1.3 Les sources MFP
1.3.1 Critères de différenciation
Les sources MFP, ou de manière générale les sources d’interférence électromagnétiques
intentionnelles existent sous de nombreuses formes [6]. Il existe ainsi plusieurs critères de
classification de ces sources, qui font l’objet d’un certain nombre de publications
[5,6,32,34,40,48]. Il est important de mentionner ici ces critères, afin d’illustrer la diversité de
sources existantes ou pouvant exister. En effet, la conception d’une source peut être réalisée à un niveau amateur ayant des moyens réduits, tout comme elle peut l’être par une organisation gouvernementale disposant de hautes capacités financières et techniques.
1.3.1.1 Occupation spectrale
On retrouve en premier lieu une différenciation desAED EMet autres sources d’interférences
par des critères d’occupation spectrale. Ce premier critère permet d’évaluer la capacité d’une source à menacer un grand nombre de systèmes dont les fréquences de fonctionnement seraient réparties sur une large bande.
TABLEAU1.3 – Classification des sourcesMFPselon leur occupation spectrale, traduit de [49]
Type Ratio de bande
Bande-étroite ≤ 1.01
Bande moyenne 1.01 à 3
Sub-large-bande 3 à 10
Large-bande > 10
La classification donnée dans le tableau1.3tiré de [49] différencie ainsi 4 catégories, selon un
critère d’occupation spectrale appelé br, pour (Bandwidth Ratio). Celui-ci est défini comme le rapport entre les fréquences haute et basse délimitant la bande contenant 90 % de l’énergie du signal. Cet indicateur est ainsi utilisable de manière non discriminée sur tous les types
d’agressions électromagnétiques à spectre fixe1. On parle ainsi d’une source autre que bande-étroite lorsque la bande occupée est supérieure à 0.5 % de la valeur centrale, soit environ
5 MHz autour de 1 GHz. Cela correspond aux bandes passantes typiques des magnétrons [50,51]
(voir1.3.2).
En pratique, cet indicateur peut être réduit à l’opposition de deux catégories de sources :
bande-étroite et large-bande [52]. La différence entre ces deux types de sources est cependant
plus importante qu’une simple différence d’occupation spectrale, car elle implique une approche
différente dans la conception même de la source, comme expliqué au paragraphe1.3.2.
1.3.1.2 Puissance
De manière duale, un second critère de dimensionnement des sources est lié aux niveaux des grandeurs électriques générées par celles-ci. Ce type de classification est en réalité assez flou, car
plusieurs paramètres entrent en jeu dans l’évaluation de la "force" ([32]) d’uneAED EM. En effet,
on peut par exemple avoir deux sources identiques à la seule différence des antennes utilisées. Les niveaux de champ électrique à distance égale seront donc différents. Une source sera donc plus "forte" que l’autre alors que leurs puissances sont égales. Ainsi, on comparera les puissances des sources lorsque la comparaison est purement qualitative et que les puissances sont séparées d’un ordre de grandeur ou plus. Sinon, il est préférable d’utiliser un critère de niveau de champ électrique à une distance fixée pour comparer deux sources entre elles. Ainsi, aucune considération n’est à faire sur les caractéristiques des antennes, comme leur directivité.
1.3.1.3 Taille et portabilité
La taille d’uneAED EMest également un critère important qui détermine l’emploi de celle-ci.
TABLEAU1.4 – Critères de portabilité définis par l’IEC[53]
Niveau de portabilité Description
P1 Objet tenant dans la main
P2 Peut rentrer dans une valise ou un
sac à dos
P3 Transportable par véhicule léger
P4 Semi-remorque ou fixe
Il existe trois façons d’agir sur l’encombrement d’uneAED EM. Premièrement, la fréquence2
1. Lorsqu’une source présente une capacité d’agilité spectrale (voir 1.3.1.5), cet indicateur peut alors devenir ambigu.
de fonctionnement de la source. En effet, le fait d’augmenter la fréquence de fonctionnement permet nécessairement de réduire la taille des éléments composant l’AED, la longueur d’onde étant alors diminuée, les éléments hyperfréquence (guides d’onde, antennes, coupleurs...) de la source voient donc leur taille diminuer. Deuxièmement, une source plus puissante aura tendance à être plus encombrante, en raison par exemple des besoins de dissipation thermique qui nécessitent l’ajout de radiateurs, ou encore de l’augmentation des capacités de stockage d’énergie primaire (batteries), ou transitoire (capacités, transformateurs...). Enfin, la taille de
l’antenne est également critique dans le dimensionnement d’une AED EM. Le tableau 1.4
présente les catégories de "portabilité" définies par l’IEC. Cette classification est réalisée de
manière pragmatique et différencie ainsi quatre niveaux de portabilité, dans l’optique de juger de la dangerosité d’une source. Par exemple, le niveau P1 correspond à une source pouvant être dissimulée sur une personne, et pouvant potentiellement être introduite dans une zone d’accès restreint.
