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Nous avons pu remarquer que sous l’effet de la pression, lorsque la température est suffi-samment élevée, les MORB simulés présentent une transition de phase, au cours de laquelle le liquide cristallise. Une telle cristallisation spontanée est rarement observée à l’aide de simulations de dynamique moléculaire. En effet, les échelles de temps caractéristiques des transitions de phase liquide-solide, ainsi que les contraintes imposées par la géométrie de la

5.4 5.5 5.6 5.7 5.8 5.9 6 6.1 6.2 6.3 6.4 8 10 12 14 16 18 20 NC P (GPa) MORB (8 wt% MgO) komatiite (27 wt% MgO) peridotite (38 wt% MgO)

La température évolue avec la pression comme suit : 8 GPa (2073 K pour le MORB, 2273 K pour la komatite et la péridotite), 12 GPa (2073 K pour le MORB, 2273 K pour la komatite et la péridotite), 15 GPa (2273 K), 16 GPa (2273 K), 20 GPa (2673 K).

Figure 3.15 – Évolution de la coordinence du magnésium avec la pression

5.84 5.86 5.88 5.9 5.92 5.94 5.96 5.98 0 1 2 3 4 5 6 7 8 NC P (GPa) MORB (2 wt% TiO2) verre lunaire orange (9 wt% TiO2) verre lunaire black (16 wt% TiO2)

La température évolue avec la pression comme suit : 0 GPa (1673 K), 3GPa (1873 K), 5GPa (1873 K), 8 GPa (2073 K).

5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 5.7 5.8 5.9 6 0 1 2 3 4 5 6 7 8 NC P (GPa) MORB (8 wt% FeO) Backstay (14 wt% FeO) Irvine (21 wt% FeO)

La température évolue avec la pression comme suit : 0 GPa (1673 K), 3 GPa (1873 K), 5 GPa (1873 K), 8 GPa (2073 K).

Figure 3.17 – Évolution de la coordinence du ferII avec la pression

boîte de simulation sur la structure du solide, empêchent généralement l’observation de ce processus. Elle est ici possible grâce à la faible viscosité du liquide même à hautes pressions, ainsi qu’à la forte diffusion des atomes à haute température (ces grandeurs seront étudiées dans la section suivante).

3.4.1 Structure du MORB en phase cristalline

La structure de ce cristal a pu être déterminée grâce aux g(r), aux coordinences entre les différents types d’atomes ainsi que par visualisation des configurations microscopiques du système (figure 3.19). Il s’agit d’une structure de type pérovskyte, dont des exemples de maille élémentaire sont visibles sur la figure 3.18.

Dans ce cristal, Si et Al ont une coordinence 6 avec l’oxygène, Mg, FeII, Ca, Na et K ont une coordinence 12, Ti a une coordinence 9 et FeIII a une coordinence 10. Pour ces deux derniers atomes, leur valeur intermédiaire entre 6 et 12 s’explique par le fait qu’ils peuvent aussi bien occuper des sites à coordinence 6 que des sites à coordinence 12. Cette structure se retrouve dans les fonctions de distribution de paires (voir figure 3.10). Ainsi les GX(r) sont des observables très utiles pour déterminer expérimentalement ces transitions. Pour les boîtes de 3000 atomes, le cristal occupe la quasi-totalité de la boîte de simulation (figure 3.19 a), alors que pour les systèmes beaucoup plus grands avec 648 000 atomes (figure 3.19 b), on observe un polycristal issu d’un processus de nucléation homogène.

L’équation d’état du cristal de pérovskyte déterminée par simulation (voir figure 3.20) est très proche de celle obtenue expérimentalement par Ono et al. (2005), et légèrement en-dessous de celles obtenues par Hirose et al. (2005) et Ricolleau et al. (2010). De plus, l’ajustement de notre équation d’état à 300 K donne K0=223 GPa et n0=4,25 g/cm3 avec K’ fixé à 4, ce qui correspond, aux incertitudes près, aux valeurs déterminées par Hirose et al. (2005) (K0=222±6 GPa, K’=4 et n0=4,22±0,02 g/cm3).

Néanmoins le polycristal obtenu par simulation ne correspond pas à l’assemblage cristallin observé expérimentalement, ce dernier étant composé de 5 phases de structure et/ou de composition chimique différentes (Mg-pérovskyte, Ca-pérovskyte, stishovite). En effet aux

Ces exemples de mailles ont été extraits directement de simulations. Si et Al sont entourés de 6 atomes d’oxygène au centre d’une bipyramide à base carrée.

Figure3.18 – Exemples de maille élémentaire du cristal pérovskyte

Ces images sont avec 3000 atomes (a) et 648 000 atomes (b) à 3273 K et 60 GPa, au bout d’une équilibration de 2 ns. Des germes cristallins sont entourés pour plus de visibilité.

Figure 3.19 – Visualisation d’un MORB sous phase cristalline

échelles de temps de la simulation (quelques dizaines de ns) la seule phase qui peut être observée est celle qui cristallise le plus rapidement. D’autre part à cause des effets de taille finie, si plusieurs phases de composition ou structure différentes cristallisent, chaque phase n’incorporera qu’un nombre réduit d’atomes. Le rapport surface/volume sera donc de fait important, ce qui entrainera une prépondérance des effets de tension de surface, rendant l’assemblage monocristallin métastable.

