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Cour de cassation, chambre criminelle Audience publique du mercredi 21 octobre

CASSATION sur les pourvois formés par X..., Y..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 25 juin 1998, qui les a renvoyés devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, sous l'accusation, pour la première, de viols et agressions sexuelles aggravés et, pour le second, de complicité de ces faits et abandon moral d'enfant.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en 1986, Z..., alors âgé de 13 ans, lors de vacances passées avec son père et la seconde épouse de celui-ci, X..., aurait été incité par eux, dans un but allégué d'initiation sexuelle, à pratiquer des attouchements sur cette dernière ; Que, par la suite, durant environ un an, à l'occasion de visites rendues à son père, Z... aurait échangé des caresses intimes avec X... sous le regard et sous les directives de Y... ; Qu'à l'âge de 14 ans, le jeune garçon aurait eu avec sa belle-mère des relations sexuelles complètes qui se seraient renouvelées de façon régulière jusqu'à ce que X... décide d'y mettre fin en 1992 ; Que ces relations se seraient déroulées le plus souvent en présence du père et que des photographies ont été prises tant par Y... que par son fils ; Qu'en 1992, la jeune sœur de Z..., A..., alors âgée de 13 ans, a découvert ces clichés, lors d'un séjour chez son père, sous le lit de la chambre de celui-ci ; Qu'elle s'est décidée, 2 ans plus tard, à en révéler l'existence, ce qui a provoqué le déclenchement des poursuites, le 20 mai 1994 ; Attendu que, par l'arrêt attaqué, la chambre d'accusation a renvoyé, pour ces faits, X... et Y... devant la cour d'assises sous l'accusation, pour la première, de viols et agressions sexuelles aggravés et, pour le second, de complicité de ces infractions ; qu'elle a également retenu à l'encontre de Y... le délit connexe d'abandon moral d'enfant pour n'avoir pas dissimulé à la vue de sa fille des photographies à caractère pornographique ;

En cet état : Sur le premier moyen de cassation présenté par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour X..., pris de la violation des articles 332 ancien, 222-23 nouveau du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

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" En ce que X... a été renvoyée devant la cour d'assises des chefs de viols aggravés sur la personne de son beau-fils, Z... ; " alors que, ne constitue pas une pénétration sexuelle subie par un homme le fait pour lui d'avoir des relations sexuelles normales avec une femme ; que l'élément matériel des viols allégués n'existe pas " ; Sur le premier moyen de cassation présenté par Me Thouin-Palat pour Y..., pris de la violation des articles 59, 60, 332 de l'ancien Code pénal, 111-4, 121-26, 121-27, 222-23 du nouveau Code pénal : " En ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Y... devant la cour d'assises, sous l'accusation de complicité de viols, commis par X... sur la personne de Z..., par personne ayant autorité et par plusieurs personnes agissant comme auteur ou complice, sur mineur de 15 ans et plus ; " Aux motifs que sur le plan matériel, les actes de nature sexuelle ne sont pas contestés ; il s'agit d'abord d'attouchements suivis à partir de 1987 par des relations sexuelles entre Z... et sa belle-mère ; de nombreux éléments permettent de caractériser l'absence de consentement de la victime (...) ; que constituent des viols au sens des articles 332 de l'ancien Code pénal, et 222-23 du Code pénal le fait par une belle-mère d'abuser de l'autorité dont elle dispose sur un enfant pour imposer ainsi à un jeune garçon d'avoir avec elle des rapports sexuels sous la contrainte ; (cf. arrêt p. 5, paragraphe 4, et p. 7, paragraphe 3) ; " Alors que l'élément matériel du crime de viol consiste en un acte de pénétration sexuelle perpétré sur la personne d'autrui ; que ne constitue, dès lors, pas un viol, le fait, par une femme, d'abuser de son autorité sur un homme, mineur de 15 ans ou plus, pour lui imposer des rapports sexuels sous la contrainte ; que, par suite, Y... ne pouvait être accusé de complicité de viols commis par X... sur la personne de Z... " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 111-4, 332 ancien et 222-23 du Code pénal ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que l'élément matériel du crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime ;

