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A Bruit quantique du champ ´electromagn´etique

Le champ ´electromagn´etique poss`ede des fluctuations quantiques intrins`eques, qui constituent une limite fondamentale pour de nombreuses exp´eriences mettant en jeu des mesures optiques [Caves81]. Nous commen¸cons par rappeler d’o`u proviennent ces fluctuations sur l’exemple d’un champ monomode. Nous introduisons les notions d’´etat coh´erent et d’´etat comprim´e du rayonnement avant de passer `a la description d’un champ multimode, description que nous utiliserons dans toute la suite du manuscrit pour ´etudier l’interaction de champs optiques avec des ensembles atomiques. Nous nous int´eressons ensuite aux fluctuations quantiques de ces ensembles atomiques. De mani`ere tr`es similaire au champ ´electromagn´etique, nous pr´ecisons les notions de bruit quantique standard atomique, d’´etat coh´erent et d’´etat comprim´e atomiques. Enfin, nous introduisons la notion d’´etats corr´el´es quantiquement pour des variables continues, et pr´ecisons les crit`eres d’intrication utilis´es dans ce manuscript.

A.1 Fluctuations quantiques d’un champ libre monomode

A.1.1 Repr´esentation de Fresnel

La quantification d’un mode du champ ´electromagn´etique de fr´equence ω dans une boˆıte de volume V conduit `a exprimer le champ en un point donn´e de l’espace en fonction des op´erateurs de cr´eation et d’annihilation d’un photon `a la fr´equence ω

ˆ

E(t) =E0(ˆaωe−iωt+ ˆaωeiωt) = E0³ ˆX cos ωt + ˆY sin ωt´

(1.1)

Dans la relation pr´ec´edente, on a introduit les op´erateurs de quadrature du champ ˆ

X = ˆaω+ ˆaω, Y = i(ˆˆ aω− ˆaω) (1.2)

etE0 repr´esente le champ ´electrique d’un photon de fr´equence ω E0 =

r ~ω

0V (1.3)

Cette d´efinition des op´erateurs de quadrature est identique `a celles des op´erateurs de position et d’impulsion d’un oscillateur m´ecanique quantique. Les quadratures du champ ´electromagn´etique constituent un couple d’op´erateurs conjugu´es, au mˆeme titre que la position et l’impulsion d’une particule. La non-commutation des op´erateurs bosoniques de cr´eation et d’annihilation associ´es - £ˆaω, ˆa

ω¤ = 1 - entraˆıne celle des op´erateurs de quadrature du champ

h ˆX, ˆYi

Cette non-commutation implique que l’on ne peut pas mesurer simultan´ement avec une pr´ecision infinie ces deux quadratures. Ceci se traduit par une in´egalit´e d’Heisenberg pour le produit des incertitudes sur les op´erateurs de quadrature. Les dispersions des r´esultats de mesure de ˆX et ˆY , caract´eris´ees par les variances ∆ ˆX2 =h ˆX2i − h ˆXi2 et ∆ ˆY2 =h ˆY2i − h ˆYi2, ob´eissent `a l’in´egalit´e d’Heisenberg

∆ ˆX2 ∆ ˆY2 ≥ 1 (1.5)

On peut comme pour un champ classique utiliser le rep`ere de Fresnel pour repr´esenter un champ quantique. Classiquement, les quadratures X et Y sont des nombres r´eels qui correspondent aux coordonn´ees de l’amplitude complexe du champ E0e [voir Fig.

1.1(a)]

E(t) =|E0| cos(ωt + φ) = X cos(ωt) + Y sin(ωt) (1.6)

Quantiquement, il existe des incertitudes sur la mesure des quadratures, incertitudes qui sont li´ees par la relation d’Heisenberg (1.5). C’est pour cette raison que nous repr´e-sentons l’´etat quantique d’un champ dans le rep`ere de Fresnel en associant au vecteur donnant la valeur moyenne du champ, une aire de fluctuations. Cette aire traduit l’in-certitude quantique sur la position de l’extr´emit´e de ce vecteur dans le plan de Fresnel. Les variances sont reli´ees `a la largeur de la distribution de probabilit´e du champ.

