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Critères de sélection des organismes bioprotecteurs

B. La biopréservation

2. Critères de sélection des organismes bioprotecteurs

Pour leur utilisation par des industriels, les cultures de biopréservation doivent répondre à certains critères : résister aux procédés de fabrication, s’implanter dans l’aliment, inhiber la flore indésirable ciblée, ne pas présenter de risque microbiologique pour le consommateur et ne pas altérer les propriétés organoleptiques des produits (Denis et al., 2013).

a. Criblage de souches d’intérêts

Pour mettre en évidence une activité antimicrobienne, l’approche classique consiste à cribler en laboratoire un ensemble de souches isolées d’environnements naturels, ou directement des produits alimentaires, contre la croissance des microorganismes cibles (Cheong et al., 2014; Crowley et al., 2012; Inglin et al., 2015; Magnusson et al., 2003). C’est seulement dans un second temps que les souches les plus pertinentes sont testées dans les aliments. Cette méthodologie permet de gagner du temps lors de la recherche de souche d’intérêt cependant, elle ne garantit pas la possibilité d’utilisation dans le produit final. En effet, les souches sélectionnées doivent pouvoir se développer au sein de la matrice alimentaire. Or les conditions de culture en laboratoire sont optimales et donc possiblement éloignées de l’application industrielle. En outre, ces souches doivent produire leurs molécules antifongiques en quantité suffisante pour inhiber leurs cibles in situ.

Pour s’affranchir des différences entre milieux de laboratoire et industriel, Garnier et son équipe ont décrit une technique de criblage de souches d’intérêt en plaques 24 puits dans une matrice mimant la composition d’un fromage (Garnier et

al., 2018). Lors de ce screening, un rétentat de lait écrémé standardisé a été utilisé

comme matrice. L’ajout d’un ferment d’acidification contenant L. lactis ssp. cremoris et L. lactis ssp. lactis a été réalisé à 6 log10UFC/mL ainsi que de présure et d’un indicateur de pH coloré (Litmus) avant une incubation de 3 jours à 20°C. L’activité antifongique de 23 LAB et de 44 fermentats en lait de LAB a été évaluée

31 visuellement dans cette matrice contre la croissance, à 12°C pendant 8 jours, de quatre cibles fongiques isolées de produits laitiers : Mucor racemosus UBOCC-A-116002, Penicillium commune UBOCC-A-116003, Galactomyces geotrichum UBOCC-A-216001 et Yarrowia lipolytica UBOCCA-216006. Cette méthodologie s’est révélée reproductible et promet l’analyse de 1 600 essais par semaine.

b. Innocuité des souches

Les industriels ont le devoir de garantir la sécurité microbiologique des aliments. Il est donc nécessaire de garantir l’innocuité des ferments incorporés. La réglementation actuelle n’est pas clairement établie en ce qui concerne l’ajout de ces ferments. Cependant, la FDA a mis en place aux États-Unis un système conférant le statut GRAS (Generally recognized as safe) aux micro-organismes utilisables dans l’alimentation. En Europe, l’EFSA (European Food Safety Authority) joue ce rôle en attribuant le statut QPS (Qualified Presumption of Safety) aux microorganismes, en vue de leur autorisation de mise sur le marché. Son obtention s’appuie sur quatre critères : l’identification de la souche, l’état de connaissance, le type d’application et l’évaluation de sa pathogénicité. La demande de cette autorisation n’est pas nécessaire pour les ferments dits « traditionnels » car, étant utilisés de longue date, ils sont considérés comme sans danger pour l’homme. Pour les autres, l’évaluation par l’EFSA suit le règlement 1997/258/EC. La liste QPS comprend des bactéries lactiques des genres Lactococcus, Lactobacillus, Leuconostoc, Pediococcus, Corynebacterium, Streptococcus, Oenococcus, ainsi que d’autres bactéries à gram positif comme certaines espèces des genres Bifidobacterium, Propionibacterium ou Bacillus.

Il est donc nécessaire avant toute utilisation de réaliser une identification des souches sélectionnées (par emple un séquençage de l’ADNr 16S et analyse du polymorphisme par MLST pour une identification plus fine de l’espèce). L’espèce ainsi identifiée ne doit pas être reconnue comme pathogène, et donc, ne produire ni toxines ni posséder de gènes de virulence contre l’homme. La présence de gène de résistance aux antibiotiques, en particulier sur des éléments génétiques mobiles, est également proscrite car des transferts génétiques entre souches bactériennes peuvent avoir lieu. Par exemple, la souche L. lactis subsp. lactis K214, isolée dans

32 un fromage au lait cru, possède le plasmide pK214, porteur des gènes de résistance au chloramphénicol, à la streptomycine, à la tétracycline et codant pour une pompe à efflux (Wang et al., 2012).De même, la souche L. plantarum M345, également isolée dans un fromage au lait cru, possède le plasmide pLFE1, conférant une résistance à l’érythromycine (Wang et al., 2012). Ces plasmides peuvent être transférés à une large gamme d’hôtes comme les espèces pathogènes Enterococcus faecalis et L. monocytogenes et donc représenter un risque pour les consommateurs.

Enfin, la production d’amines biogènes comme l’histamine, la putrescine, la tyramine ou encore la phényléthylamine peut être à l’origine d’intoxications alimentaires. Certaines espèces du genre Lactobacillus sont notamment citées pour produire ce type de molécules dans des matrices laitières telles que fromages ou yaourts (Buňková et al., 2010; Leuschner et al., 1998; Yılmaz and Gökmen, 2017). Il est donc nécessaire de contrôler cette production au sein des produits laitiers.

c. Contraintes industrielles

Quelle que soit l’application, l’utilisation de ferments nécessite de disposer de cultures de microorganismes viables,fraiches, congelées ou lyophilisées. D’un point de vue industriel, un critère essentiel pour l’obtention de ces ferments sera leur aptitude à générer rapidement de la biomasse en fermenteur en grande quantité dans des conditions peu coûteuses (Denis et al., 2013). Pour ce faire, les conditions optimales physico-chimiques devront être déterminées (nutriments, température, pH, aération, pression, …).

Par la suite, ces cultures sont le plus souvent concentrées par centrifugation pour obtenir des titres compris entre 1010 et 1011 UFC/g. Il faut donc que les bactéries survivent à ce traitement mais aussi à leur stockage (Denis et al., 2013). Différents facteurs peuvent intervenir sur la résistance des ferments, comme les conditions de préparation des cultures (concentration, fermentation, cryoprotection), de congélation, de lyophilisation, de stockage, de décongélation ou de réhydratation (Carvalho et al., 2003; Kim and Bhowmik, 1990; Polo et al., 2017; Strasser et al.,

33 2009). Ainsi, l’un des critères de sélection de souches commercialisable par les industriels consistera à vérifier la survie des ferments à ces traitements.