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3. L A PERIODE CHRONIQUE

3.1. Les crises

L’apparition des crises spontanées marque le début de la période chronique (Figure 15 : Crise motrice spontanée enregistrée en EEG pendant la phase chronique chez un rat lithium-pilocarpine. L’activité se modifie (fin de la 2ème ligne) pour laisser place à un rythme thêta qui sera suivi par la crise motrice (fin de la 5ème ligne)). Une caractérisation très précise de ces crises a été effectuée par Goffin et al. (2007). Ce groupe a ainsi observé que les rats font en moyenne 2,6 crises par jour (entre 0,04 et 5,4 crises), d’une durée moyenne de 47 sec (entre 35 et 51 sec). Environ 56 % de ces crises sont secondairement généralisées, ce qui est confirmé par le score comportemental moyen qui est de 3,2 (un score de 3 correspond à une crise avec clonie des membres antérieurs).

Les crises débutent souvent par un arrêt comportemental suivi de mâchonnements, puis les clonies prennent place. Elles peuvent se poursuivre par un redressement et une chute si elles se généralisent.

Il a longtemps été présumé que ces crises débutaient dans l’hippocampe (voir Leite et al., 1990). Pour autant, même si des signaux étaient enregistrés dans l’hippocampe et non dans d’autres régions du cortex qui faisaient l’objet d’une enregistrement, cela ne permettait pas de confirmer l’origine hippocampique des crises. En effet, les signaux pouvaient déjà résulter d’une propagation à partir d’une zone non-enregistrée. Cette absence de preuve a entrainé une critique du modèle pilocarpine et des modèles d’EdM convulsif en général, notamment par Robert Sloviter (Harvey et Sloviter, 2005 ; pour revue, lire Sloviter et al., 2007). En effet, celui-ci proposait que les crises spontanées n’ont pas pour foyer l’hippocampe. Mais très récemment, Toyoda et Buckmaster (2013) ont publié une étude précise de l’origine des crises spontanées et de leur propagation dans le modèle pilocarpine seule. D’après ces auteurs, les crises débutent la plupart du temps dans la formation hippocampique (et particulièrement dans l’hippocampe ventral), le subiculum et le cortex entorhinal étant également des structures souvent initiatrices de ces crises. L’amygdale est moins souvent un lieu d’initiation des crises.

88 En revanche, le thalamus, le septum et la substance noire sont généralement impliqués plus tardivement dans les crises, et sont donc plutôt liés à la propagation qu’au déclenchement.

Figure 15 : Crise motrice spontanée enregistrée en EEG pendant la phase chronique chez un rat lithium-pilocarpine. L’activité se modifie (fin de la 2ème ligne) pour laisser place à un rythme thêta qui sera suivi par la crise motrice (fin de la 5ème ligne)

3.2. Le comportement

Les modèles épileptiques induits par la pilocarpine et la combinaison « lithium-pilocarpine » chez le rat adulte ont fait l’objet d’études des capacités cognitives et comportementales pendant la période chronique.

Au niveau des comportements de base, il a été montré dans le modèle lithium-pilocarpine une faible habituation des rats dans un champ ouvert, déterminée par une activité locomotrice élevée et constante (au lieu d’une diminution progressive) (Kubova et al., 2004). Dos Santos

89 et al. (2005) et Inostroza et al. (2012) ont montré une augmentation de l’activité exploratoire chez les rats « pilocarpine » et « lithium-pilocarpine ». Cependant, il n’a pas été possible de distinguer une augmentation de l’activité locomotrice basale d’une absence d’habituation, puisque les auteurs n’ont pas quantifié cette augmentation au fil du temps passé dans le champ ouvert. En opposition avec ces résultats, de Sales Santos et al. (2010) ont décrit une diminution de l’activité exploratoire dans le cadre du modèle « pilocarpine ». Persinger et Koren (1993) ont montré une augmentation de l’activité nocturne jusqu’à 25 jours après l’EdM, suivie par une normalisation dans le modèle lithium-pilocarpine. Stewart et Leung (2003) ont rapporté une augmentation de l’activité diurne et nocturne à partir d’une semaine, jusqu’à 8 semaines, suivie par une normalisation à 12 semaines dans le modèle pilocarpine.

Notre groupe (Detour et al., 2005), dos Santos et al. (2005), Cardoso et al. (2009) et Inostroza et al. (2011) ont caractérisé les comportements des rats « pilocarpine » et « lithium-pilocarpine » dans le test du labyrinthe en croix surélevé, qui est une situation potentiellement anxiogène (à cause de la hauteur du labyrinthe et de l’absence de paroi au niveau des bras ouverts dans ce protocole). Ainsi les rats épileptiques semblent être moins anxieux dans cette situation, reflétant un trouble du comportement par rapport aux rats témoins, une différence peut-être liée à une désinhibition. Précédemment (Kubova et al., 2004), le comportement de ces rats avait été étudié dans le même test, mais les auteurs n’ont pas pu terminer l’évaluation car les rats sautaient du dispositif (peut-être en raison d’une lumière trop intense en opposition avec une lumière rouge utilisée par Detour et al., (2005)), ce qui confirme l’hypothèse de la désinhibition et pourrait refléter une impulsivité.

