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La zone critique est donc une interface dynamique, lieu de nombreux processus physiques, chimiques et biologiques plus ou moins rapides pouvant aller de la seconde à des milliers d’années

(Figure 1). Cette zone critique fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques souvent

pluridisciplinaires étant donné que cette interface ne s’arrête pas à une seule spécialité ou une seule

discipline. Les processus complexes s’emmêlent, se mélangent et interagissent de manière plus ou moins

connue. D’après le National Research Council (2001), les processus peuvent être divisés en 4

catégories :

- Les processus tectoniques alimentés par l’énergie du manteau et produisant des failles, des

soulèvements ou encore des affaissements,

- Les processus d’altération ayant un impact sur le développement du sol et de son érosion

- Les processus de transport permettant une redistribution des matériaux et la formation des

paysages

- Les processus liés aux activités biologiques au niveau des sols, des roches, de l’air et de

l’eau.

La zone critique désigne la pellicule la plus externe de la planète Terre qui s’étend de la surface

à la roche mère non altérée (Gaillardet et al., 2018). La diversité de structure et de composition des sols

induit une grande variabilité et diversité dans les processus biogéochimiques. Comme l’indique la Figure

1, l’eau a un rôle primordial dans le transport et la réaction des processus des grands cycles

biogéochimiques. L’Homme peut avoir une plus ou moins grande influence sur ces processus. Certains

scientifiques commencent même à évoquer l’influence de l’Homme sur les processus géologiques en

utilisant le terme d’anthropocène (Crutzen, 2006; Steffen et al., 2007).

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Figure 1: Fonctionnement de la zone critique à l’échelle du bassin versant et principales disciplines scientifiques qui l’étudient.

La zone critique est la fine couche poreuse à la surface de la terre. Elle est située entre l’atmosphère et la roche mère non

altérée. (Tirée de Gaillardet et al., 2018).

2. Qu’est-ce qu’un cours d’eau ?

Tout le monde sait, a priori, ce qu’est un cours d’eau, un ruisseau, une rivière ou encore un

fleuve. Cependant, ces définitions ne sont ni explicites ni communes en particulier dans le milieu

juridique. Au fil des siècles, les géologues et les géographes ont peu à peu réussi à ancrer le terme « cours

d’eau » désignant des « eaux courantes ou courants d’eau » (Lévêque, 2016). La loi sur la biodiversité

(Loi n° 2016-1087, 2016) donne une des définitions les plus récentes en caractérisant un cours d’eau

comme étant l’« écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et

présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année » (L. 215-7-1). Une rivière se différencie par

rapport au cours d’eau dans sa relation à l’Homme comme le démontre Julian Rzóska dans « On the

Nature of Rivers » (Rzóska, 1978). Par ailleurs, l’Encyclopédie de Diderot différencie les termes

ruisseau, rivière et fleuve par rapport à leur taille (Diderot, 1780). Un ruisseau y est défini comme une

eau courante trop faible pour porter des petits bateaux, une rivière comme ayant un courant assez fort

pour le transport de petits bateaux tandis qu’un fleuve va pouvoir transporter d’importants bateaux. Ces

définitions ont évolué, mais le principe reste le même. Les géographes français définissent un fleuve

comme un cours d’eau se jetant dans un océan ou une mer (incluant les mers intérieures comme la mer

morte ou le lac Tchad) (Lévêque, 2016) alors qu’une rivière est définie comme se jetant dans une autre

rivière ou dans un fleuve. Si autant de termes sont employés pour désigner un cours d’eau, c’est parce

que les cours d’eau prennent une place importance, encore aujourd’hui dans notre société. En effet, un

cours d’eau est exploité et étudié du ruisseau à l’embouchure.

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3. Le statut des rivières et fleuves en France et en Europe

En France, depuis la loi sur l’eau (Loi n° 92-3, 1992), l’eau fait partie du patrimoine commun

de la nation. Sa protection, son utilisation, sa mise en valeur et son développement sont d’intérêt général.