Y

X

|E |

0

Y

X

|E |

0 ^ ^

Fig. 1.1 – (a) Repr´esentation classique du champ dans le rep`ere de Fresnel. (b) Repr´esentation d’un ´etat quantique : ˆXφ et ˆYφ sont les quadratures d’amplitude et de phase, respectivement.

De mani`ere g´en´erale, on d´efinit le couple de quadratures ( ˆXθ, ˆYθ) obtenu `a partir de ( ˆX, ˆY ) par une rotation d’angle θ dans le plan de Fresnel

ˆ

Xθ = ˆaωe−iθ + ˆaωe (1.7)

ˆ

Ce couple v´erifie ´egalement la relation de commutation (1.4) et les variances de ˆXθ et ˆYθ

satisfont `a l’in´egalit´e (1.5). La d´efinition des quadratures est parfaitement arbitraire ; elle correspond `a un choix de phase dans le rep`ere de Fresnel. Toutefois, parmi tous les couples de quadratures, on d´efinit habituellement les quadratures d’amplitude et de phase [voir Fig. 1.1(b)] en prenant comme r´ef´erence la phase du champ moyenhˆaωi = αe, de telle sorte que les fluctuations du nombre de photons soient proportionnelles aux fluctuations de la quadrature d’amplitude, et celles de phase aux fluctuations de la quadrature de phase (pour des champs suffisamment intenses α2 ≫ 1)

δ ˆN = δ¡ˆa

ωˆaω¢ ≃ αδ ˆXφ (1.9)

δφ ≃ δ ˆYφ (1.10)

On d´eduit des deux relations pr´ec´edentes l’in´egalit´e d’Heisenberg reliant l’incertitude sur la mesure du nombre de photons et la phase du champ

∆ ˆN ∆φ≥ 1/2 (1.11) A.1.2 Etat coh´erent et ´etat comprim´e

Si le champ est dans l’´etat vide, il n’y a pas de direction privil´egi´ee pour les fluc-tuations, et toutes les quadratures ont une variance unit´e :

∆ ˆXθ = 1 ∀ θ (1.12)

Le vide d´efinit alors une r´ef´erence pour les fluctuations quantiques, appel´ee limite (ou bruit) quantique standard.

Un ´etat de r´ef´erence naturel est l’´etat coh´erent (ou quasi-classique). Un ´etat coh´erent |αi est un ´etat propre de l’op´erateur d’annihilation ˆaω, avec la valeur propre α. Il poss`ede les mˆemes fluctuations que le vide. Dans le rep`ere de Fresnel, pour repr´esenter l’´etat coh´erent|αi, on superpose le disque de fluctuations de rayon unit´e au vecteur de coordonn´ees α [voir figure 1.2]. Le vide est l’´etat coh´erent d’amplitude nulle (α = 0). Comme le vide, un ´etat coh´erent est un ´etat minimal pour Heisenberg, c’est-`a-dire que, quel que soit θ le produit des variances des variables conjugu´ees est ´egal `a la valeur minimale autoris´ee par Heisenberg (1.5)

∆Xθ2 ∆Yθ2 = 1 (1.13)

De tels ´etats peuvent ˆetre produits par exemple par un laser fonctionnant tr`es au-dessus du seuil. Comme leurs fluctuations sont les mˆemes que celles du vide, ce sont les ´etats les plus proches des ´etats classiques, d’o`u le fait que ces ´etats soient parfois

qualifi´es de quasi-classiques. Dans la pratique, un faisceau laser dans un ´etat coh´erent poss`ede un bruit d’intensit´e qui est proportionnel `a l’intensit´e. En effet, si l’on mesure la statistique des photons ´emis, celle-ci est poissonienne et la variance du nombre de photons est proportionnelle au nombre moyen de photons

∆ ˆN2 =h ˆNi (1.14)

d’o`u le terme “bruit de grenaille” (shot-noise en anglais) employ´e commun´ement pour d´esigner le bruit quantique standard. Il existe cependant des ´etats dont les fluctuations

|a|

Fig. 1.2 – (a) Etat coh´erent du rayonnement dans le rep`ere de Fresnel. On a ´egalement repr´esent´e le vide, qui est l’´etat coh´erent d’amplitude nulle. (b) Etats comprim´es pour diff´erentes quadratures.

