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Un creuset de caribéannité

1.1 L’île sous tous ses contours

Des îles, il en existe de toutes tailles et formes, sous toutes les latitudes, désertes ou habitées, elles sont aussi diverses que nombreuses. Si l’on s’intéresse à ces bribes de continents perdus en mer, c’est que certaines connaissent des destins extraordinaires, suivent des trajectoires sociopolitiques très alambiquées, à l’instar de la plus grande île de la Caraïbe : Cuba. Myriades d’entre elles sont dotées d’une dimension symbolique, voire mythique. Inéluctablement, leur nom appelle au rêve, à la nostalgie, à la tragédie, à l’aventure, mais aussi à la solitude… Elles résonnent de temps immémoriaux – leurs sables, forêts, et ruines racontent l’évolution de ces territoires insulaires ainsi que le passage de civilisations désormais éteintes. Leur histoire se trouve souvent rythmée de temps calmes et de tempêtes, aux prises avec des vents et courants contraires. Les îles attirent, retiennent l’attention,

63 Jacques-Henri De Bernardin de Saint-Pierre. Oeuvres choisies de ...: contenant Paul et Virginie, La Chauniere indienne, Le cafe de Suirate. (ed. 1851)

José-Carlos Llop. Parle-moi du troisième homme. Edité par Jacqueline Chambon, Août 2005.

Winston Churchill, on visiting Cuba in 1898. Travelers’ Tales: Cuba, True Stories, edited by Tom Miller, Travelers’ Tales, Inc., 2004. p.2

42 éveillent la curiosité. Elles ont de tout temps captivé foison d’esprits voyageurs sur leurs rivages semés d’interrogations. Afin d’engager une réflexion sur l’île, appréhendée aussi bien dans son sens propre que métaphorique, il convient de distinguer ce que l’on entend par ce terme, qui est sans conteste central dans cette recherche. Dans un premier temps, une explicitation de son sens géographique peut être donnée, afin de dégager la complexité liée à l’usage de ce terme dans la langue de tous les jours.

Ainsi, une première question se pose, celles des frontières de l’île, malgré sa réalité physique, ses limites naturelles sont illusoires. En effet, nul écosystème n’est aussi sensible à son environnement. Tout découle de perpétuels mouvements, de flux, de circulation dans l’espace insulaire. Les îles sont plurielles, variables, elles figurent de nombreux paysages, vecteurs de microclimats. Les îles ont également été différenciées de par leurs racines, certaines sont considérées comme authentiques, telles des montagnes océaniques, isolées, elles sont à la fois soumises à l’érosion maritime et éolienne. De plus, avec le poids du temps, elles ont également tendance à lentement s’enfoncer, comme si elles replongeaient à rebours vers leurs racines. Elles gardent contact avec le monde grâce aux courants marins et éoliens qui, non seulement les nourrissent, mais aussi les chavirent. C’est pourquoi, les îles sont souvent comparées à des satellites soumis à des réseaux d’influence, souvent lointains. L’île est le théâtre par excellence de rencontre, de confrontation, et d’adaptation. La simple évocation d’îles et d’archipels tels que Le Cap Vert, les Grandes Antilles, Zanzibar, le Sri Lanka et Manhattan illustre la multiplicité des interactions possibles. Cet objet d’étude est un des plus pluriels et fragmentés à défaut d’être des plus vastes : comment le conceptualiser, et le délimiter ? En quoi l’île est-elle un espace propice aux échanges interculturels ?

Selon l’approche géopolitique, les îles sont des relais, des carrefours, ou encore des bases de renforts militaires, ce qui reflète à la fois leur marginalité et leur dépendance aux réseaux internationaux. Alors quelles généralités entrevoir ? Avec l’aide de quels outils ? De nombreux peuples insulaires ont inventé des modes de développement originaux. On ne peut omettre cette multiplicité d’évolutions et de constructions sociales. Ces questions soulèvent un point sensible du destin insulaire, celui d’une certaine temporalité. De plus en plus de spécialistes insistent sur le phénomène d’accélération du temps depuis que ces bouts de terre sont atteints par la mondialisation à différents degrés selon leur emplacement sur la mappe

43 monde. Notre ère des télécommunications par satellite a-t-elle créé ‘un village mondial’ ou bien des sociétés archipélisées?64