L’étude de Michael Persinger et al. (1993) est l’une des premières à avoir décrit des déficits de mémoire spatiale à long-terme et de mémoire spatiale de travail dans le modèle lithium-pilocarpine adulte, et ce en utilisant le labyrinthe radial à huit branches. Ce déficit de mémoire spatiale de travail a été confirmé par notre groupe dans le même test (Detour et al., 2005), mais la limite du protocole appliqué est qu’il permet une recherche basée sur des indices égocentriques : l’animal peut, par exemple, tourner à droite à chaque fois qu’il sort d’une branche pour accéder à la suivante, et faire ainsi le tour du labyrinthe pour terminer la tâche sans avoir à solliciter sa mémoire spatiale ou sa mémoire de travail. Un déficit d’apprentissage spatial a également été décrit en piscine de Morris dans les modèles

90 « pilocarpine » (Rice et al., 1998) et « lithium-pilocarpine » (Kubova et al., 2004). Deux autres groupes ont relevé un déficit d’apprentissage en mémoire spatiale des rats pilocarpine par rapport aux rats contrôles dans la piscine de Morris (dos Santos et al., 2005 ; Frisch et al., 2007). Les groupes de Gregory Holmes (Zhou et al., 2007) et de Liset Menendez de la Prida (Inostroza et al., 2011) ont conclu à un déficit à la fois d’apprentissage spatial et de mémoire spatiale à long-terme dans le modèle « lithium-pilocarpine » (ce qui est cohérent avec l’idée que les rats ne peuvent pas se rappeler une information qu’ils n’ont pas réussi à apprendre). Ce déficit serait lié à un dysfonctionnement des cellules de lieu (les cellules de l’hippocampe participant à la navigation dans un environnement connu) (Zhou et al., 2007). Un temps important était passé à proximité des parois de la piscine (comportement appelé « thigmotaxie ») plutôt qu’au centre. Ce comportement peut, d’après certains auteurs, refléter un stress important ou une incompréhension de la tâche (Inostroza et al., 2011).

Une seule publication (de Sales Santos et al., 2010) est en opposition avec tous ces résultats. Celle-ci décrit une absence de déficit d’apprentissage et de mémoire spatiale à long-terme dans le modèle « pilocarpine ». Toutefois l’exploitation des données est sujette à caution. De Sales Santos et al. (2010) décrivaient également un déficit de mémoire spatiale de travail, mais le protocole utilisé ne permettait de tirer aucune conclusion claire quant à l’intégrité de cette fonction (le nombre trop important d’essais ayant favorisé l’utilisation d’un système de mémoire à long-terme plutôt que de mémoire de travail).

Lorsqu’ils ont été testés avec un protocole évaluant la reconnaissance des objets, les rats « lithium-pilocarpine » ne présentaient pas de déficits (Detour et al., 2005), ce qui a été confirmé un peu plus tard dans le modèle « pilocarpine » (Chauvière et al., 2009).

Il a été montré par ailleurs qu’il est impossible de mettre en place un conditionnement aversif au goût chez les rats « lithium-pilocarpine » (Persinger et al., 1993). Toutefois, étant donné les lésions du bulbe olfactif et du cortex piriforme, structures particulièrement impliquées dans l’odorat, on peut se demander si ce déficit n’était pas dû à un problème d’intégration de l’information sensorielle. Par contre, Inostroza et al. (2012) ont révélé une forte préférence au sucre chez les rats « lithium-pilocarpine » par rapport à des rats témoins. De plus, les rats du modèle pilocarpine présentaient un déficit de conditionnement de peur (avec choc électrique) au son et au contexte (dos Santos et al., 2005 ; Cardoso et al., 2009), une altération qui pourrait ne pas dépendre d’un déficit sensoriel étant donné que les rats lithium-pilocarpine

91 exhibent une seuil de perception de la douleur comparable à celui des témoins (Szyndler et al., 2005). Enfin, Inostroza et al. (2012) ont montré une diminution de l’exploration sociale chez les mêmes rats.

Résumé : Les crises spontanées de la phase chronique, ainsi que les pertes neuronales et les réorganisations qui s’ensuivent, provoquent des déficits comportementaux et cognitifs touchant l’activité locomotrice, altérant l’anxiété face à une situation potentiellement dangereuse, empêchant l’apprentissage et la rétention d’informations spatiales, ainsi que la mise en place d’une peur conditionnée.

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4. Les traitements

4.1. Les antiépileptiques

Leite et Cavalheiro (1995) ont étudié l’effet de plusieurs antiépileptiques (classiquement utilisés en clinique) sur les crises spontanées de la phase chronique dans le modèle pilocarpine. Ainsi, le phénobarbital (40 mg/kg), la phénytoïne (100 mg/kg), la carbamazépine (120 mg/kg) et le valproate (à 600 mg/kg et non 450 mg/kg) administrés pendant la période chronique ont un effet antiépileptique et diminuent fortement le nombre de crises chez les rats. En revanche, l’ethosuximide n’a pas eu cet effet (il est classiquement administré dans une autre forme d’épilepsie, l’épilepsie-absences).

4.2. Les antiépileptogènes (modification de l’événement initial ou de

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