pour une certaine quadrature peuvent ˆetre inf´erieures au bruit quantique standard : les ´etats comprim´es. Pour de tels ´etats, il existe une quadrature θ v´erifiant

∆ ˆXθ2 < 1 (1.15)

Bien entendu, l’in´egalit´e de Heisenberg ´etant toujours respect´ee, les fluctuations de la quadrature conjugu´ee sont quant `a elles sup´erieures au bruit quantique standard

∆ ˆYθ2 > 1 (1.16)

Parmi cette classe d’´etats comprim´es, on peut consid´erer la classe des ´etats minimaux, tels que

∆ ˆXθ2 ∆ ˆYθ2 = 1 ∀ θ (1.17)

A.2 Fluctuations quantiques d’un champ multimode

Nous avons consid´er´e jusqu’ici le cas id´eal d’un champ purement monomode. Ce-pendant, le champ produit par un laser poss`ede une valeur moyenne non nulle sur

une bande ´etroite de fr´equence, mais ´egalement des fluctuations `a toutes les autres fr´equences, puisque chaque mode poss`ede au moins les fluctuations associ´ees `a l’´etat vide de ce mode. Une description compl`ete de l’´etat quantique du champ n´ecessite a priori de prendre en compte les modes du champ `a toutes les fr´equences. En pratique, on mod´elise le champ comme la superposition d’un champ moyen de fr´equence ωL et de modes lat´eraux situ´es dans une bande ´etroite de fr´equences autour de ωL.

A.2.1 D´ecomposition en modes d’un champ libre

D’un point de vue spatial, la structure d’un faisceau laser est gaussienne et il faudrait prendre en compte cette structure transverse pour mod´eliser correctement le faisceau [Fabre96]. Afin de simplifier le probl`eme, on consid´ere une onde d’extension finie sur une section S, dont on n´eglige les variations d’amplitude dans le plan transverse.

D’un point de vue temporel, le champ s’´ecrit comme la superposition d’un mode central `a la fr´equence ωL et de modes lat´eraux avec des fluctuations dont les fr´equences sont contenues dans une bande de fr´equence de largeur ∆ω faible devant ωL1

ˆ E(t) = Z ωL+∆ω/2 ωL−∆ω/2 dω 2π r ~ω 2ǫ0Scaωe −iωt+ ˆaωeiωt) (1.18)

Comme ∆ω ≪ ωL, le champ vaut ˆ E(t)≃ E0 Ã Z +∆ω/2 −∆ω/2 dΩ 2πˆaωL+Ωe−iΩt ! e−iωLt+ h.c. (1.19) avec E0 =r ~ωL0Sc (1.20)

La relation (1.19) fait apparaˆıtre un op´erateur ˆA(t), d´efini par ˆ A(t) = Z +∆ω/2 −∆ω/2 dΩ 2πˆaωL+Ωe−iΩt (1.21)

Cet op´erateur est l’enveloppe lentement variable du champ ´electrique de fr´equence centrale ωL. Le champ se met finalement sous la forme tr`es similaire `a celle d’un champ monomode (1.1)

ˆ

E(t) =E0³ ˆA(t)e−iωLt+ ˆA(t)eLt´ (1.22)

1On utilisera les conventions suivantes pour la transform´ee de Fourier de f et sa transform´ee inverse

f (ω) = Z dt eiωtf (t) et f (t) = 1 Z dω e−iωtf (ω)

Avec cette convention pour E0, h ˆA(t) ˆA(t)i s’interpr`ete comme le flux de photons `a travers la section S consid´er´ee. A(t) est dans ce cas homog`ene `a la racine carr´ee d’une fr´equence2.