Ce principe remonte déjà à l’époque carolingienne avec les voies navigables qui appartiennent au

pouvoir royal. Les lois de la révolution actent que l’eau n’appartient à personne. Cependant, les lois pour

la protection de l’eau et pour la régulation de l’exploitation des ressources sont créées au lendemain de

la Seconde Guerre mondiale à la suite d’épisodes de pollutions qui deviennent une préoccupation

majeure. La gestion de l’eau est décentralisée par bassin hydrographique depuis la loi de 1964 (Code de

l’environnement - Article L213-2, 2007 ; Loi n° 64-1245- Article 13, 1964) qui met en avant le principe

pollueur-payeur. Ce n’est qu’à partir de 1980 que la sensibilité écologique se développe dépassant le

simple fait de la pollution. Des termes comme « milieu aquatique », « écosystème », « gestion globale »

et une décennie plus tard « services écosystémiques » et « fonctions écologiques » sont apparus. Ces

termes sont issus de travaux scientifiques qui démontrent la résilience d’un système aquatique face à la

pollution et son rôle dans la dépollution. Encore aujourd’hui, même si les lois environnementales sont

floues et tendent à être précisées, la gestion de l’eau est, malgré tout, contrôlée et préservée par les

institutions. Le statut des cours d’eau français est, depuis les années 2000, soumis à la législation

européenne : la Directive Cadre sur l’Eau (DCE , Directive 2000/60/CE, 2000) et la Directive Nitrates

(Directive 91/676/CEE, 1991).

En Europe, il existe 150 rivières transfrontalières ne prenant pas en compte les politiques

frontalières (Whitton, 1984). C’est le cas du Taje en Espagne et au Portugal qui alimente deux capitales

européennes : Lisbonne et Madrid. L’Europe, depuis 1975, a mis en place une politique de lutte contre

la pollution des eaux et la dégradation des milieux aquatiques (Directive 76/160/CEE, 1976). La création

de la DCE, dans un souci d’harmonisation et de simplification des politiques de l’eau, oblige les Etats

membres à atteindre, avant 2015 (maintenant 2020), un bon état écologique de leurs cours d’eau

(Décision (UE) 2017/848, 2017). En effet, la majorité du réseau hydrique européen est fragmentée,

canalisée et polluée par l’activité anthropique (EEA Report, 2018a; Nilsson et al., 2005; Petts et al.,

1989; Tockner and Stanford, 2002). Depuis 2000, l’ensemble des lois françaises sur l’eau mis en place

intègre les recommandations de la Directive Cadre Européenne (Loi n° 2006-1772, 2006). Toujours

dans un souci d’harmonisation, l’Union Européenne a financé des études et des recherches sur

l’environnement, le climat et les habitats naturels.

En Europe, la région la plus vulnérable en termes de ressource en eau et au maintien de sa qualité

est la région du Sud-Ouest européen englobant l’Espagne, le Portugal et le sud de la France. Cette région

possède un climat plus aride et est soumise à davantage d’épisodes de sécheresse face au changement

climatique (EEA Report, 2018a; Smakhtin et al., 2004). La gestion de la qualité et de la quantité est une

problématique actuelle et récurrente des gestionnaires de cette région qui doivent gérer de façon

optimale l’approvisionnement en eau de la population, mais également des secteurs primaires

(agriculture), secondaires (industries) et tertiaires (tourisme) (Romero et al., 2013a). Dans les régions

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semi-arides, la gestion de la ressource en eau est sujet à controverse (Aldaya et al., 2010) . En effet, une

mauvaise gestion de la ressource amplifie les problèmes de rareté de la ressource (Aldaya et al., 2010).

D’autant plus que la région du Sud-Ouest de l’Europe est une région touristique, en particulier l’été,

quand le manque d’eau se fait le plus ressentir (Cazcarro et al., 2014). Depuis de nombreuses recherches

tentent de résoudre et d’apporter des solutions de la gestion de la ressource en eau dans cette région

(Lecina et al., 2010; Paredes et al., 2010). D’autant plus que le changement climatique, l’augmentation

de la population et les activités anthropiques associées augmente le risque de détérioration de la quantité

et de la qualité de l’eau (Raimonet et al., 2018a; Roudier et al., 2016). Ces détériorations sont associées

à la disparition des écosystèmes, des services écosystémiques associés (Smakhtin et al., 2004), voire à

une modification des régions biogéographiques. Le Sud-Ouest européen est divisé en quatre régions

biogéographiques, décrivant les habitats types et les espèces vivantes sous les mêmes conditions, et en

onze écorégions caractérisées par le climat, la topographie et la botanique selon l’Agence Européenne

pour l’Environnement (EEA) (Figure 2). Pour toute ces raisons, le Sud-Ouest européen est la zone

d’étude sur laquelle se focalisera cette thèse.

Figure 2: Répartition des écorégions dans le Sud-Ouest européen (adapté de la base de données de l’Agence Européenne pour

l’Environnement (EEA, 2016)). Une écorégion correspond à une zone géographique large caractérisée par un climat, une

topographie, une faune et une flore propre à la zone selon l’EEA.

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4. Un bassin versant : de l’écosystème au paysage