1.3.1.4 Accessibilité technique et coût financier
L’accessibilité est un critère déterminant pour la dangerosité d’une source. Celle-ci se décline
en cinq domaines [34]. Tout d’abord, il faut considérer le niveau technologique, ou niveau de
sophistication de la source, qui est déterminé par l’accessibilité aux technologies nécessaires pour l’assemblage de la source. Ensuite, il faut considérer le niveaux d’expertise requis pour l’assemblage d’une part, et pour l’utilisation de la source d’autre part.
TABLEAU1.5 – Critères d’accessibilité définis par l’IEC[53]
Niveau d’accessibilité Description
A1 Grand public
A2 Amateur
A3 Professionnel
A4 Haut niveau d’expertise
Ces critères définissent un niveau d’accès technologique, ou accessibilité technologique [32,
53] résumé dans le tableau1.5. On comprend ainsi que plus une source est complexe, que ce soit
au sens de la disponibilité commerciale des composants ou du niveau d’expertise requis pour la conception et l’utilisation, plus cette source sera rare, ou difficile d’accès.
Enfin, il est important de mentionner que chaque source demande en plus d’un certain niveau d’accès technologique, une capacité financière nécessaire à sa conception. Les ordres de
grandeur de coût de développement d’une source MFP varient ainsi entre quelques centaines
maintenant ont tendance à augmenter3avec le coût. Ainsi, plus une source est performante, plus son niveau d’accessibilité et son coût seront élevés.
1.3.1.5 Agilité spectrale
La littérature mentionne rarement la capacité de la source à fonctionner sur des fréquences différentes, ou à faire varier le spectre occupé par l’interférence lorsqu’il s’agit d’une source
large-bande. Cette capacité est appelée agilité spectrale ou agilité fréquentielle (frequency agility [32]).
Celle-ci est un élément essentiel dans l’évaluation de la dangerosité d’une source, celle-ci pouvant
alors couvrir la fonction d’une ou plusieurs autres sources en une seuleAED EM.
TABLEAU1.6 – Critères d’agilité en fréquence
Niveau Nom Description
S1 Non-agile Fréquence fixe
S2 Agile sur bande Accordabilité sur une bande
allouée à un standard de communication
S3 Agile sur technologie Accordabilité sur l’ensemble
des bandes utilisées par un standard de communication
S4 Agile sur décade Accordabilité d’une décade
ou plus autour de la
fréquence centrale
On peut ainsi proposer, de manière analogue aux critères précédents, une manière de
différencier les sources selon ce critère d’agilité spectrale, dans le tableau1.6. Cette classification
proposée dans ce manuscrit se compose d’un niveau S1, correspondant à une arme à fréquence fixe, telle que celle simulée dans notre étude. Les critères suivants sont définis non pas par une grandeur relative à la fréquence, mais plutôt par rapport aux scénarios où une source agile serait nécessaire. Par exemple, dans le cas où la connaissance de la cible donne seulement un standard de communication et non une fréquence précise, on aurait besoin d’une source de type S2 dit "agile sur bande", permettant de balayer toutes les fréquences correspondant à une bande normalisée. Par exemple, la bande B3 ("bande des 1800") de télécommunications s’étend de 1710 à 1880 MHz. Pour viser les appareils utilisant cette bande, une source devra donc couvrir cette bande. L’accordabilité nécessaire est ici d’environ 10 %. En poursuivant le raisonnement, la seconde catégorie de source agile serait celle qui couvrirait l’ensemble d’une technologie de
communication plutôt qu’une simple bande. Ainsi, une source conçue pour être utilisée contre des téléphones mobiles devrait couvrir de 700 à 2600 MHz, soit l’ensemble des bandes de télécommunications en France. L’accordabilité nécessaire étant ici de de 50 à 60 %. Le dernier niveau d’agilité serait le niveau S4, correspondant à une source agile sur une décade fréquentielle entière.