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Chapitre 1 : Introduction aux métamatériaux

1.4 Couplage fluorescence plasmon

1.4.1 Introduction

Dans les métamatériaux, la perte d’énergie intrinsèque liée à la résonance plasmon limite les applications possibles. C’est pourquoi, en parallèle des recherches sur la fabrication des métamatériaux, de nombreux chercheurs travaillent déjà à une solution pour compenser les pertes dans ces systèmes. Parmi les pistes possibles, l’apport d’énergie au plasmon par le transfert d’énergie d’un émetteur fluorescent est prometteur. Toutefois, la physique des interactions de tels systèmes est encore méconnue.

Dans une molécule fluorescente (fluorophore), les niveaux d’énergie électroniques sont quantifiés. Lors de l’excitation par un rayonnement électromagnétique d’énergie suffisante, les électrons du niveau fondamental S0absorbent de l’énergie et se retrouvent sur des niveaux énergétiques supérieurs S1, S2, Sx. Le retour spontané vers le niveau fondamental résulte de plusieurs processus : les électrons des niveaux excités S2-Sx redescendent vers le premier niveau excité S1 par un processus de conversion interne (de l’ordre de la femtoseconde). A ce

31 stade, les électrons S1 peuvent soit redescendre sur le niveau fondamental S0 soit passer vers un état triplet T1. Le passage de l’état S1 vers l’état S0 est appelé fluorescence, c’est un phénomène rapide (de l’ordre de la nanoseconde), qui s’accompagne de l’émission d’un photon d’énergie définie (processus radiatif) ou de chaleur (processus non radiatif). Le passage vers l’état triplet nécessite un changement de spin et est en général moins favorable (donc plus lent). Le retour au niveau fondamental après passage par l’état triplet est appelé phosphorescence et à un temps caractéristique de l’ordre de la milliseconde.

Ces différents mécanismes sont résumés dans le diagramme de Jablonski présenté sur la Figure 27. Lors de l’excitation d’une molécule fluorescente, il est possible qu’une réaction photochimique ait lieu et empêche le retour des électrons vers l’état fondamental, on parle alors de photoblanchiment, et le fluorophore perd sa propriété de fluorescence.

Figure 27 : Diagramme de Jablonski représentant les différentes voies d’excitation/désexcitation des électrons dans une molécule fluorescente

Les nanocristaux semi-conducteurs (« quantum dots ») présentent également des propriétés de fluorescence. Cette catégorie d’émetteurs fluorescents se distingue par le fait que leurs propriétés physiques (et donc leurs propriétés de fluorescence) varient fortement avec la taille du cristal (Figure 28).

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Figure 28 : Evolution des propriétés de fluorescence d’une série

de quantum dots de (CdSe)ZnS de diamètre croissant [61]. Figure 29 : Evolution des niveaux d’énergie d’un quantum dot en fonction de son rayon r.

A l’état massif, la structure électronique d’un semi-conducteur non dopé présente une bande de valence pleine et une bande de conduction vide, séparées par une bande interdite, appelé « gap » de largeur énergétique Eg. Dans un nanocristal, les bandes d’états accessibles se séparent en niveaux discrets, du fait du nombre plus faible d’atomes que dans le cas d’un cristal macroscopique. Plus le rayon du nanocristal r est faible, plus les niveaux électroniques vont s’écarter les uns des autres, c’est le confinement quantique. En particulier, les niveaux HOMO (plus haute orbitale moléculaire occupée) et LUMO (plus basse orbitale moléculaire non occupée) qui déterminent le gap du nanocristal (Eg =ELUMO – EHOMO) s’écartent lorsque r diminue (Figure 29). Les nanocristaux sont donc des semi-conducteurs à gap ajustable, et permettent une fluorescence de longueur d’onde ajustable puisque l’énergie des photons émis est dépendante de la taille du gap.

1.4.2 Exaltation de fluorescence

Lorsqu’une nanoparticule métallique est soumise à un rayonnement électromagnétique à sa fréquence de résonance plasmon, les électrons de conduction du métal entrent en résonance collective. Ces oscillations sont intrinsèquement liées à la surface du métal et engendrent des régions de forte intensité du champ électromagnétique proche de la surface métallique. Lorsqu’une molécule fluorescente, ou un nanocristal semi-conducteur (QD), est placé dans cette zone, on observe une forte variation des temps de vie radiatif et non-radiatif [62]. Lorsque la distance est adéquate (typiquement entre 10 et 100 nm de la surface), on observe alors une exaltation de fluorescence [63]–[65]. Les deux principales causes de ce phénomène sont attribuées, premièrement à l’intensité accrue du champ local perçu par l’objet fluorescent qui a pour effet d’augmenter le taux d’excitation des électrons vers les états de haute énergie,

33 et deuxièmement au fait que la surface métallique augmente la densité d’états photoniques locale, ce qui se traduit par un nouveau taux de décroissance radiatif [66]–[68], et un temps de vie de fluorescence plus court.

