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2. Le point sur les échanges agricoles de Madagascar

2.2 Analyse par filière

2.2.2 La crevette et le thon

La filière crevettière est la deuxième filière importante d’exportation agricole avec la vanille. Elle est même redevenue en 2005 la principale pourvoyeuse de devises suite à la chute des cours de la vanille. Elle contribue en effet à hauteur de 34 % du total des exportations agricoles, auxquels s’ajoutent 7 % supplémentaires pour le thon.

Selon les données du MAEP, le secteur halieutique et aquacole emploie près de 100.000 personnes, dont environ 80.000 pêcheurs traditionnels, sans compter les emplois indirects qui dépassent les 200.000 personnes.

Les exportations de crevette sont en nette hausse sur les dix dernières années. Elles sont passées de 53 milliards d’Ariary en 1995 à 2002 milliards en 2005, après avoir franchi successivement les seuils de 100 milliards puis de 150 milliards d’Ariary au début des années 2000. Les exportations de thon sont également en hausse sur la période, avec notamment un pic en 2004 à près de 79 milliards d’Ariary.

Tableau n°9 : exportations de produits de la mer 1995-2005, en milliards d’Ariary

Produits 1995 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Crevettes 52,6 123,8 118,9 166,8 151,5 197,1 202,4

Poisson et conserve de thon 25,6 27,5 37,0 38,9 52,5 78,6 41,7

langoustes 3 3,4 3,2 5,3 4,0 8,2 6,8

Source : données statistiques INSTAT

Les partenaires commerciaux

La France est le premier marché d’exportation pour la crevette malgache (74 % en 2004) devant le Japon (14 %), l’Espagne (6 %) et Maurice (3 %). La spécialisation sur le marché européen s’est légèrement accentuée depuis le début de la décennie.

L’approvisionnement du marché français vient de multiples origines. Les principaux pourvoyeurs sont l’Amérique du sud (Brésil, Argentine, Equateur) et l’Asie (Chine, Bengladesh, Inde, Indonésie) mais aussi le Groenland.

Sur son deuxième marché, le Japon, la position de Madagascar est très minoritaire, les principaux exportateurs étant la Russie d’une part, et des pays voisins tels que le Vietnam et l’Indonésie d’autre part.

Atouts et contraintes de la filière

La filière crevettière est un exemple fréquemment cité de réussite en termes d’organisation et de structuration : les sociétés de pêche industrielles et artisanales ont créé en 1994 le Groupement des Armateurs à la Pêche Crevettière de Madagascar (GAPCM), devenu par la suite le Groupement des Aquaculteurs et Pêcheurs de Crevettes de Madagascar. Le GAPCM est notamment l’initiateur du programme Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) favorisant la concertation entre acteurs pour gérer au mieux la ressource, et en pérenniser l’exploitation. D’autres actions du GAPCM concernent les infrastructures portuaires, l’environnement, la surveillance des pêches et l’appui à l’organisation professionnelle. La filière présente à son actif le fait d’avoir su réagir positivement à la menace d’embargo sanitaire sur le marché européen en prenant les mesures nécessaires.

La filière crevettière dispose également d’autres atouts : (i) qualité reconnue sur le marché international, (ii) absence de maladies répandues dans d’autres régions du fait de l’insularité, (iii) très bonne implantation sur un marché européen en nette progression, marché qui présente l’intérêt supplémentaire pour Madagascar d’être très restrictif vis-à-vis de concurrents potentiels tels que la Chine ou la Thaïlande pour des raisons sanitaires.

La filière subit toutefois des contraintes qu’il lui faudra surmonter pour préserver son avenir : (i) la tendance à la baisse des prix internationaux du fait de la concurrence très vive des pays d’Amérique latine et d’Asie, (ii) le risque d’épuisement de la ressource malgré sa

gestion concertée et (iii) l’absence d’une autorité sanitaire compétente qui fait peser le risque d’un nouvel embargo européen.

Le MAEP19 fixe différentes priorités pour le développement de cette filière stratégique : ƒ Mise en place de l’Autorité Sanitaire Halieutique (ASH)

ƒ Réduction de l’effort de pêche, pour tenir compte de la situation actuelle de surexploitation ; cela permettra de dépenser moins pour pêcher sans diminuer les prises, donc d’améliorer la rentabilité, et d’améliorer le calibre des prises

ƒ Etablissement d’accords avec les pêcheurs traditionnels pour qu’ils respectent la ressource, notamment dans la baie d’Ambaro

ƒ Amélioration de l’environnement technico-économique de la filière, aménagements portuaires, formation, infrastructures, …

La filière doit engager un effort de promotion important sur les marchés export, en valorisant l’image « Madagascar Naturellement » : produit naturel, responsabilité environnementale et sociale, gestion durable de la ressource, en synergie avec la promotion du tourisme.

L’aquaculture de crevette offre un potentiel de croissance important, qu’il conviendra de protéger contre le risque épidémiologique : il existe un laboratoire d’épidémio-surveillance, mais il conviendrait de le compléter par un réseau de surveillance.

2.2.3 Le girofle

Le girofle est une autre source de devise importante de Madagascar. Il contribue pour 5 à 10 % dans le total des exportations agricoles selon les années depuis le début de la décennie, avec même un pic à plus de 20 % en 2001. Ce pic (120 milliards d’Ariary) correspond effectivement à des volumes élevés, mais aussi et surtout à un prix mondial intéressant qui a nettement baissé ensuite. Le prix CAF de la tonne importée sur le marché européen est en effet passé de près de 5.000 € début 2002 à 2.200 € dès 2003. Madagascar est leader sur le marché mondial du girofle, quasiment à égalité avec le Brésil et juste devant l’Indonésie.