Les îles de la Caraïbe, telles que Haïti et la République Dominicaine (anciennement Hispaniola), la Jamaïque et, bien sûr, Cuba ont suscité un intérêt pragmatique, longtemps considérées comme bases de ralliement, escales entre trois continents, bastions militaires, mais elles ont été graduellement relayées au second plan face aux vastes espaces continentaux et leurs innombrables richesses à explorer et exploiter. Cependant, il est intéressant de noter qu’au fil des siècles de colonisation, le statut des îles bascule. En effet, passées de simples ports-relais, celles dont le sol et la superficie le permettaient, furent ensuite identifiées à des écrins de verdure, des jardins d’Eden, propices aux cultures du cacao, café, vanille, canne à sucre et toutes sortes de fleurs et fruits tropicaux. Ces mêmes îles apparaissent aujourd’hui souvent dévastées, comme lessivées par cette surexploitation. On entrevoit ici un paradoxe intéressant, à savoir qu’une île, peut être tour à tour ou à la fois, un espace révélateur de phénomènes marginaux et le théâtre où convergent de nouvelles tendances mondiales. A l’instar de Cuba, sous l’égide soviétique pendant plus de trente ans, rebelle voisine du géant capitaliste. Che Guevara était déterminé à y promouvoir le potentiel et la pureté de « l’Homme nouveau »,65 sorte d’écho paradoxal au mythe de l’Adam américain, figure

64Archipélisation, concept présent dans L'imaginaire de l'archipel, publié par Georges Voisset, CRELIC, Université Antilles-Guyane, 2003. p.26.

Cette prise en considération des modes de communication, des transports aériens et maritimes permet en outre de différencier les îles qui jouent le rôle de base, d’escale ou de relais. Il est également intéressant de noter que le développement des techniques de l’information, de la photographie numérique et d’Internet a créé une multiplication d’images autour ‘des îles’, ce qui dilue l’exotisme, le caractère extraordinaire de ces territoires lointains. Aujourd’hui dans le langage courant, lorsque nous entendons ‘Les Iles’, nous visualisons plus particulièrement dans le contexte francophone, les Antilles. De nombreuses brochures de voyages touristiques regorgent de clichés qui ‘déréalisent’ leur situation socio-économique, politique, leurs défis face à la mondialisation contemporaine. Cependant, cette ‘ouverture’ à l’industrie touristique via la profusion de campagnes publicitaires, reste éphémère, car avec le départ de ces îliens ‘saisonniers’, les ‘petits’ mondes insulaires se referment souvent sur eux-mêmes. On comprend ainsi, que l’insularité est une construction intellectuelle soumise à des forces rationnelles, pragmatiques et spéculatives. Cf. Etude sur l’insularité par Guy Mercier, Norois, 1990, volume 145, numéro 1, p.9-14.

65 Pour le ministre de l'Industrie, Ernesto Che Guevara, la question des stimulants, moraux et surtout matériels, celle de la "motivation", seront les fondements même à partir desquels pourra être façonné cet "Homme nouveau" plus sensible aux joies du travail créateur plutôt qu'à l'intérêt matériel : " Nous ne nions pas la nécessité objective du stimulant matériel " écrit Guevara, mais "Nous luttons contre sa prédominance quand il s'agit de l'utiliser comme levier essentiel car il finit par imposer sa propre force aux rapports entre les hommes." L'attitude nouvelle qu'il espère de chaque individu est de refuser tout stimulant matériel pour n'obéir qu'à des incitations d'ordre moral au service du bien général. La "moralité" de l’Homme nouveau, contre l'individualisme égoïste, contre la société de consommation excessive, aura été la problématique fondamentale de tous les gouvernements post-révolutionnaires communistes : " Pour construire le communisme, il faut changer l'homme en même temps que la base économique," résume ainsi Che Guevara. Cf. Le Socialisme et l'Homme à Cuba, Ernesto Che Guevara, 12 mars 1965.