Comme dans le cas du champ monomode, les op´erateurs de quadrature se d´efinissent `a partir de la relation

ˆ

E(t) = E0³ ˆX(t) cos ωLt + ˆY (t) sin ωLt´

(1.23)

avec X(t) = ˆˆ A(t) + ˆA(t) (1.24)

ˆ

Y (t) = i( ˆA(t)− ˆA(t)) (1.25)

Les fluctuations quantiques des modes lat´eraux traduisent l’existence de fluctuations quantiques intrins`eques des op´erateurs de quadrature, et sont `a l’origine de leur non-commutation, comme nous allons le voir.

A.2.2 Relations de commutation

Nous avons restreint l’´etude `a un champ de largeur spectrale ∆ω, c’est-`a-dire un champ dont la fonction d’autocorr´elation n’est non nulle que pour des temps inf´erieurs `a 1/∆ω. Dans la pratique, on ne consid`erera que des fr´equences d’analyse petites devant ∆ω, auquel cas il est raisonnable d’approximer la fonction d’autocorr´elation du champ par une distribution de Dirac. Le commutateur entre les op´erateurs enveloppe prend alors la forme [Fabre96]

h ˆA(t), ˆA(t)i= δ(t− t) (1.26)

ou encore, ´etant donn´ees les d´efinitions (1.24-1.25), h ˆX(t), ˆY (t)i

= 2i δ(t− t) (1.27)

A.2.3 Spectres de bruit et matrices de variances

Comme nous le verrons dans le chapitre2, les fluctuations d’un champ sont mesur´ees par homodynage avec un champ coh´erent. Cette d´etection homodyne donne acc`es aux fluctuations d’une quadrature quelconque ˆXθ de l’enveloppe ˆA(t)

ˆ

Xθ(t) = ˆA(t)e−iθ+ ˆA(t)e (1.28)

2Avec la quantification usuelle dans un volume V , que nous utiliserons dans le chapitre4, A(t) est homog`ene `a une fr´equence.

les fluctuations d’un op´erateur ˆA ´etant ´egales `a δ ˆA = ˆA− h ˆAi. Comme seul le mode central poss`ede une valeur moyenne non nulle, on a que h ˆA(Ω)i = 0 d`es que Ω 6= 0. La fonction d’autocorr´elation de la quadrature ˆXθ s’´ecrit alors

hδ ˆXθ(Ω)δ ˆXθ(Ω)i = hδ ˆA(Ω)δ ˆA(Ω)i + hδ ˆA(Ω)δ ˆA(Ω)i

+e−2iθhδ ˆA(Ω)δ ˆA(Ω)i + e2iθhδ ˆA(Ω)δ ˆA(Ω)i (1.29)

Or, la relation (1.26) implique que

h ˆA(Ω), ˆA(Ω)i= 2π δ(Ω + Ω) (1.30)

Les quatre fonctions d’autocorr´elation de (1.29) sont donc δ-corr´el´ees en fr´equence. Il est commode de les regrouper sous la forme d’une matrice 2× 2, la matrice de variance du champ. En d´enotant | ˆA(Ω)] le vecteur repr´esentant le champ, et [ ˆA(Ω)| son adjoint,

| ˆA(Ω)] = ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ˆ A(Ω) ˆ A(Ω) # , [ ˆA(Ω)| = [ ˆA(−Ω), ˆA(−Ω) | (1.31)

la matrice de variance du champ est d´efinie par la relation

h|δ ˆA(Ω)][δ ˆA(Ω)|i = 2π δ(Ω − Ω) [V (Ω)] (1.32)

En utilisant (1.29) et (1.32) on montre ais´ement que la fonction d’autocorr´elation de δ ˆXθ(Ω) est ´egale `a

hδ ˆXθ(Ω)δ ˆXθ(Ω)i = ©[V (Ω)]1,1+ [V (Ω)]2,2+ 2Re£e−2iθ[V (Ω)]1,2¤ª 2π δ(Ω + Ω) Or, pour une fonction al´eatoire stationnaire f (t), de transform´ee de Fourier f (Ω) et de spectre de bruit Sf(Ω), la fonction d’autocorr´elation dans l’espace de Fourier est reli´ee au spectre de bruit par la relation

hf(Ω)f(Ω)i = 2π Sf(Ω) δ(Ω + Ω) (1.33)