Tableau n°10 : exportations de girofle 2000-2004

2000 2001 2002 2003 2004 Exportations de girofle, en tonnes 14.870 17.700 7.185 15.880 12.590 Exportations de girofle, en milliards d’Ariary 62 120 32 36 53

Source : données statistiques de COMTRADE et INSTAT

La production de girofle est une culture de cueillette pratiquée par une multitude de petits planteurs. Elle couvre environ 800 000 ha concentrés dans la province de Tamatave. Madagascar est un des principaux producteurs de clous de girofle au monde avec l’Indonésie, Zanzibar, le Brésil et les Comores.

La destination du girofle malgache est avant tout asiatique, et de plus en plus concentrée sur un seul pays, Singapour. En 2002, 61 % du girofle malgache partait sur Singapour, et cette part est passée à 80 % en 2004. Seule une petite part des exportations va sur le marché européen, ce qui en fait un cas particulier.

Le marché du girofle est un marché porteur, et pour lequel la demande est croissante, notamment en tant que consommation « ethnique ». Les opérateurs ont l’atout d’être bien

19 Document de travail du MAEP, avril 2006 : Agriculture, élevage, pêche et agro-industrie à Madagascar, Plan d’action à moyen terme. 56 pages.

implantés sur la scène internationale, même si la concurrence est vive, notamment de la part de l’Indonésie et du Brésil.

Ici encore, la qualité servira d’arbitre de la scène internationale. La qualité malgache, anciennement reconnue, est en passe d’être remise en cause pour des raisons de taux d’humidité trop élevé. La concentration des zones de production, qui facilite la collecte et l’encadrement technique, et qui facilite de ce fait la mise en place de la traçabilité, est un atout pour tenter de remédier à cet état de fait dommageable. .

L’inexistence d’organisation de la filière, ainsi que la forte volatilité des cours, qui créée une forte incertitude sur les revenus attendus de l’activité, constituent à l’opposé des contraintes qui ne seront pas faciles à lever à court terme.

2.2.4 Le litchi

La filière bénéficie d’un appui technique et financier important de l’Union européenne et de la France, qui a permis de créer en 2001 le CTHT (Centre Technique Horticole de Tamatave), association interprofessionnelle. Ses activités concernent notamment (i) le renouvellement des plants, (ii) le développement et la diffusion de bonnes pratiques agricoles, (iii) la réalisation d’un contrôle qualité, ainsi que (iv) l’examen qualitatif des fruits malgaches et des opérations de déchargement lors de leur arrivée dans les ports européens.

Le litchi contribue aux exportations agricoles malgaches à hauteur de 5 %. Les quantités exportées sont en progression constante depuis 2001.

Tableau n°11 : exportations de litchi 2000-2004

2000 2001 2002 2003 2004

Exportations de litchi, en tonnes 12.280 9.500 12.500 13.470 18.840

Exportations de litchi, en milliards d’Ariary 16 9 15 13 34

Source : données statistiques de COMTRADE et INSTAT

La destination du litchi malgache est européenne, est même française à 93 %, ainsi que hollandaise (3 %) et allemande (2 %). Les exportations se font quasi exclusivement par bateau, les quantités envoyées par avion étant inférieures à 1 %.

Les exportations malgaches de litchi connaissent actuellement une crise due aux arrivages massifs de litchi de piètre qualité qui ont entraîné les prix à la baisse. Un article récent de Fruitrop20 constate qu’il y a inadéquation entre volumes expédiés et capacité d’absorption du marché européen : « la succession des arrivages en Europe courant décembre 2005, totalisant plus de 16.000 tonnes de fruit, ont eu rapidement raison des capacités d’absorption du marché. Comme les années précédentes, l’annonce des tonnages a eu un effet négatif sur la fixation des prix de vente dès l’arrivée du premier navire ». L’évolution des exportations de litchi ces dernières années a sans nul doute privilégié les quantités plutôt que la qualité.

L’absence de calibrage, le tri insuffisant (fruits avortés, doubles, longueur inégale du pédoncule, blessures mécaniques), les effets irréguliers du traitement au souffre, sont autant de défauts chaque année répétés, du fait de la pression s’exerçant sur la campagne, qui s’apparente davantage à un derby plutôt qu’à une opération agro économique maîtrisée. La nécessaire rapidité des chargements de navire, pour réduire les coûts et parvenir en temps

opportun à destination, dessert de toute évidence la recherche de qualité du fruit. Un ralentissement de ces étapes permettrait une meilleure qualité des fruits, une organisation plus sereine des opérations post récolte et, par voie de conséquence, une réduction naturelle des quantités expédiées qui aurait vraisemblablement pour effet un ralentissement de la pression commerciale sur les marchés européens.

On constate une dichotomie croissante du marché, avec un prix plus élevé pour les fruits de qualité et un prix plus bas pour ceux de moins bonne qualité. Dans ce contexte, certains opérateurs tentent de se spécialiser sur la qualité en cherchant à se mettre, de manière volontaire et non (encore) contrainte, aux normes Eurep Gap : « Je cherche à me positionner sur la qualité, car c’est un bon moyen pour se distinguer de la concurrence et pour prendre des parts de marché. C’est encore un pari sur l’avenir, car on n’est pas sûr de récupérer le surcoût avec l’amélioration du prix. Mais si la grande distribution durcit ses exigences, ce sera le jackpot pour moi ! ». Déjà, certains partenaires exigent la norme Eurep Gap, comme divers importateurs allemands.