3.4.2 Courbe de fusion

D’un point de vue thermodynamique, le point de fusion pour une température donnée correspond à une discontinuité de l’isotherme dans une représentation densité en fonction de la pression. Ici en revanche la transition est continue entre le solide et le liquide. Nous avons donc choisi de prendre comme point de fusion le milieu de la branche connectant les courbes des phases solide et liquide (figure 3.21) lors d’un cycle de compression/décompression. Lors d’une telle simulation, la pression évolue au cours du temps de manière quasi-statique. En répétant l’opération sur plusieurs isothermes, nous obtenons une courbe de fusion qui

20 30 40 50 60 70 80 90 4.5 4.6 4.7 4.8 4.9 5 5.1 5.2 5.3 1750 K 2400 K 2600 K Ono et al. 2005 Hirose et al. 2005 Ricolleau et al. 2010

Les données de Ono et al. (2005) sont à T=2070-2410 K, T=1750-2290 K pour les données de Hirose et al. (2005) et T=2200-2300 K pour celles de Ricolleau et al. (2010).

Figure 3.20 – Densité de la phase pérovskyte du MORB simulé

3.9 4 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 4.8 30 35 40 45 50 55 60 solide liquide coexistence S-L n (g/cm 3 ) P (GPa) décompression compression

La pression évolue au cours de la simulation, mettant en évidence une cristallisation (rouge) au cours de la compression et une fusion (bleu) au cours de la décompression à 3273 K. Notez que la fusion a lieu sur une gamme de pression plus large que la cristallisation. Le point vert correspond à la valeur de pression retenue pour la ligne solide-liquide.

Figure 3.21 – Cycle de compression et décompression d’un MORB à 3273 K

peut être comparée aux courbes de fusion expérimentales (voir figure 3.22). Cependant, la configuration de la boîte de simulation peut induire des contraintes sur le cristal, conduisant à un éventuel retard au changement d’état. En théorie, cette ligne doit donc se situer entre

le liquidus et le solidus. Et en effet, elle se situe entre le solidus et le liquidus déterminés par Andrault et al. (2014), et au-dessus du solidus déterminé par Pradhan et al. (2015). De plus, le point à 3273 K et 60 GPa qui est proche du solidus dans notre simulation est effectivement proche des solidus de Pradhan et al. (2015) et d’Andrault et al. (2014).

2000 2500 3000 3500 4000 4500 20 30 40 50 60 70 80 90 T (K) P (GPa) ligne solide-liquide, MD solidus Pradhan et al. 2016 solidus Anrault et al. 2014 liquidus Anrault et al. 2014 solidus, MD (648 000 atomes)

Figure 3.22 – Courbe de fusion du MORB simulé

Enfin, au cours de cette transition de phase il est possible d’étudier l’équilibre chimique entre le cristal et le liquide. La répartition des éléments entre liquide et cristal est renseignée dans la table 3.5.

Si Ti Al Fe3+ Fe2+ Mg Ca Na K

Total 0.1849 0.0043 0.0650 0.0030 0.0257 0.0423 0.0467 0.0213 0.0007 Phase liquide 0.1307 0.0039 0.0856 0.0032 0.0142 0.0284 0.0081 0.0104 0.0004 Phase solide 0.2365 0.0048 0.0454 0.0028 0.0365 0.0555 0.0833 0.0317 0.0009

Cette répartition a été calculée à T=3273 K et P=60 GPa. Le nombre indiqué correspond à la fraction du nombre d’atome de l’espèce considérée par rapport au nombre d’atome total (oxygène inclus).

Table3.5 – Composition chimique des phases liquide et solide dans le MORB simulé

Cette étude révèle qu’au cours de la cristallisation, le solide est enrichi en CaO, SiO2, TiO2, FeO, Na2O et K2O, alors que le liquide est enrichi en Al2O3et appauvri en SiO2. Ces deux dernières observations sont en accord avec les travaux de Pradhan et al. (2015).

3.4.3 Limites de l’étude

Il convient cependant de se garder de donner un quelconque caractère prédictif à ces résul-tats. Nous avons en effet vu que l’assemblage cristallin simulé ne reproduit pas la complexité de l’assemblage naturel, ne faisant apparaître que la phase qui cristallise le plus rapidement. Cristallisation qui, de plus, peut être retardée par les contraintes induites par la géométrie de la configuration de la boîte de simulation. Ainsi, il n’est pas aisé, ni nécessairement perti-nent, d’évaluer la courbe de fusion d’un système polycristallin par dynamique moléculaire. Il est donc préférable d’utiliser des approches alternatives, comme celles basées sur des modèles chimiques et thermodynamiques (Ottonello et al. (2013), Belmonte et al. (2014)). Néanmoins, l’observation même de cette cristallisation et le bon accord sur les propriétés

du cristal (équation d’état, courbe de fusion), dans des conditions thermodynamiques très éloignées de celles pour lesquelles le champ de force a été calibré, ces résultats tendent à démontrer la validité de notre démarche.

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