• Aucun résultat trouvé

Création de la polémologie

SECTION I. L’AVENTURE POLÉMOLOGIQUE

1. Création de la polémologie

Gaston Bouthoul est un sociologue dont la renommée à l’étranger223 compense l’ignorance dont la France l’accable depuis sa disparition en 1980. Ce spécialiste du « phénomène guerre » est né en 1896.

Passé par diverses fonctions, au rang desquelles celle de critique littéraire à la Revue internationale de sociologie,224 puis d’avocat225, Bouthoul devient en 1924 docteur en droit, après avoir soutenu sa thèse sur La durée du travail et l’utilisation des loisirs, à la Faculté de Droit de l’Université de Paris. Enseignant à la Sorbonne il délaisse pourtant la carrière universitaire qui lui est toute tracée. Quand se déclenche la Seconde Guerre mondiale, Bouthoul, appelé sous les drapeaux puis démobilisé en 1945, prend le parti des résistants.

223

Dans les pays latins, et en particulier en Espagne. Un des meilleurs spécialistes de Gaston Bouthoul est le professeur Jerónimo Molina. En 2009, il lui dédie un numéro entier de sa revue : Gaston Bouthoul, in Empresas

políticas (Murcie), nº 14, juillet-décembre 2009. Le Centro Superior de estudios de la defensa nacional

(CESEDEN), rattaché au ministère de la défense espagnole, a par ailleurs publié deux monographies où l’approche polémologique est sollicitée : « Las nuevas guerras y la polemología », octobre 2009 et « La

violencia del siglo XXI. Nuevas dimensiones de la guerra », octobre 2009 :

http://www.sepe.es/speebuscador/buscar.do?q=cache:0Q5aWLQ7bgIJ:www.defensa.gob.es/ceseden/Galerias/de stacados/publicaciones/monografias/ficheros/111_LAS_NUEVAS_GUERRAS_Y_LA_POLEMOLOGIA.pdf+ Buscar%20en%20SEPE...&ie=UTF-

8&site=DEF&output=xml_no_dtd&client=default_frontend&access=p&oe=UTF-8

224 MONTAGNON Guillaume, Genèse de la polémologie, dir. Cumin David, Mémoire de recherche, Science-

Politique, Université Lyon III, 2010, http://www.theatrum-belli.com/archive/2011/07/26/genese-de-la- polemologie-memoire-de-guillaume-montagnon.html, p.10

225 Ibid. « Nous ne possédons pas sa date d’entrée au barreau de Paris. Tout au plus, il l’était déjà en 1928,

comme le précise sa qualité de membre et de trésorier à l’Institut international de sociologie dans les annales publiées par ce dernier : « Bouthoul (Gaston), professeur de droit, avocat à la Cour d’appel de Paris, collaborateur de la Revue internationale de sociologie, trésorier de l’Institut » p.11

Durant cette sombre période il fréquente de nombreux intellectuels, en particulier des poètes tels Paul Eluard, Aragon, Jean Cocteau ou encore Georges Auric226.

La création de la polémologie représente pour Gaston Bouthoul l’éclosion d’un nouveau chapitre de la sociologie. Le fondement de sa pensée réside dans une interrogation : pourquoi se répètent les guerres ? Il en tire un article intitulé : « Sur la fonction présumée et la périodicité des guerres », publié dans la Revue des sciences économiques en 1939227. Bouthoul s’efforce d’étudier les conséquences des guerres mondiales, lui qui les a connues dans toute leur horreur. Avec le secours de quelques amis, le voilà fondateur de l’Institut français de Polémologie en 1945228, qui sera le véhicule de sa pensée. L’œuvre du sociologue reste centrée sur l’étude de la guerre. Sa substance est recueillie dans le Traité de polémologie, véritable somme de plus de 800 pages.

La polémologie

Fidèle à son adage, « si tu veux la paix connais la guerre », Gaston Bouthoul forge le vocable « Polémologie ». Julien Freund resitue l’époque : « Nous sortions alors du cauchemar qu'était la seconde guerre mondiale et Bouthoul pensait qu'il était nécessaire d'analyser de plus près le phénomène de la guerre, pour connaître de façon plus précise tant ses causes que ses effets sur les sociétés »229. Étymologiquement, « polémologie » provient du grec polemos signifiant conflit, guerre, et du suffixe logos, utilisé classiquement pour désigner une science. Bouthoul construit ce néologisme pour faire le distinguo entre les sciences enseignées dans les académies militaires et celle qui se voudrait être la sociologie de la guerre.

La polémologie introduit une rupture avec les approches traditionnelles de la guerre230, dans la mesure où elle ne ploie pas sous le joug du moralisme, d’une idéologie quelconque ou d’une efficacité convoquée par les recommandations militaires, mais repose sur l’observation rigoureuse, sur une scientificité revendiquée. Comme toute science sociale, la polémologie est créée à partir de la rupture avec la philosophie. Néanmoins, la compréhension du phénomène

226 BOUTHOUL Gaston, « Le rempart d’Audiberti », Nouvelle Revue Française, 1965 : « Dans la maison du

regretté René Laporte se réunissaient la Poésie et la Résistance. Nous y rencontrions Aragon, Georges Auric, Jean Cocteau, Paul Eluard, Claude Roy, Pierre Seghers, André Verdet et bien d’autres » p.1053

227

KLINGER Myriam (dir.), Héritage et actualité de la polémologie, Téraèdre, 2007, p.11

228 Cf. Titre II, Chapitre 3, Section I, §2, 2.

229 FREUND Julien, « L’institut de polémologie de Strasbourg », Revue des sciences sociales de la France de

l’Est, (Strasbourg), 1975, n°4, p.333

guerre ne peut se satisfaire d’une demi-analyse. L’apport de Freund prend tout son sens : il réconcilie et agrège les deux approches.

Précision sémantique

La signification du mot polémologie demeure obscure pour nombre de contemporains. Les uns s’y réfèrent en permanence, voyant en elle toute « science de la guerre »231

, et les autres y incluent jusqu’à l’étude statistique de la violence routière. Dans ce mémoire « polémologie » se réfère expressément à la science mise en place par Bouthoul et Freund, et non au mot-valise où sont rangées toutes sortes d’acceptions. Déjà, Gaston Bouthoul insistait sur la différence entre « science de la guerre », comme conçue en 1945, à savoir dans le cadre des relations internationales, et polémologie232.

2. Raisons et finalités de la polémologie

Documents relatifs