44 allégorique de l’exceptionnalisme et du nationalisme états-unien, introduit par J. Hector St John De Crèvecœur.66

Les usages et les nuances de la langue commune autour du terme île, nous donnent ses contours et permettent ainsi de découvrir quelques premières contradictions. Les îles sont des territoires spécifiques qui sont coupés des continents par une barrière maritime ou fluviale mais également reliées par ces mêmes milieux. Tenter de définir des mots, c’est jouer avec leurs multiples facettes significatives et par là même comprendre leurs plis et replis, leurs différents pièges. L’île est-elle cause de quelque chose ? L’exiguïté, l’isolement, et la marginalité sont-ils sujets d’un certain degré de déterminisme ?Plus une île est petite, plus le littoral et les régions animées par les marées, telles mangroves et lagons semblent jouer un rôle prépondérant pour les insulaires. Outre, moins une île est formée de reliefs, moins elle a de microclimats et plus elle devient sensible aux saisons cycloniques. Ainsi, comment rendre compte de l’immense diversité des îles et réussir à concevoir le concept d’espace, voire d’une mentalité insulaire ? Confronté à cette variabilité, comment déterminer les faits insulaires, ainsi que le vécu de ces peuples, la nature de leur expérience, dont leur conscience commune, leur « îléité ».67

Ainsi, beaucoup s’accordent à penser l’île comme espace où s’expriment de manière accentuée des mouvements humains de production, d’imitation, mais aussi et surtout d’imagination. Nous sommes en présence de subjectivités isolées souvent en quête de liens, d’échanges au-delà des mers qui les encerclent. De plus, en apparence facile à cerner, car entourées de frontières maritimes naturelles, ces terres insulaires, peuvent être plus aisément contrôlées que bien d’autres espaces. De nombreuses îles sont devenues de merveilleux observatoires pour divers domaines des sciences humaines, concernant notamment les phénomènes de métissage, d’échanges interculturels, d’inventions technologiques, d’adaptation climatologique…

66 J. Hector St John De Crèvecœur, Letter III. What is an American. Letters from an American farmer describing certain provincial situations, manners and customs not generally known and conveying some idea of the late and present interior circumstances of the British colonies in North America, Londres : T. Davies, 1782.

W.B. Lewis, The American Adam: Innocence, Tragedy, and Tradition in the Nineteenth Century. The University of Chicago Press, 1955.

67 Abraham Moles, psychologue de l’espace et insularophile, il a créé les termes de ‘nissonologie’ (science des îles) et ‘d’îléité’. Son approche, plus psychologique que géographique compare l’insularité, qu’il caractérise comme discontinuité physique entraînant l’isolement et l’îléité, qui participe, en revanche, à l’univers de la représentation et de la métaphore, il y a une symbolique de l’île qui renvoie à un archétype idéal, variable selon les civilisations, peut-être même selon les individus. Labyrinthes du vécu, Paris, Klincksieck, 1982.

45 Par ailleurs, comme les déserts, les îles semblent propices aux élans mystiques et aux rêves d’absolu. Sous un angle philosophique, l’île est un sol originel, un lieu focal, matriciel, un nombril, une terre sacrée, une île-mère. L’île, énigmatique tant par son histoire et ses coutumes endogènes, apparaît comme un objet particulièrement intéressant car instable, incertain à la fois dans ses limites et son évolution. Ainsi, l’île excite l’imagination, et par son étroitesse, elle favorise souvent l’émigration, ou bien au contraire empêche ses habitants de la quitter, par un effet de trappe. Une question, en effet, revient souvent, tourne-t-elle les populations vers la mer et ses ressources, ou bien les-garde-t-elle repliées sur leur terre, leur centre ? Vivre sur une île développe-t-il un sentiment communautaire exacerbé ou bien les îliens sont-ils amenés à se fédérer à des ensembles politiques multiculturels fuyant ainsi le réel de leur enclavement géographique ?

L’insulaire est alors par définition une personne duelle et la société qu’il habite est une réalité ethnoculturelle duale, soumise à une logique d’enracinement et/ou de déracinement : « par nature l’insulaire est un ‘migrateur’, quelqu’un ‘venu d’ailleurs’, qui un jour ou l’autre, devra reprendre sa pérégrination, faute de quoi, il périclitera dans l’endémisme», si à l’origine, l’insulaire est voyageur, au fil des générations, il peut se confiner dans une familiarité, un enfermement physique et psychologique, inhérent à l’espace confiné de l’île. 68

Jean-Pierre Doumenge propose ainsi de comprendre comment s’imbriquent les mythes, les rêves et les différentes facettes de la réalité îlienne. Par ce dévoilement des différents paradoxes, il montre les traditions et la mémoire des traumatismes passés : naufrage, fuite, isolement… Il tente d’ordonner le chaos ambiant de la vie insulaire, de cette prise au piège au cœur de mouvements contraires constants, de cette intériorité et extériorité simultanées. En effet, l’île suscite des questionnements concernant l’adaptation, la survie des insulaires à leur environnement.