Le spectre de bruit de la quadrature ˆXθ vaut par cons´equent

SXˆθ(Ω) = [V (Ω)]1,1+ [V (Ω)]2,2+ 2Re¡[V (Ω)]1,2e−2iθ¢

(1.34)

Pour un champ coh´erent, seul hδ ˆA(Ω)δ ˆA(Ω)i est non nul3. La matrice de variance s’´ecrit alors

[V (Ω)]coh´erent=µ1 0 0 0

(1.35)

Pour un champ comprim´e multimode, comprim´e `a toutes les fr´equences par le mˆeme facteur r, cette matrice vaut

[V (Ω)]comprim´e= µ

cosh2r e2iφsinh(2r)/2 e−2iφsinh(2r)/2 sinh2r

(1.36)

la composante comprim´ee ´etant ˆXφ/2+π/2 : SXˆφ/2+π/2(Ω) = e−2r et SXˆφ/2(Ω) = e2r. Pour un champ multimode quelconque, la condition de r´eduction de bruit sous le bruit quantique standard `a une fr´equence d’analyse Ω est donc qu’il existe un angle θ tel que la densit´e spectrale de bruit de la quadrature ˆXθ soit inf´erieur `a 1 :

SXˆθ(Ω) < 1 (1.37) A.2.4 Lien avec les variances

De la relation (1.27), on obtient le commutateur entre deux quadratures orthogo-nales en Fourier

h ˆX(Ω), ˆY (Ω)i= 4πi δ(Ω + Ω) (1.38)

On peut alors montrer que l’in´egalit´e d’Heisenberg (1.5) sur le produit des variances de ˆX et ˆY se g´en´eralise aux densit´es spectrales de bruit [Fabre96]

SXˆ(Ω)SYˆ(Ω)≥ 1 (1.39)

En pratique, on mesure les fluctuations d’une quadrature ˆXθ `a l’aide d’un analyseur de spectre fonctionnant `a une fr´equence d’analyse donn´ee Ω/2π et de r´esolution en fr´equence δf , petite devant la fr´equence caract´eristique de variation de la densit´e spec-trale de bruit. Le signal de sortie de l’analyseur de spectre est alors proportionnel `a la variance de la quantit´e ˆXθ F obtenue `a partir de ˆXθ par filtrage

∆ ˆXθ F2 = 2δf SXˆθ(Ω) (1.40)

Dans ce cas, l’in´egalit´e d’Heisenberg (1.39) s’´ecrit

∆ ˆXθ2 ∆ ˆYθ2 ≥ 4(δf)2 (1.41)

Mesur´e par cette m´ethode, le bruit quantique standard, dont le spectre est blanc, augmente avec la bande passante de la mesure. On voit que raisonner sur les variances pour le champ est ´equivalent `a raisonner en termes de densit´es spectrales de bruit, ce que nous ferons dans la suite du manuscript pour le champ.

B Bruit quantique d’un ensemble d’atomes

B.1 Bruit de projection quantique

On peut interpr´eter le bruit quantique du champ d’une autre mani`ere, en utilisant la th´eorie de la mesure en m´ecanique quantique. En effet, une mesure sur un ´etat quan-tique qui n’est pas ´etat propre de l’observable mesur´ee conduit `a une dispersion des r´esultats de mesures r´ealis´ees sur un grand nombre d’objets quantiques dans le mˆeme ´etat. Par exemple, un ´etat coh´erent, qui est un ´etat propre de l’op´erateur d’annihilation ˆ

a, n’est pas un ´etat propre de l’op´erateur nombre de photons ˆaˆa. Par cons´equent, une mesure de l’intensit´e d’un faisceau dans un ´etat coh´erent pr´esente un bruit de projec-tion quantique.

