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1.3 La modélisation des écoulements souterrains

1.3.4 Le couplage avec la surface

Si on s’intéresse de plus près au développement des études précédemment présentées, deux types d’approche se distinguent pour prendre en compte les interactions entre l’aquifère et le sol.

La première méthode consiste à distinguer la zone non-saturée de la zone saturée. Les équa- tions sont résolues séparément dans chacune des couches pour la détermination de l’humidité du sol dans la zone non-saturée (équation de Richards) et la hauteur d’eau dans la zone saturée (équation de diffusion). Les interactions sont ensuite calculées soit uniquement du sol vers la nappe (Habets et al.,2008), soit en prenant également en compte les possibles remontées capil- laires de la nappe vers le sol (Fan et al., 2007; Gutowski et al., 2002; Niu et al., 2007; York et al.,2002). L’épaisseur de la zone non-saturée peut varier en fonction des hauteurs de la nappe pour garder un sol continu (Miguez-Macho et al., 2007), ou bien rester constante (Gutowski et al., 2002; Niu et al., 2007).

La deuxième méthode considère plutôt l’aquifère et le sol comme une seule entité. Dans ce type d’approche, les profils de pression pour la zone non-saturée et la zone saturée sont résolus ensemble via une forme mixte de l’équation de Richards (Maxwell et Miller, 2005; Yeh et Eltahir,2005a,b). La hauteur de nappe est ainsi automatiquement déterminée dans la colonne de sol quand la saturation est à 100 %. Liang et al. (2003) adopte une position intermédiaire en ne résolvant l’équation de Richards uniquement dans la zone non-saturée, mais en considérant la hauteur de nappe comme une condition au limite variable, ce qui évite d’introduire une paramétrisation supplémentaire pour l’aquifère. On notera toutefois que ces méthodes peuvent être coûteuses en temps de calcul puisqu’il est nécessaire de prolonger la colonne de sol jusqu’à l’aquifère, ce qui s’effectue généralement en multipliant le nombre de couches de sol.

Les relations nappe/rivière

L’écoulement en rivière résulte de mécanismes hydrologiques intervenant à différentes échelles de temps. L’eau provenant d’une pluie intense ou de la fonte des neiges provoquera une crue et participera à la composante rapide et temporaire du débit en rivière. A l’opposé, le débit de base caractérise sa composante lente et persistante dans le temps.

Le débit de base résulte en majorité des échanges d’eau entre la rivière et les eaux souter- raines tout le long du réseau hydrographique. Ces échanges sont fonction des caractéristiques hydrodynamiques du lit de la rivière et de la différence de hauteur d’eau entre la rivière et la nappe. Trois situations peuvent se rencontrer. Sur la figure 1.10a, la nappe et la rivière sont connectées et la hauteur de la nappe est supérieure au niveau de la rivière. L’écoulement s’ef- fectue alors de la nappe vers la rivière. Dans le cas de la figure 1.10b, le niveau de la nappe est inférieur à celui de la rivière, mais les deux sont toujours connectés ; l’écoulement s’effectue de la rivière vers la nappe. Enfin, le dernier cas de la figure 1.10c caractérise une situation où la nappe est totalement déconnectée de la rivière. L’écoulement s’effectue alors uniquement de la rivière vers la nappe et dépend en plus des caractéristiques du matériau sous le lit de la rivière. La modélisation de ces échanges nécessite en théorie une connaissance détaillée des caractéris- tiques géomorphologiques de la rivière. Or, ceci est impossible dans la plupart des modélisations hydrogéologiques actuelles du fait de la grande taille des mailles employées, qui excède généra- lement les dimensions de la rivière. Certaines études modélisent ces échanges en reprenant les équations des milieux saturés en milieu poreux, ce qui pose le problème de détermination de paramètre et de temps de calcul (Kollet et Maxwell,2006). Une méthode couramment employée consiste à utiliser un paramètre s’apparentant à la transmissivité du matériau constituant le

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Fig. 1.10 – Schéma des trois situations d’échanges entre une rivière et sa nappe alluviale (d’après Sophocleous (2002))

lit de la rivière (Rushton, 2007). L’hypothèse sous-jacente est de considérer le lit de la rivière comme un matériaux semi-perméable dans lequel l’écoulement s’effectue selon la loi de Darcy (cf. equation 1.11) (Rushton et Tomlinson,1979). Le débit échangé Qr (m3m−3) s’écrit alors en

fonction du gradient hydraulique ∆h :

Qr= T P ∆h (1.19)

Le coefficient d’échange nappe/rivière T P est théoriquement défini comme étant le produit de la conductivité hydraulique du matériau du lit de la rivière avec le ratio de l’aire de la rivière dans la maille sur l’épaisseur du lit supposée. En pratique, la détermination de ce coefficient est souvent réalisée via une phase de calibration sur des mesures de débits. Ce formalisme sera revu plus en détail dans le chapitre 4 lors de la description du modèle d’aquifère.