Ainsi, malgré toutes ses variabilités inhérentes, l’île émerge. Elle est le résultat d’irruptions volcaniques, de tremblements de terre, d’accumulations de sédiments, elle incarne le principe de rémanence, telle une mémoire des âges anciens, des drames géologiques vécus par notre planète bleue. L’île offre un refuge aux oiseaux migrateurs, aux animaux, souvent arrivés par accident, et aux hommes à la dérive sur les océans depuis la nuit des temps. Ainsi, quel que soit leur nature, les îles sont le fruit d’une inlassable répétition de phénomènes naturels, d’un enchaînement continu entre équilibre et déséquilibre de forces tour

68Jean-Pierre Doumenge. « Le Pacifique insulaire en 2010, un monde éclaté en grande mutation, tiraillé entre traditions « autochtonistes » et valeurs de « métissage », pp. 499-524.

46 à tour vitales et destructrices. Ce sont des entités émergées et émergentes issues de longs processus de formation qui défient toute pensée finaliste et créationniste.

Les premiers navigateurs européens, les Espagnols en 1493, et plus tard les colons aventuriers français, à partir de 1635 abordèrent les petites Antilles, furent fascinés par l'exubérance de la végétation insulaire, composée de monde d'arbres et de lianes, extrêmement riches en espèces ligneuses et utilisés par les peuples autochtones comme repères spatiaux.69 Toutefois, cartographier les îles a souvent été source de confusion, d’erreur de calculs, de repérage, notamment des décalages de longitude, selon le point de départ ou la destination des navigateurs, les trajectoires divergent et leur lecture également, créant au gré de leur passage des îles ‘imaginaires’.70 Comme par exemple, la dislocation de Terre-Neuve en trois ou quatre blocs, selon la reconnaissance de Cartier en 1534 du détroit de Belle-Isle. De plus, le cartographe n’est pas nécessairement le premier ‘scripte’ des contours de ce territoire, certaines tribus indigènes dévoilèrent leur capacité à dessiner leur île uniquement d’après leur profonde connaissance, leur propre mémoire transmise oralement de génération en génération. Ainsi, les régions intérieures des îles ont souvent été plus tardivement détaillées, plus connues par les chasseurs de bœufs sauvages et plus tard des chasseurs d’esclaves fugitifs – les Marrons qui arpentaient et se terraient dans le secret de ces montagnes, denses forêts et mangroves. Le mot MARRON vient de l'espagnol cimarrón qui signifie s’échapper, fuir ; il désigna d’abord les animaux domestiques qui redevenaient sauvages. En français, le mot s'étendit d'abord aux Blancs engagés qui fuyaient leurs mauvaises conditions de travail, puis il a fini par désigner également les esclaves fugitifs. Déjà en 1667, le père Jean-Baptiste du Tertre décrivait ainsi l’importance du marronnage dans les premiers établissements français, particulièrement à l’île de Saint-Christophe (aujourd’hui Saint-Christophe-et-Niévès ou Kitts-et-Nevis). La fuite ou marronnage fut un puissant mode de résistance que les esclaves noirs adoptèrent très tôt non seulement dans toutes les Antilles et dans les Guyanes (incluant le Surinam), mais aussi dans l'océan Indien (La Réunion, île Maurice et île Rodrigues), ainsi que dans toutes les colonies esclavagistes. En réalité, les planteurs et les négriers ont constamment eu à faire face à cet appel de la liberté des Noirs marrons, peu importe les colonies, qu'elles

69 Christian Girault, « Caraïbes - L'aire des Caraïbes », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 5 janvier 2015. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/caraibes-l-aire-des-caraibes/

70Sandy Island apparaît sur Google Earth, mais n'existe pas, révèle une équipe de chercheurs australiens, le 22 novembre 2012. L'île est répertoriée par certains atlas mondiaux, mais elle n'existe pas. C'est ce qu’a indiqué une équipe de scientifiques australiens partis à la recherche de Sandy Island, une masse terrestre, lors d'une expédition géologique dans le Pacifique sud. En vain. Sandy, finalement rayée des cartes maritimes. Nos océans seraient-ils tachetés d'îles imaginaires, de mystérieux bouts de terre fantômes, entre histoire et mythologie ? Cf.

