• Aucun résultat trouvé

S. CLERC - 2012

1. CONTEXTE PALEOGEOGRAPHIQUE ET PALEOGLACIOLOGIQUE 1.1. Glaciations en Europe au Pléistocène

Au cours du Pléistocène moyen et supérieur, le continent européen est marqué par une succession de périodes glaciaires et interglaciaires, associées à des phases de croissance et de fonte de grandes calottes glaciaires (Figure 2.1). Trois grands épisodes de glaciation peuvent être définis (Ehlers & Gibbard, 2004 ; Gibbard & Cohen, 2008), également identifiés par les différentes générations de vallées tunnel en Mer du Nord (Huuse & Lykke-Andresen 2000 ; Stewart & Lonergan, 2009) :

La glaciation Elstérienne ou Anglienne qui constitue une glaciation majeure du Pléistocène, caractérisée par une extension importante des calottes britanniques et scandinaves, probablement coalescentes (Ehlers & Gibbard, 2004), ont atteint les régions situées au nord de la Tamise en Angleterre (Bowen, 1999 ; Clark et al., 2004) et les régions de Thuringe et de Saxe en Allemagne (Ehlers et al., 2004).

La glaciation Saalienne ou Wolstonienne, de

moindre envergure que l’épisode Elstérien, se

caractérise par la formation d’une calotte de

très grande dimension, formée par

l’assemblage des calottes britanniques et scandinaves au-dessus de la Mer du Nord (Elhers & Gibbard, 2004) Toutefois, cette fusion aurait pu être temporaire, laissant alors la possibilité à un réseau fluviatile de se développer en Mer du Nord (Ehlers, 1990 ; Ehlers et al., 2004).

Figure 2.1 : Carte d’extension des calottes européennes au Pléistocène au cours des trois grandes glaciations : la glaciation Elstérienne, Saalienne et Weichselienne. (Modifié d’après Ehlers & Gibbard, 2004 ; Toucanne et al., 2009

S. CLERC - 2012

60

· La glaciation Weichselienne ou Devensienne, est la plus récente et la mieux contrainte, son extension est déterminée par la position des moraines frontales associées au stade d’avancée

maximale, et est très bien cartographiée. Les hypothèses divergent quant à savoir si les calottes glaciaires scandinaves et britanniques ont fusionné, recouvrant la Mer du Nord, ou bien si celle-ci resta libre de glace et permettant le développement d’un réseau fluviatile de se développer (Carr et al., 2000, Sejrup et al., 2000 ; Carr, 2004 ; Boulton & Hagdorn, 2006 ; Bradwell et al., 2008). Alors que cette période représente l’extension la moins importante de la calotte sur l’Europe continentale (Ehlers & Gibbard, 2004), elle est marquée par un stade d’extension

importante sur la partie occidentale de la calotte irlandaise (McCabe et al., 2007, Ó Cofaigh & Evans, 2007).

1.2. Paléogéographie des iles britanniques et de l’Irlande au Weichselien

Au niveau de l’Irlande, de très nombreuses études se sont succédées (Eyles & McCabe, 1989, Scourse & Furze, 2001, Bowen et al., 2002, Ballantyne et al., 2008, McCabe et al, 2005, 2007, Ó Cofaigh & Evans, 2007 ; Livingstone et al., 2012) afin d’établir la chronologie des oscillations des calottes irlandaises et britanniques (British and Irish Ice-Sheet ou BIIS).

Figure 2.2: Position des moraines frontales de la calotte Weichselienne et reconstitution des phases d’avancées et de retrait au cours du temps (Livingstone et al., 2012).

La première avancée glaciaire majeure, associée au développement de l’ice-stream de la Mer d’Irlande (ISIS), a vu le front glaciaire atteindre les Iles Scilly (Hiemstra et al., 2006) avant un retrait rapide à hauteur de la côte sud du Pays de Galles (Figure 2.2). Cette oscillation fut de très courte durée, inférieure à 4000 ans. En effet dès 19ky BP, le front glaciaire se situait très probablement dans le chenal Saint George au nord de Dublin. Les régions continentales actuelles de l’Irlande et du Pays de

Galles restaient encore englacées. Ainsi, à cette échelle/résolution, la région de Killiney Bay est très probablement restée sous la calotte entre 27ky BP et 19ky BP.

