’améliorait  pas  et  résultait  de  plusieurs  facteurs  combinés. Le maintien des modes de vie   non   responsables   et   l’inefficacité   de   certaines   mesures   de   soutiens,   comme   par   exemple celles relatives à la qualité des eaux souterraines en sont les principaux facteurs (Institut  Français  de  l’Environnement, 2006).

Les  pistes  prioritaires  d’amélioration  en 2008 concernaient la biodiversité, la politique énergétique et les transports (Lascoumes, 2008). D’après  le  recensement  des  leviers,  les   efforts semblent avoir été effectués pour   l’énergie   et   le   secteur   des   transports.   La priorité donnée aux actions en faveur de la biodiversité est réitérée en 2011 par la

Commission du Développement Durable   et   de   l’Aménagement du Territoire selon laquelle ce domaine devrait  faire  l’objet  d’une  « obsession » et nécessiterait un soutien politique « fort et impératif » (Commission   du   développement   durable   et   de   l’aménagement  du  territoire, 2011).

Par ailleurs, un article  a  d’ailleurs  mis  en  évidence  que  la  France  a  atteint  en  2011,  des   résultats réels bien que modestes en termes d'objectifs climatiques (Szarka, 2011). La courbe de Kuzsnets est un des autres points illustrant les efforts entrepris par la France pour réduire ses impacts environnementaux. Présentée dans un article de Baechler (2009), cette courbe démontre que le rapport entre croissance économique et émissions de CO2 est pour la France, un des meilleurs au niveau mondial.

De manière générale, les efforts français en termes de soutiens pour le développement d’initiatives   environnementales   s’appuient   sur   une   base   transversale et intégrée de stratégies et de coopération multiacteurs.   L’ensemble   de   ces   efforts   traduit   bien   les   volontés politiques affichées. Le développement homogène des domaines environnementaux et des secteurs d’activités,   ainsi   que le renforcement de la participation   de   l’ensemble   des   parties   prenantes   aux   décisions stratégiques, sont les pistes  d’amélioration  proposée.  En outre,  l’écologie  industrielle  peut se développer en France  en  s’appuyant  sur la grande diversité des leviers financiers, qui sont autant de pistes  d’entrée  dans  lesquels  ce  domaine  peut  être intégré.

L’étude  de  la  Belgique,  qui  est  un  autre  EM,  va  permettre  de  repérer  si  celui-ci suit les mêmes tendances que la France.