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Critères de choix d'un traitement neuroleptique idéal: vers une approche

II- Pratique clinique de l'utilisation des neuroleptiques et perspectives

1- Critères de choix d'un traitement neuroleptique idéal: vers une approche

1-1- Critères médicament/maladie

a- Pharmacodynamie des neuroleptiques : cibles pharmacologiques et pléiotropie d'effets

Le système dopaminergique se situe au coeur de la physiopathologie du traitement de la schizophrénie: tous les antipsychotiques sont capables de moduler la transmission dopaminergique notamment en bloquant le récepteur D2 qui reste la cible pharmacologique commune à toutes les molécules actuellement commercialisées. Seul l'aripiprazole possède un mécanisme d'action particulier en tant qu'agoniste partiel des récepteurs D2. [2][3]

Les antipsychotiques, de première ou deuxième génération, présentent des affinités relatives pour différents types de récepteurs traduisant leur hétérogénéité pharmacodynamique et leur conférant, cas par cas, des particularités pharmacologiques. Le rôle d'autres sous-types de récepteurs dopaminergiques que le récepteur D2 et de récepteurs variés (sérotoninergiques, histaminergiques, dopaminergiques, cholinergiques, noradrénergiques, glutamatergiques) ont ainsi pu être mis en évidence dans la physiopathologie de la maladie conduisant à l'approche multidimensionnelle de cette dernière. [87]

Le neuroleptique idéal devrait posséder, selon le docteur en médecine R. Bordet, un effet pharmacodynamique pléiotrope en interagissant de manière positive avec une grande partie des récepteurs impliqués dans la physiopathologie de la schizophrénie sous-tendant l'ensemble des symptômes de la maladie (positifs, négatifs, cognitifs et affectifs). [87]

L'annexe 11 intitulée «Effets pharmacodynamiques pléiotropes» page 148 met en évidence les principaux récepteurs impliqués dans la physiopathologie de la schizophrénie et les interactions souhaitées (antagonisme, agonisme ou agonisme partiel) dans leurs modulations.

b- Effets thérapeutiques : hétérogénéité des dimensions de la maladie et modification de son cours évolutif

La schizophrénie recouvre des symptômes variés regroupés en 4 dimensions: positive (délires, hallucination), négative (repli sur soi, apragmatisme), cognitive (mémoire, attention, fonctions exécutives) et affective. Un traitement antipsychotique idéal doit pouvoir prendre en charge ces quatre dimensions symptomatiques en minimisant le risque de pharmacorésistance selon R. Bordet. [87]

Les effets thérapeutiques des antipsychotiques démontrent qu'ils agissent sur plusieurs fonctions distinctes et qu'ils n'ont pas tous une action équivalente et qu'un même médicament peut aussi exercer des effets différents en fonction de la posologie employée, comme nous l'avons vu dans la pharmacologie des neuroleptiques.

Les principaux effets communs aux antipsychotiques sont les effets sédatifs, incisifs et désinhibiteurs. Les antipsychotiques atypiques ont en plus montré des effets thymorégulateurs marqués et sont aussi capables d'améliorer les symptômes cognitifs de la schizophrénie comme la fluidité du discours, l'apprentissage de séries et les fonctions exécutives. [77]

L'efficacité des deux générations d'antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie a été comparée par l'étude CutLASS réalisée au Royaume-Uni en 2006: à 12 mois, il n'y a pas eu de différence entre les antipsychotiques de première génération et les antipsychotiques de deuxième génération sur les scores de qualité de vie de l'échelle QIS (Quality of Life Scale). L'amélioration des symptômes de schizophrénie quantifiés par l'échelle PANSS était comparable entre les deux générations [88]. Ces résultats ont été confirmés par l'étude randomisée EUFEST [89]. De plus, la comparaison des antipsychotiques de seconde génération entre eux n'a pas permis de mettre en évidence de produits présentant une supériorité d'action par rapport aux autres. [87]

Ces résultats ont été nuancés à la suite d'une méta-analyse publiée dans la revue Lancet en 2013 regroupant 212 études entre 1955 et 2012 suggérant que certains antipsychotiques de seconde génération (clozapine, amisulpride, olanzapine et rispéridone) sont significativement plus efficaces que l'halopéridol. [90]