Attendu que, pour renvoyer X... et Y... devant la cour d'assises, la première, sous l'accusation de viols aggravés, et, le second, sous l'accusation de complicité de ces crimes, la chambre d'accusation énonce que constituent des viols, au sens des articles 332 ancien et 222-23 du Code pénal, le fait pour une femme d'abuser de l'autorité dont elle dispose sur un jeune garçon pour lui imposer d'avoir avec elle des rapports sexuels ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; Et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles 331 et 333 anciens et 222-22 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure

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pénale ; Vu lesdits articles ; Attendu que, si les chambres d'accusation apprécient souverainement les faits dont elles sont saisies, c'est à la condition qu'elles justifient leurs décisions par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction ; Attendu que, pour renvoyer X... et Y... devant la cour d'assises, la première, sous l'accusation de viols et agressions sexuelles aggravés, et, le second, sous l'accusation de complicité de ces infractions, la chambre d'accusation énonce que " c'est à l'âge de 13 ans que, sous des motivations pseudo- pédagogiques, Z... a été encouragé par son père à observer et toucher la nudité de sa belle-mère, âgée de 21 ans de plus que lui ; que, feignant la tendresse et exploitant le besoin qu'ils avaient eux-mêmes suscité, X... et Y... ont ensuite proposé à Z... des relations sexuelles ; qu'ainsi, compte tenu de son jeune âge, de son manque de discernement et du lien d'autorité existant, Z... s'est trouvé dans un état de dépendance affective caractérisant à son égard la contrainte morale qui s'est maintenue tout au long des relations sexuelles, y compris au-delà de la majorité " ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, en se fondant, pour caractériser la violence, la contrainte ou la surprise, sur l'âge de la victime et la qualité d'ascendant ou de personne ayant autorité des auteurs présumés, alors que ces éléments, s'ils permettent de retenir, contre ces derniers, le délit d'atteinte sexuelle aggravée sur mineur, prévu et réprimé par les articles 331 et 331-1 anciens et 227-25, 227-26 et 227-27 du Code pénal, ne constituent que des circonstances aggravantes du crime de viol ou du délit d'agression sexuelle, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ; D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

[…]

D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 25 juin 1998 ;

Et pour être jugé à nouveau, conformément à la loi,

141 Résumé de la recherche

Toutes les neuf minutes en France, une femme subit un viol ou une tentative de viol. Les nombreux témoignages lors du mouvement #MeToo en 2017 ont montré que les violences sexuelles ne sont pas un problème individuel mais un fait social. Nous avons voulu nous pencher sur l’impact des représentations de la culture du viol sur le soin dont peuvent bénéficier les personnes victimes. L’aspect médico-judiciaire de la prise en soin implique souvent l’adhésion à un statut de victime à partir duquel la dimension sociale des violences subies est neutralisée. Pour autant, nous avons constaté que les représentations sociales autour des violences sexuelles influencent la qualité des soins aux personnes victimes, de même qu’elles peuvent conduire à un défaut de soin. Face à cette ambiguïté, nous avons cherché à mesurer la dimension thérapeutique des pratiques et savoirs féministes en matière de soins après des violences sexuelles afin d’ouvrir la réflexion pour une prise en charge adaptée qui prendrait la juste mesure de la gravité des violences sexuelles tout en laissant la possibilité aux personnes de s’autodéterminer.

Mots-clés en français : éthique, violences sexuelles, soin, féminisme, statut de victime

Every 9 minutes in France, a woman is subjected to rape or attempted rape. Many submissions collected during the #MeToo protest movement have shown that sexual abuse is not an individual problem, but a major social fact. We wanted to question the influence of rape-culture on the type of healthcare victims can get. The Medico-legal aspect of care seems to involve being granted the victim status, from which the social dimension of sexual abuse is erased. However, we noted that the social constructs surrounding sexual abuse impacted access to quality healthcare. Considering that ambiguity, we have sought the therapeutic dimension of feminist knowledge and practice, to broaden thinking patterns on appropriate care, which would not only recognize the severity of sexual abuse, but also let people have the right to self- determination.