Chapitre 2

Le système hydrologique continental

ISBA-TRIP

Le système hydrologique continental (CHS) ISBA-TRIP est utilisé à Météo France pour fournir des conditions d’humidité et de température réalistes au modèle atmosphérique Action de Recherche Petite Échelle et Grande Échelle (ARPEGE). Le modèle de surface (LSM) ISBA calcule les échanges d’eau et d’énergie à l’interface sol-végétation-atmosphère, tandis que le modèle de routage (RRM) TRIP convertit le ruissellement total généré par ISBA en débit aux embouchures des grands fleuves. Dans cette thèse, des sorties d’ISBA ont été utilisées dans sa version « force-restore » à trois couches, dénommée ISBA-3L, pour la validation du schéma d’aquifère développée dans TRIP, d’abord sur la France (chapitre 4) puis à l’échelle globale (chapitre 5). L’utilisation de la version multicouche, ISBA-DF, basée sur une physique plus réaliste, a ensuite permis le couplage direct de la nappe avec le sol d’ISBA (chapitre 6).

Sommaire

2.1 Le modèle de surface ISBA . . . . 39 2.1.1 Le bilan d’énergie d’ISBA . . . 40 2.1.2 Le réservoir de végétation . . . 41 2.1.3 Infiltration et ruissellement . . . 42 2.1.4 Le réservoir de neige . . . 42 2.1.5 Le schéma de sol d’ISBA-3L . . . 43 2.1.6 Le schéma de sol d’ISBA-DF . . . 45 2.2 Le modèle de routage TRIP . . . . 47 2.2.1 La version initiale de TRIP . . . 48 2.2.2 L’écoulement à vitesse variable . . . 49 2.2.3 Le réservoir profond . . . 49

2.1 Le modèle de surface ISBA

La version initiale d’ISBA a été développée au CNRM par Noilhan et Planton (1989). Cette première version repose sur une physique simple de type « bucket » et utilise un nombre mi- nimum de paramètres basé sur le type de sol et de végétation. Conformément à l’approche de Deardorff (1978), elle dispose d’une représentation simple de la végétation et décrit l’évolution du contenu en eau du sol sur deux couches hydrologiques en se basant sur une approche de type « force-restore ». De nombreuses améliorations se sont ajoutées depuis cette version initiale ; notamment l’inclusion d’un drainage gravitationnel (Mahfouf et Noilhan, 1996), l’ajout d’une troisième couche hydrologique (Boone et al., 1999) ou encore la prise en compte d’un drainage sous-maille (Habets et al.,1999a). L’évaluation du modèle d’aquifère, que nous aborderons dans les chapitres 4 et 5, repose sur des simulations issues de la version à trois couches hydrologiques ISBA-3L.

40 Chapitre 2. Le système hydrologique continental ISBA-TRIP Dans sa version « force-restore », ISBA a d’abord été implémenté dans le modèle ARPEGE- CLIMAT par Manzi et Planton (1994) et Mahfouf et al. (1995). Il fait aujourd’hui partie de la plate-forme de modélisation SURFace EXternalized (SURFEX). Son utilisation dans ce cadre s’effectue à l’échelle de la prévision du temps ou des scénarios climatiques (Noilhan et al., 2011; Seity et al.,2011; Voldoire et al.,2012), et également pour la prévision des crues à Météo France (Habets et al., 2004) ou pour des applications hydrologiques à grande échelle (Alkama et al.,

2010).

Déjà évoquée dans la section 1.2.2, une version multicouche d’ISBA, ISBA-DF, existe éga- lement (Boone et al., 2000; Decharme et al., 2011). Plus récente, cette version fournit une représentation plus réaliste du profil du sol et de l’évolution du bilan d’eau et d’énergie à l’inter- face sol-végétation-atmosphère. Elle résout explicitement l’équation 1.13 sur plusieurs couches de sol et, surtout, permet la représentation explicite de plusieurs nouveaux processus, notam- ment la prise en compte des remontées capillaires d’une hauteur de nappe dynamique dans le sol.

Au cours de cette thèse, ISBA a été utilisé en mode forcé, c’est-à-dire sans couplage avec le modèle atmosphérique ARPEGE. À cet effet, les variables atmosphériques nécessaires au fonctionnement d’ISBA sont listées dans le tableau 2.1. Le lecteur pourra s’y référer dans les sections suivantes lors de la description de la physique d’ISBA et des forçages atmosphériques utilisés.

Il est important de préciser que, dans un souci de simplicité, les équations présentées dans ce chapitre ne comportent pas la prise en compte des processus de gel et de dégel. Ces processus sont toutefois bel et bien implémentés dans ISBA, et une description détaillée en est proposée dans Boone et al. (2000) et Boone (2000).

Variable atmosphérique Notation Unité

Rayonnement solaire Rg W m−2

Rayonnement atmosphérique Ra W m−2

Précipitations liquides Pr kg m−2s−1

Précipitations solides Sr kg m−2s−1

Température de l’air à 2 m d’altitude Ta K

Vitesse horizontale du vent à 10 m d’altitude Va m s−1

Humidité spécifique de l’air à 2 m d’altitude qa kg kg−1

Pression atmosphérique à la surface Ps Pa

Tab. 2.1 – Liste des variables atmosphériques nécessaires au fonctionnement d’ISBA en mode forcé.