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Création d'un nouveau système de gouverne à Kaboul

CHAPITRE 4 LE CHOC DES MONDES: SYNTHÈSE DES INTERVENTIONS

4.1 Modernisation frénétique : l'Afghanistan 2001-2008

4.1.2 Création d'un nouveau système de gouverne à Kaboul

Suite à la fuite des talibans, les Nations Unies invitèrent des représentants de factions afghanes opposées aux talibans à se rencontrer à Bonn, en Allemagne, le 5 décembre 2001 afin qu'ils s'entendent sur un processus politique ayant pour but de

Source US Army, 2003, 22. Sur cette photo, Karzaï est dans la deuxième rangée, troisième à partir de la gauche.

' En fait, malgré le fait qu'Ottawa critiquait ouvertement le traitement imposé à nombre de citoyens (notamment les femmes) par les talibans, cet état des choses ne s'avéra pas fondamental à la décision que le gouvernement canadien prendra plus tard d'intervenir en Afghanistan à partir de 2002 (Gross Stein et Lang, 2007, 291). Les atrocités commises par le régime du Mollah Omar auront toutefois contribué à la justification de la mission militaire auprès de l'opinion publique.

MOI ramener la stabilité et la gouvernance en Afghanistan. Ces représentants, méticuleusement choisis par les Américains, provenaient majoritairement des rangs de l'Alliance du Nord. D'autres groupes modérés, tel le Groupe de Rome (demeuré fidèle au roi en exil, voir section 3.1.2) ainsi que le Groupe de Cypress et le Groupe de Peshawar (représentant respectivement les intérêts des afghans exilés en Iran et au Pakistan) furent aussi invités à participer (Warnock, 2008, 112). Karzaï, quant à lui, demeura à Kaboul et participa aux pourparlers via téléphone satellite (Ibid.).

L'un des principaux objectifs de la conférence de Bonn était d'élire un représentant officiel du gouvernement intérimaire d'Afghanistan, le « chairman ».

- .- , .- • S'appuyant sur des sondages d'opinion publique 140 , la trentaine de délégués reunis a Rome élit d'abord Abdul Satar Sirat, le représentant du Groupe de Rome, comme à ce poste (Karzaï ne reçut alors aucun vote). Les Américains n'étaient toutefois pas d'accord avec ce choix et laissèrent planer le doute selon lequel ils pourraient reconsidérer leur fond d'assistance à la reconstruction afghane (Warnock, 2008, 113). Sous la pression, les délégués se mirent d'accord pour supporter le choix des Américains. Haji Attaullah, un délégué présent à la conférence confiera plus tard qu'il se rendit compte que les dés étaient joués d'avance « The Bonn conférence was only for show ( ... J ail the delegates understood that the Americans wanted Mr. Karzai. 141

140 Ces sondages avaient été réalisés auprès de la population afghane et avaient révélé que la majorité de la population était en faveur d'une monarchie constitutionnelle ayant à sa tête le roi Zahir Shah

Source : « A nation c/iallenged: war in hie South ; G.!. 's Had Crucial Raie In Battle/r Kandahar » The New York Times, 15 décembre 2001.

La conférence du 5 décembre 2001 se conclut par la signature de l'accord de Bonn, officiellement intitulé «Accord sur des arrangements temporaires en Afghanistan en attendant le rétablissement des établissements permanents de gouvernement ». Ce document jeta les bases de la remise sur pied de l'Afghanistan. Il stipulait entre autres qu'une Lova Jirga d'urgence (voir section 3.2.2) devait être assemblée à Kaboul en moins de six mois afin de décider d'une autorité transitoire. L'accord mandatait aussi la convocation d'une Lova Jirga constitutionnelle dans les dix-huit mois dans le but de rédiger une nouvelle constitution afghane.

Finalement, en plus de mandater la création d'une banque centrale et de quelques autres institutions, l'accord de Bonn (plus particulièrement son Annexe I) demandait aux Nations Unies la création d'une force internationale de sécurité qui avait pour mission de (1) aider les Afghans à établir l'ordre et la sécurité dans leur pays; (2) aider les afghans à établir et entraîner des forces de sécurité; (3) assurer la sécurité de la capitale et être prêt à progressivement étendre cette sécurité à l'ensemble du pays; et (4) assister à la réhabilitation des infrastructures afghanes. Pour ce qui est de la reconstruction du pays, cet accord, survenu à peine quelques semaines après la chute des talibans faisait la mention suivante:

«The participants in the UN Talks on Afghanistan hereby urge the United Nations, the international community, particularly donor countries and multilateral institutions, to reaffirm, strengthen and implement their commitment to assist with the réhabilitation, recovery and reconstruction of Afghanistan, in coordination with the Interim Authority. » 142

142 Source: « Agreement on the provisional arrangements in Afghanistan pending the re-establishment of permanent government institutions », en ligne: www.un.orgfNews/dh/latcstlafghan/afghan-agree.htm

Suite à cet accord, une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies fut adoptée le 20 décembre 2001 afin de mettre sur pied une force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) dans le but « [...]d'aider l'Autorité intérimaire afghane à maintenir la sécurité à Kaboul et dans ses environs. »143 Cette force allait bénéficier d'un mandat émis en vertu du chapitre VII de la chartre des Nations Unies (imposition de la paix) '.

Par la suite, une série de résolutions allaient étendre progressivement la juridiction de la FIAS à tout le pays ' 45 . Le président Karzai allait plus tard officialiser sa position en gagnant les élections démocratiques présidentielles afghanes de 2004 avec 55% des voix et un taux de participation supérieur à ceux observés aux États-Unis et au Canada pour les dernières élections fédérales 146. Au cours de son mandat de «chairman >, il allait superviser la rédaction d'une nouvelle constitution, adoptée en janvier 2004 et dont les grandes lignes sont les suivantes:

«In order to: Strengthen national unity, safeguard independence, national sovereignty and territorial integrity of the country; Establish an order based on the peoples' will and democracy; Form a civil society void of oppression, atrocity, discrimination as well as violence, based on rule of law, social justice, protecting integrity and human rights, and attaining peoples' freedoms and fundamental rights; Strengthen political, social, economic as well as défense institutions; Attain a prosperous life and sound living environment for ail inhabitants of this land; And, eventually, regain Afghanistan's appropriate place in the international family; [...]Afghanistan shall be an Islamic Republic, independent, unitary and indivisible state.

Résolution 1386 (2001) du conseil de sécurité des Nations Unies.

144 Le chapitre VII de la charte - Action en cas de menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression - autorise les états membres à employer la force armée, si nécessaire, pour faire respecter les résolutions du conseil de sécurité (Source : Charte des NU, articles 39 à 51

Dont la résolution 1510 (2003).

146 Ule taux de participation aux élections nationales afghannes fut supérieur à 70% malgré les risques d'attentats dans les bureaux de scrutin, comparativement à 43,6% aux Etats-Unis aux élections fédérales de 2006 et 60,9% aux élections fédérales Canadiennes de 2004 (Sources: UNDP

(www.elections-afghanistan.org.af); US Federal Election Commission (www.fec.gov ); Élections Canada (www.elections.ca/contenLasp?section=pas&document=turnout&lang=f&textonly=false))

147 Voir le texte complet, en ligne (page consultée le 2 mars 2009) www .president.gov .a!7cngl ish/constitution .mspx