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2. Place des apports en iode chez la femme enceinte

2.1. Apports alimentaires en iode

2.1.3. Couverture des besoins

La cohorte Elfe (suivie pour mieux connaître les facteurs ayant une influence sur le développement des enfants) constituée de 18 000 enfants nés en 2011, étudiée par Santé Publique France, est représentative de la population. La prévalence d’insuffisance d’apport est estimée par la méthode de la valeur seuil au Besoin Nutritionnel Moyen (BNM) et le pourcentage de femmes ayant des apports inférieurs à l’Apport Satisfaisant (AS) a été calculé (Tableau 15). [40]

Tableau 15 : Apports des femmes enceintes dans la cohorte Elfe.

Pourcentages de femmes enceintes Apports insuffisants

< 25 %

Vitamine B3 Calcium Phosphore

Entre 25 et 50 %

Vitamine B5 Vitamine B12 Vitamine C Vitamine E Magnésium

>75%

ALA (acide α-linolénique) EPA (acide eicosapentaénoïque)

Fibres Vitamine B9

Vitamine D Iode

L’iode fait partie des déficits d’apport les plus courants en oligoéléments pendant la grossesse dans le monde. L’étude SUVIMAX a confirmé un niveau de carence léger à modéré en France. [2]

La carence peut être de deux types : primaire ou secondaire.

La carence primaire est le déficit en iode dans le milieu (eau, aliments, sol ...) et s’explique par la variabilité géographique.

La couverture des besoins en iode est inégale selon la région. Cette disparité était d’autant plus marquée à l’époque où l’importation des aliments n’était pas si facile. Ce constat a été fait dès la découverte du crétinisme réparti de façon très hétérogène sur le territoire (Figure 38).

Figure 38 : Carte de la distribution géographique du crétinisme en France établie en 1873 par le Dr Jules Baillarger

La teneur en iode dans les sols influence sa concentration dans les aliments et dans l’eau.

L’éloignement de la mer entraine un faible apport en iode atmosphérique marin, couplé à une utilisation des stocks d’iode (par le bétail notamment) qui ne sont pas forcément renouvelés. On pense ici aux régions montagneuses (Pyrénées, Alpes, Cordillères des Andes et Himalaya). Les faibles précipitations diminuent les apports en iode aux sols mais, à l’inverse, certains sols peuvent également ne pas retenir l’iode car trop lessivés (eau abondante qui fait ruisseler l’eau transportant l’iode vers les nappes phréatiques) comme les zones ayant subi les dernières glaciations (même si elles se situent en bord de mer).

Ainsi, selon la zone géographique, les aliments et l’eau consommés par la population (même au sein d’un même pays) ont des concentrations en iode différentes.

Ces différents facteurs entrainent des degrés de risques de carence ou d’excès en iode différents selon les zones dans le monde. (Figure 39)

Figure 39 : Influence du statut en iode sur la santé de la population mondiale :

Résultats basés sur la concentration en iode urinaire pour la période 1993-2006

En Inde par exemple, des échantillons ont été recueillis au nord-est (Longvah et Deosthale en 1998) et à Hyderabad (Mahesh en 1993) dans l’eau du sol. On observe un très net écart entre la moyenne la plus basse (Nagaland) et la moyenne la plus haute (Hyderabad) (Tableau 16). Sur un même territoire, les apports par l’eau du sol à la future alimentation de la population seront différents. [41]

Tableau 16 : Concentrations en iode dans l’eau du sol (µg/L). Echantillons du nord est indien

(Longvah et Deosthale, 1998) et à Hyderebad (Mahesh en 1993)

La carence secondaire est due à des facteurs modifiant l’utilisation de l’iode par l’organisme, des facteurs anti-thyroïdiens (ou goitrogènes) ou encore une maladie thyroïdienne.

Les facteurs goitrogènes sont des facteurs extérieurs comme la consommation d’isoflavones oestrogéniques, ou polluants comme le perchlorate, les nitrates et le thiocyanate.

Les isoflavones oestrogéniques sont les protéines de soja. Elles sont souvent utilisées pour soulager les femmes des symptômes de la ménopause, pour nourrir le bétail (consommé par la suite) et pour remplacer la viande dans certains régimes. Ce sont des molécules fréquemment retrouvées.

En 1971, Hemken et al montrent que le soja contient une molécule goitrogène : Des veaux goitreux sont nés de vaches nourries avec de l’ensilage de maïs, d’orge et de soja dans le Maryland (EU), zone non carencée en iode (l’alimentation des vaches avait une concentration en iode supérieure aux recommandations officielles). Il a été distribué à deux groupes de bétail le même fourrage mais deux sources de protéines différentes : l’une provenant de graines de soja et l’autre de graines de coton et de l’urée.

Le groupe des vaches nourries à base de soja a donné naissance à des veaux goitreux. La nature goitrogénique du soja a donc été prouvée.

On a ensuite analysé l’extrait de soja et identifié les deux isoflavones génistéïne et daidzéïne comme composants principaux (en comparaison directe avec les isoflavones de référence). En présence d’ion iodure, la génistéine et la daidzéïne ont bloqué l’iodation de la tyrosine par la thyroperoxydase en créant des mono, di et tri-iodo-isoflavones.

La CI50 (Concentration inhibitrice médiane) en génistéine et daidzéine de l’action de la thyroperoxydase est d’environ 1 à 10 µM, ce qui est en rapport avec les concentrations retrouvées dans le plasma de personnes consommant du soja (environ 1 µM). [42]

Une partie de l’Avis de l’ANSES est consacrée à la consommation de phyto-estogènes pendant la grossesse, en se basant sur le rapport « Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l’alimentation – Recommandations » (AFSSA en 2005). La consommation de phyto-oestrogènes doit être limitée chez la femme enceinte et une supplémentation en iode est conseillée en raison de la diminution de l’absorption de l’iode. Un Avis de l’ANSES en 2011, relatif à l’évaluation des risques liés aux substances à but nutritionnel ou physiologique dans l’objectif de restreindre ou interdire leur emploi dans les denrées alimentaires, confirme les recommandations de l’AFFSA. Au-delà d’1 mg par kilogramme de poids corporel par jour de phyto-estrogènes, des effets indésirables pour le fœtus sont susceptibles d’apparaitre (augmentation du risque de cancer du testicule ou du sein à l’avenir). Pour ce qui est de la baisse d’absorption de l’iode en présence de estrogènes, le groupe de travail « phyto-estrogène » propose une supplémentation en iode d’environ 125 µg/j (sous forme de sel iodé ou de complexes polyvitaminiques) afin d’éviter une carence.

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