Pour mieux comprendre, prenons le cas d’un fluorophore « libre » et d’un fluorophore proche d’une surface métallique. L’absorption d’un photon permet le passage des électrons vers l’état S1 après quoi ce dernier peut se désexciter pour émettre un photon, à un taux , ou retourner à l’état fondamental S0 par un processus non radiatif, avec un taux knr. D’autres processus de désexcitation sont également possibles, c’est ce que l’on appelle le « quenching » (que l’on peut traduire dans ce contexte par « extinction ») avec un taux de désexcitation kq.

On définit deux paramètres caractéristiques du système que sont le rendement quantique et le temps de vie de fluorescence.

Le rendement quantique Q0 est une grandeur qui caractérise l’efficacité de fluorescence d’un fluorophore, c’est la résultante d’une compétition entre les différents processus de désexcitation.

Le temps de vie de fluorescence 0 est le temps moyen qu’un ensemble de molécules fluorescentesreste dans l’état excité S1. Pour un fluorophore isolé on obtient :

Q0 =

 +k r+

0 =

 + knr+ (1.9)

L’environnement immédiat d’un fluorophore influence fortement le temps de vie de fluorescence et l’intensité de fluorescence (au travers de knr et kq) mais ne change généralement pas  [69]. Toutefois, si le fluorophore est placé près d’une surface métallique on observe l’apparition d’un nouveau temps de décroissance radiatif m. On note alors Qm et

m l’efficacité de fluorescence et le temps de vie de fluorescence en présence de la surface métallique.

Qm =  + 

 +  + k r+

m =

 + m+ knr+ (1.10)

L’ajout d’un nouveau temps de décroissance radiatif m a pour effet de réduire le temps de vie de fluorescence par rapport au cas du fluorophore libre et d’augmenter le rendement quantique. La molécule fluorescente ou le QD va donc réémettre un plus grand nombre de photons en un temps plus court, c’est le phénomène d’exaltation de fluorescence par un métal.

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1.4.3 Compensation de pertes

Parmi tous les cas de désexcitation possibles (Figure 30), il existe un cas particulier, conduisant à une extinction de la fluorescence, qui se produit lorsque deux conditions sont réunies. Premièrement, la bande d’émission du fluorophore et la bande de résonance plasmon de la particule métallique sont situées dans la même gamme spectrale. Deuxièmement, le fluorophore est spatialement situé à quelques nanomètres de la surface métallique.

On observe alors un transfert d’énergie du fluorophore vers le plasmon qui se traduit par une augmentation du taux de désexcitation non radiatif kq. Si kq devient très grand alorsQm tend vers zéro, d’où le phénomène d’extinction de fluorescence (Figure 31).

Figure 30 : Schéma récapitulatif des différentes voies de désexcitation possible d’une molécule fluorescente dans l’état excité située proche d’une nanoparticule d’or.

Figure 31 : Intensité de fluorescence d’une molécule fluorescence (atto532) greffée à distance contrôlée d’une nanoparticule d’or

L’effet négatif des pertes sur les applications des métamatériaux a été abordé plus tôt dans ce chapitre. Ces pertes proviennent de nombreuses sources comme la rugosité de surface, les effets de taille quantique, mais surtout les pertes fondamentales liées à la nature métallique des résonateurs (relations de Kramers-Kronig). De ce fait de grands moyens ont été mis en œuvre pour tendre vers un métamatériau sans pertes, comme l’amélioration des techniques de fabrication, la création de nouvelles structures, l’utilisation de matériaux non métalliques, ou encore l’incorporation de gain dans la structure. Une des voies les plus prometteuses consiste à placer à quelques nanomètres une boite quantique ou un fluorophore et un résonateur plasmonique possédant respectivement une fréquence d’émission et une fréquence de résonance plasmon dans la même gamme de fréquence. On observe alors l’extinction de la fluorescence de l’émetteur ainsi que l’accroissement de l’intensité de la résonance plasmon.

35 Ces dernières années il a été mis en évidence théoriquement et expérimentalement qu’il était possible de compenser les pertes [70]–[73] grâce à des objets fluorescents placés aux abords des résonateurs [74]–[78]. Il a même été montré qu’un gain suffisant pouvait permettre de réaliser des structures sans perte [79]–[82] voire pouvant même mener à un passage vers un régime laser [83]–[85]. Toutefois, les mécanismes physiques mis en jeu sont encore en discussion dans la communauté. Les deux paramètres clefs connus pour une compensation de perte efficace sont : la distance entre les émetteurs et les résonateurs et le bon recouvrement spectral de la bande de résonance plasmon des nanoparticules avec la bande d’émission radiative du fluorophore.

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