Figure 2.3 : Carte d’extension de la calotte glaciaire sur la Mer d’Irlande et détail des flux de glace au dessus de Killiney Bay au maximum d’extension vers 23-25ky BP (A) et immédiatement après vers 18ky BP (B). (D’après

S. CLERC - 2012

62

Ces travaux montrent que Killiney Bay est située dans une zone caractérisée par la confluence de plusieurs flux de glace (Figure 2.3) :

o Un flux principal correspond à l’ice-stream de la Mer d’Irlande, qui drainait alors les régions

du nord de l’Irlande et l’Ecosse. L’écoulement était dirigé globalement vers le sud.

o Un écoulement venant des régions internes/centrales d’Irlande, avec une direction globalement vers le sud-est.

o Un écoulement très local, centré sur la chaine des Wicklow Mountains, avec un écoulement radial, globalement vers l’est et le sud-est au niveau de Killiney Bay.

Figure 2.4 : A) Carte topographique simplifiée de la côte du comté des Wicklow Mountains présentant le réseau de drainage sous-glaciaire mis en évidence par McCabe & Ó Cofaigh (1994). Les sites d’étude de Killiney Bay et Ballyhorsey sont également positionnés. B) Carte topographique simplifiée du fond marin à hauteur des Wicklow Mountains, illustrant les canyons marins vraisemblablement en connexion avec le réseau de drainage sous-glaciaire (d’après Eyles & McCabe, 1989).

Le flux majoritaire de l’ice-stream de Mer d’Irlande a paradoxalement assez peu influencé Killiney

Bay, puisque l’écoulement venant de Mer d’Irlande a pénétré de quelques kilomètres au-delà des côtes actuelles avant de rapidement reculer (McCabe et al., 2007), les deux autres flux de glace redevenant prépondérants au-dessus de la région (Warren, 1993).

Par ailleurs, McCabe & Ó Cofaigh (1994) ont mis en évidence un réseau de drainage sous-glaciaire à

l’échelle régionale, formé par des dépressions topographiques, mises en connexion par des chenaux creusés dans la roche. Ce réseau se développe globalement selon un axe nord-sud, à l’est des Wicklow Mountains (Figure 2.4A). D’après ces auteurs, l’une des dépressions, le bassin d’Enniskerry a pu

fonctionner comme un lac sous-glaciaire. Ce réseau de drainage et la baie de Killiney sont situés en amont d’une dépression orientée NW-SE en mer et qui faisait partie d’un réseau de vallées tunnel qui drainait les eaux de fonte dans le bassin de la Mer d’Irlande et jusqu’au front glaciaire (Figure 2.4B ; Eyles & McCabe, 1989).

2. MODELE DE DEPOT DANS DES CAVITES SOUS-GLACIAIRES – EXEMPLE QUATERNAIRE

2.1. Contexte et objectifs

Le travail mené sur l’enregistrement quaternaire en Irlande a pour but de définir un modèle de dépôt dans un environnement sous-glaciaire, à partir d’un enregistrement sédimentaire mieux préservé qu’à l’Ordovicien et dans un cadre paléogéographique mieux contraint. La baie de Killiney, présente un enregistrement sédimentaire latéralement très continu (6-7 km) et d’environ 10-15 m d’épaisseur. Ce

site a été très étudié depuis la fin du 19ème siècle et les différents travaux ont contribué à développer de nombreux modèles, dont les conclusions sont contradictoires et controversées. Rijsdijk et al. (2010) ont réalisé une étude très détaillée des structures de déformation à l’échelle macroscopique et microscopique sur l’ensemble de l’affleurement, permettant de compléter une première étude réalisée sur un secteur plus réduit (Rijsdijk et al., 1999). Les résultats illustrent explicitement le caractère sous-glaciaire des diamictites. Néanmoins, cette étude ne propose pas d’analyse détaillée des processus de dépôt des faciès triés de sables et des graviers, et pour lesquels ces auteurs concluent à un environnement de dépôt fluvioglaciaire.

Notre étude est donc basée sur l’acquisition de nouvelles données, dans le but de déterminer des

critères diagnostiques permettant de différencier environnements sous-glaciaires et proglaciaires. Ce travail complète les précédents travaux de Rijsdijk et al. (2010), par une approche intégrée incluant

une analyse architecturale et sédimentologique détaillée ainsi qu’une description des structures de

déformation en relation avec les associations de faciès définis. Le travail s’est focalisé sur l’unité de sables et de graviers intercalée entre deux diamictites et qui présente une bonne continuité latérale sur environ 3,5 km.

S. CLERC - 2012

64

Cette étude a fait l’objet d’une publication au journal Quaternary Science Reviews sous la référence:

Clerc, S., Buoncristiani, J.-F., Guiraud, M., Desaubliaux, G. & Portier E., 2012. Depositional model in subglacial cavities, Killiney Bay, Ireland. Interactions between sedimentation, deformation and glacial dynamics.

Quaternary Science Reviews 33, 142-164.