47 soient françaises, britanniques, portugaises, hollandaises, etc.71 Ce qui est loin d’être imaginaire, en effet, fut la violence de l’histoire des sociétés îliennes de la Caraïbe. Plusieurs historiens parlent d’une grande instabilité socio-politique de nombreuses îles, qui ont connu de profonds bouleversements soulignant la fragilité de ces territoires à risque, à l’instar de Cuba. Une approche géopolitique s’impose donc, qui s’intéresserait aux catastrophes naturelles mais aussi aux alliances et ruptures politiques.

L’île est avant tout une côte ouverte aux débarquements de nouveaux peuples, d’explorateurs, de marchands, de pirates, d’esclaves et de missionnaires. Les obstacles de distance des centres décisionnels, de difficulté d’accès due aux tempêtes, falaises, résistance des autochtones, n’ont pas été des barrières infranchissables, mais plutôt des fronts finalement contournés. L’anse, la crique, le boucan, la bouche d’une rivière constituent des zones de contact, d’entrée en matière, de transition entre la mer et la terre. 72 Selon les époques et leurs différentes fonctions attitrées, les îles ont été envisagées en tant que comptoirs commerciaux, bases stratégiques de repli et de renfort pour les empires continentaux et des sources d’eau douce et de denrées alimentaires. Au XVIIIème et surtout au XIXème, le système de plantation devient une source de revenus importants pour les colons. L’espace insulaire prospère, se développe, les enjeux économiques dominent en temps de paix, mais sont vite relayés au second plan en temps de guerre, où l’île devient un avant-poste territorial à protéger et à garder à n’importe quel prix, comme ce fut le cas lors de la Guerre de Sept Ans (1756-1763).

71 Dans les Antilles, l'île de Saint-Vincent est devenue célèbre. Peuplée d'Amérindiens Caraïbes, elle avait la réputation d'être un «paradis» pour les esclaves fugitifs. Beaucoup de marrons débarquèrent dans cette île et se marièrent avec des Caraïbes, ce qui créa un peuple appelé les Garifuna ou «Caraïbes noirs» ou «Caraïbes rouges». Le traité de Paris de 1763 reconnut même l'île de Saint-Vincent comme une île «neutre». Les Britanniques tentèrent à plusieurs reprises d’occuper Saint-Vincent, mais les Caraïbes noirs se révélèrent de forts bons guerriers et réussirent à les repousser. Ils infligèrent même une cuisante défaite aux Anglais qui durent leur reconnaître le droit d’exister comme nation indépendante. L'histoire des Noirs et Caraïbes libres s'est mal terminée lorsque le traité de Versailles de 1782 accorda aux Britanniques la possession de cette île «neutre». Comme les Britanniques ne pouvaient accepter que des Noirs soient libres sur une île vaincue et puissent continuer de vivre parmi eux, comme des Blancs, ils les poursuivirent et les emprisonnèrent quelque temps sur l'île déserte de Baliceaux dans les Grenadines (où la moitié d'entre eux mourut de la fièvre jaune en raison des mauvaises conditions de détention et d'alimentation), puis les déportèrent au loin sur la petite île hondurienne de Roatán. Malheureusement, les Noirs marrons furent sévèrement réprimés partout (chez les Hollandais, les Français, les Anglais, etc.). En effet, on vit souvent des Noirs pendus, écartelés ou brûlés vifs. La pratique du marronnage, qui s’est étendue dans toutes les colonies européennes, a souvent favorisé les mouvements insurrectionnels. Seuls deux de ces mouvements parvinrent à terme et aboutirent à la reconnaissance de sociétés marronnes autonomes: Haïti (alors Saint-Domingue) et les communautés bushinengées du Surinam. Haïti est resté le cas le plus célèbre en devenant, en 1804, le premier État noir indépendant d’Amérique. Cf. Jean-François

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