Une autre manifestation importante du bruit de projection quantique concerne les mesures effectu´ees sur des atomes. Prenons par exemple un atome dans une superpo-sition `a poids ´egaux de l’´etat fondamental|gi et de l’´etat excit´e |ei

|Ψi = (|gi + |ei)/2 (1.42)

Une mesure de l’´etat interne de l’atome dans l’´etat |Ψi aura pour r´esultat |gi une fois sur deux et |ei une fois sur deux. L’incertitude sur l’´etat interne de l’atome est totale. Si l’on consid`ere maintenant un grand nombre d’atomes N ≫ 1, on peut montrer que la dispersion des mesures augmente comme √

N , l’incertitude relative diminuant alors comme 1/√

N . En effet, pour N atomes incorr´el´es qui sont tous dans le mˆeme ´etat quantique, avec une probabilit´e pe d’ˆetre dans l’´etat |ei et une probabilit´e pg = 1− pe

d’ˆetre dans l’´etat |gi, la probabilit´e de trouver lors d’une mesure n atomes dans l’´etat |ei est donn´ee par une loi binomiale

Pn= CNn pne pN −ng (1.43)

Le nombre moyen d’atomes dans l’´etat|ei est ¯n = Npeavec une variance ∆n2 = N pepg. Bien que la loi ne soit pas poissonienne, le rapport ∆n/¯n ´evolue en 1/√

N . De plus, pour l’´etat sym´etrique pe = pg = 1/2, l’incertitude est maximale. En revanche, l’incertitude est nulle si tous les atomes sont dans l’´etat|ei ou |gi, puisque les atomes sont dans un ´etat propre de l’observable mesur´ee, ici la population d’un des ´etats.

B.2 Op´erateurs collectifs de spin

B.2.1 Spin ´equivalent pour un atome `a deux niveaux

Il est bien connu qu’un atome `a deux niveaux peut ˆetre d´ecrit par des observables de spin. Les observables atomiques associ´ees traditionnellement `a un atome `a deux

niveaux, |gi et |ei, sont

– les coh´erences optiques, qui sont proportionnelles aux composantes de l’op´erateur dipolaire atomique,

σ=|gihe| et σ+=|eihg| (1.44) – les populations dans l’´etat excit´e et dans l’´etat fondamental

πe =|eihe| et πg =|gihg| (1.45)

Ces observables permettent de d´efinir trois op´erateurs de spin, qui s’assimilent aux composantes d’un spin 1/2 fictif

σx= σ++ σ 2 , σy = σ+− σ 2i , σz = πe− πg 2 (1.46)

Il est clair que ces op´erateurs satisfont aux relations de commutation circulaires habi-tuelles d’un spin 1/2

x, σy] = iσz, [σy, σz] = iσx, [σz, σx] = iσy (1.47)

De mani`ere ´evidente, on a les relations

σx2 = σy2 = σz2 = πe+ πg 4 = 1 4 (1.48) et σ2 x+ σ2 y + σ2 z = 3 4 1 (1.49)

o`u 1 d´esigne l’op´erateur identit´e. On peut donc associer formellement `a tout atome `a deux niveaux un spin 1/2 ´equivalent.

B.2.2 Spin ´equivalent pour N atomes

L’´etat quantique d’une assembl´ee de N atomes `a deux niveaux peut ˆetre d´ecrit par des op´erateurs collectifs de spin, qui sont d´efinis comme la somme des op´erateurs monoatomiques Jx = N X i=1 σ(i)x , Jy = N X i=1 σy(i), Jz = N X i=1 σ(i)z (1.50)

Ces op´erateurs collectifs satisfont ´egalement aux relations de commutation d’un mo-ment cin´etique (1.47)

Par contre, les op´erateurs J2 x, J2

y et J2

z ne sont plus proportionnels `a l’op´erateur identit´e. Ceci n’est vrai que lorsqu’il n’existe aucune corr´elation entre les diff´erents atomes, comme on peut le voir `a l’aide de la relation suivante

Jx2 = N X i=1 ¡σ(i) x ¢2 +X i6=j σx(i)σ(j)x = N 4 1 + corr´elations (1.52)

La norme du spin collectif est maximale et vaut N/2 pour un ´etat pur, mais est inf´e-rieure pour un m´elange statistique

|h ~Ji| = q

hJxi2+hJyi2+hJzi2N

2 (1.53)

Cette description en terme de spin fictif est non seulement commode pour interpr´eter des exp´eriences, comme celles de spectroscopie atomique de type Ramsey, mais permet ´egalement une interpr´etation simple des interactions atomes-champs, notamment en raison de l’analogie avec le formalisme des op´erateurs de Stokes d´ecrivant l’´etat de polarisation de la lumi`ere, comme nous le verrons dans le chapitre 4.