L’article est structuré de la façon suivante : La première partie présente la stratigraphie, les associations de faciès et environnements de dépôt associés aux unités étudiées. La seconde partie répertorie et décrit les différentes structures de déformations associées à chacune des séquences de dépôts et associations de faciès décrites précédemment. La synthèse des informations stratigraphiques, sédimentologiques et associées aux structures de déformations permettent de proposer un modèle de dépôt sous-glaciaire. En discussion, l’article propose de mettre en relation les éléments caractéristiques

des processus sédimentaires et de déformation de cavités sous-glaciaires avec la dynamique glaciaire, c'est-à-dire les conditions de couplage/découplage de la glace et du substrat, la morphologie du système de drainage des eaux de fonte sous-glaciaires et les vitesses d’écoulement de la glace.

3. Principales conclusions et implications

Cette étude avait donc pour but de détailler les critères qui caractérisent un environnement de dépôt sous-glaciaire. Ces critères se divisent en trois catégories : (1) la géométrie, (2) les caractéristiques sédimentologiques, et (3) les structures de déformations. Le travail mené permet de définir un certain nombre de critères pour différencier les faciès associés à l’environnement sous-glaciaire, des faciès proglaciaires. Sur la base des critères géométriques, sédimentologiques et des structures de déformations, synthétisés dans le Tableau 1, il est donc possible de différencier ces deux environnements de dépôt. SOUS-GLACIAIRE PROGLACIAIRE G E O M E T R IE

· Alternance haute fréquence de dépôts triés et non-triés · Alternance basse fréquence de dépôts triés et non-triés

· Amalgame des structures liées au manque d’espace · Forte capacité à l’avulsion (cannibalisme des structures)

· Peu d’amalgame · Présence d’un substrat irrégulier favorable au

développement de cavités sous-glaciaires

SE D IM E N T O L O G IE

· Présence de séquences de tills

· Prédominance de dépôts triés · Prédominance des surfaces d’érosion/réactivation

· Directions d’écoulements très variables (>150°) · Proportions élevées de dépôts fins liés à de la décantation dans des milieux calmes · Distribution homogène de dropstones · Directions d’écoulement variables (<150°) · Possibilité de déconfinement dans des cavités (ressaut

hydraulique) · Possibilité de déconfinement (ressaut hydraulique)

· Faible proportion de dépôts fins (rhythmites, varves, ...)

DE F O RA M T IO N

· Déformations liées au couplage glace/substrat contemporaines des phases de sédimentation

· Déformations liées à la gravité (failles normales, glissements, …)

· Déformations par cisaillement simple liées à l’écoulement de la glace (plis, plis faillés)

· Déformations par aplatissement pur lors de phases de

glace stagnante (microfailles normales) · Déformations liées à du cisaillement simple possibles, lors de phases de ré-avancées. Dans ce cas, déformation à large échelle (thrust) plutôt que limités à quelques bancs (déformation discrète)

· Déformations liées aux surpressions fluides à la base du glacier et dans le sédiment (hydrofractures, dykes) · Liquéfaction et fluidisation du sédiment, avec différents

degrés

Tableau 2.1 : Caractéristiques associées aux environnements sous-glaciaire et proglaciaire

L’objectif est de transposer ces critères de reconnaissances aux dépôts glaciaires pré-pléistocènes, en particulier ordoviciens, pour aider à la reconnaissance d’un environnement de dépôt sous-glaciaire et détailler les processus de dépôt qui lui sont associés. La reconnaissance des faciès sous-glaciaires est

S.CLERC-2012

90

particulière, spécifique aux fortes pressions fluides (Tournier et al., 2010). Il est donc nécessaire de qualifier et quantifier cette déformation associée aux environnements de dépôt sous-glaciaire, aussi bien sur le terrain que sur carottes.

Une feuille de description de log est proposée, modifiée et adaptée à ce travail. Elle rassemble les figurés nécessaires à la caractérisation des différents types de déformation (cisaillement simple, aplatissement pur, liquéfaction, fluidisation,…) mais également le degré de déformation/préservation des sédiments. Le résultat des études sédimentologiques facilitera le ciblage des zones d’études pour la diagenèse des réservoirs, dans le but de préciser les modèles géologiques. L’exemplaire de cette feuille de log est fourni en annexe (Cf. Annexe 1) de ce mémoire.

Il existe des différences paléogéographiques, paléotopograhiques et lithologiques entre les glaciations quaternaires et ordoviciennes qui ne permettront pas d’avoir une correspondance exacte des caractéristiques géométriques, sédimentologiques et associées aux processus de déformation. Néanmoins, une certaine cohérence devrait apparaître, relative à la coexistence dans l’espace de processus de sédimentation et de déformation, et donc l’existence de phases de couplage et de découplage caractéristiques de l’environnement sous-glaciaire.

C

HAPITRE

III

Processus de dépôt et architecture

Documents relatifs