Des travaux expérimentaux évaluent le potentiel «neuroprotecteur» des antipsychotiques via leur capacité à exercer des effets favorisant la synaptogénèse et la neurogénèse, intéressants dans la perspective de modification du cours évolutif de la schizophrénie. Un antipsychotique idéal doit être capable, d'après R. Bordet, d'agir à un niveau étiologique pour ralentir le processus dégénératif ou stimuler des mécanismes compensateurs afin d'apporter une amélioration fonctionnelle. Ces possibilités sont encore à l'étude. [87]

1-2- Critères médicament/malade

a- Tolérance des neuroleptiques et modalités d'administration

La tolérance des neuroleptiques doit être considérée en regard des effets indésirables qu'ils sont susceptibles d'entraîner et qui peuvent selon les cas, altérer la qualité de vie du patient et être un frein à l'observance et dans les cas les plus graves entraîner des conséquences délétères pour le patient; mettant à mal le rapport bénéfices/risques du médicament. [87] Les neuroleptiques sont une classe pharmacologique très hétérogène de ce point de vue. Une méta-analyse a comparé les profils d'effets indésirables (toutes causes confondues, gain de poids, effets extrapyramidaux, hyperprolactinémie, allongement QT et sédation) de 15 molécules versus placebo [90] (cf. Annexe 12: «Effets indésirables des antipsychotiques versus placebo», page 150).

L'ensemble des résultats révèle que:

- pour les effets métaboliques (prise de poids): l'olanzapine et la clozapine sont celles qui en entraînent le plus;

- pour les effets extrapyramidaux: l'halopéridol est le plus pourvoyeur et la clozapine et la quétiapine sont les mieux tolérés (même si l'incidence est plus faible avec la seconde génération);

- pour l'hyperprolactinémie: les antipsychotiques de première génération, la rispéridone et l'amilsulpride présentent le risque le plus élevé et la clozapine et la quétiapine sont les mieux tolérées;

- pour l'allongement de l'espace QT: les antipsychotiques de seconde génération sont à risque plus élevé (sauf aripiprazole).

Les formes galéniques des neuroleptiques sont variées (formes buvables en gouttes, comprimés, comprimés orodispersibles, injections intramusculaires...) et représentent un facteur d'acceptation du traitement par le patient en lien avec l'observance médicamenteuse.

Une étude sur 92 patients bénéficiant d'un suivi ambulatoire a montré une préférence approximativement équivalente (30%) entre 3 formes d'administration principales: les comprimés, les comprimés orodispersibles et les injections. Les patients ont donné plus d'avantages à la forme injectable que d'inconvénients mais aussi, plus d'avantages pour les injections que pour les comprimés [91]. En 2005, B.Lachaux a diffusé un questionnaire auprès d'un large échantillon de patients atteints de schizophrénie mettant en évidence que 44% d'entre eux étaient prêts à prendre un traitement par injection [92].

b- Recherche du rapport bénéfices/risques optimal [87]

L'antipsychotique idéal doit inclure dans sa définition le paramètre de risque médicamenteux global. Même si les effets extrapyramidaux ont une incidence plus marquée avec la première génération, d'autres effets indésirables se sont révélés avec l'usage des molécules de la deuxième génération soulignant un autre niveau d'atypie et d'hétérogénéité au sein de cette classe.

La recherche du rapport bénéfices/risques optimal par comparaison des antipsychotiques ne peut se faire sans tenir compte de la variabilité intervindividuelle. Le meilleur profil d'antipsychotique à utiliser doit intégrer, pour chaque patient, son profil clinique, ses antécédents personnels ou familiaux, ses comorbidités, les associations médicamenteuses, l'observance ainsi que les données pharmacogénétiques qui permettent de prévoir la réponse thérapeutique en fonction des polymorphismes pharmacodynamiques et pharmacocinétiques. À ce titre, le prescripteur doit prendre en compte la balance bénéfices/risques comme il le fait pour tout traitement.

En conclusion, pour R. Brodet, chaque molécule devrait se confronter à ces critères visant à tendre vers un traitement idéal mais cela demande la réalisation d'études comparatives plus précises et la réalisation d'un travail pour le moins colossal. En outre, chaque patient représente aussi un cas unique. Au-delà du concept d'atypie et de neuroleptique idéal, il faut plutôt envisager une approche personnalisée qui tient compte autant du médicament que des caractéristiques du patient et de façon plus globable, de l'avancée des connaissances concernant la schizophrénie.

2- Bon usage des neuroleptiques