B.3 Etat coh´erent atomique

Comme le champ ´electromagn´etique, un ensemble atomique poss`ede des fluctuta-tions quantiques intrins`eques, associ´ees `a des observables qui ne commutent pas entre elles et qui sont donc reli´ees par des in´egalit´es de Heisenberg. Pour d´efinir un bruit quantique standard atomique, on peut partir comme nous l’avons fait pour le champ des relations de commutation de grandeurs conjugu´ees. Commen¸cons par le cas le plus simple dans lequel les N spins sont isol´es, c’est-`a-dire que tous les atomes sont dans leur ´etat fondamental, sans interaction avec un champ ou un r´eservoir, et sans aucune corr´elation entre les spins individuels. Le spin moyen est au pˆole sud de la sph`ere de Bloch : hJzi = −N/2. Les composantes orthogonales Jx et Jy satisfont `a

∆Jx ∆Jy|hJzi|

2 (1.54)

En l’absence de corr´elations, il est clair d’apr`es (1.52) que la variance d’une composante quelconque Jθ dans le plan (Oxy)

Jθ = Jxcos θ + Jysin θ (1.55) est ´egale `a ∆Jθ2 = N 4 = |h ~Ji| 2 (1.56)

Le “shot-noise” atomique vaut alors N/4 et augmente lin´eairement avec le nombre d’atomes. Les fluctuations relatives d´ecroissent elles comme 1/√

N . On d´efinit ainsi un ´etat de r´ef´erence : l’´etat coh´erent atomique, qui est un ´etat pur, minimal pour la relation d’Heisenberg (1.54). L’ensemble des ´etats coh´erents atomiques s’obtient par rotation sur la sph`ere de Bloch [Arecchi72]. On peut remarquer l’analogie formelle avec le champ ´electromagn´etique dans ce cas ; en effet, la valeur de Jz ´etant parfaitement d´etermin´ee, les fluctuations quantiques du spin collectif sont alors caract´eris´ees par les deux composantes Jx et Jy dans le plan perpendiculaire au spin moyen, qui jouent le mˆeme rˆole que les quadratures du champ ´electromagn´etique.

B.4 Bruit quantique standard atomique

Corrélés Etat comprimé Ö J Décorrélés 1/2 1/2 Bruit quantique standard J J

Fig. 1.3 – (a) Etat coh´erent atomique dont le spin moyen est align´e selon z : les spins individuels sont incorr´el´es entre eux. (b) Etat comprim´e atomique : des corr´elations existent entre les spins individuels et autorisent la r´eduction sous le bruit quantique standard des fluctuations d’une composante dans le plan transverse.

Lorsque le spin moyen n’est pas dans un ´etat pur (|h ~Ji| = J < N/2), on d´efinit le bruit quantique standard atomique en fixant comme direction de r´ef´erence la direction du spin moyen. Supposons par exemple que le spin moyen soit orient´e selon z :h ~Ji = J~z (J 6= 0). On d´efinit le bruit quantique standard atomique `a partir de (1.54) : la variance de n’importe quelle composante dans le plan orthogonal vaut ∆J2

θ = J/2 (Fig.1.3). De mani`ere g´en´erale, pour chaque direction de l’espace ~u, on peut ainsi d´efinir un bruit quantique de r´ef´erence pour les fluctuations atomiques dans une direction orthogonale `a ~u. Ce bruit est ´egal `a la moiti´e de la valeur moyenne du spin dans cette direction, ce qui se traduit math´ematiquement par l’´egalit´e

∆( ~J.~v)2 = |h ~J.~ui|

B.5 Etat comprim´e atomique

Dans tout ce manuscript, nous utiliserons la d´efinition suivante : un ´etat comprim´e atomique est un ´etat qui pr´esente des fluctuations r´eduites sous le bruit quantique standard pour une certaine composante Jθ dans le plan orthogonal au spin moyen

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