• Aucun résultat trouvé

Coupes d’iléon colorées au bleu Alcian/PAS et contre-colorées à l’hématoxyline.

Matériels et méthodes

R ESULTATS ET DISCUSSION Notre modèle d’étude du diabète

A, Coupes d’iléon colorées au bleu Alcian/PAS et contre-colorées à l’hématoxyline.

Mesures effectuées avec le logiciel AxioVision 4.8 : épaisseur de muqueuse (B), hauteur de villosité (C), profondeur de crypte (D), profondeur crypte/hauteur villosité (E), nombre de cellules par crypte (F) et nombre de cellules par villosité. (moyenne + esm) (* : p<0,05 versus NC). Souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines).

182

La quantité de mucus est diminuée et ses glycosylations sont modifiées à l'état pré-diabétique dans l'iléon

Le mucus est produit par les cellules caliciformes et nous en avons dénombré moins à l’état diabétique (Figure 5B). De plus, la coloration des mucines au bleu Alcian/PAS a révélé que les villosités ne sont pas totalement recouvertes de mucus dans l’iléon (Figure 4A, 5A). Néanmoins, du fait que le diamètre de l’iléon est significativement diminué sous régime gras (Figure 3B), une couverture similaire des villosités entre l’état normal et l’état pré-diabétique peut laisser présager d’une diminution globale de la quantité de mucus. Il est à noter de plus, que les cellules contenant des mucines colorées en bleu par le bleu Alcian (cellules caliciformes et cellules de Paneth), sont apparues vidées de leur contenu à l’état pré-diabétique (Figure 5A).

Figure 5 : Les cellules à mucus se vident avant le diabète et leur nombre diminue significativement au cours du diabète installé.

A, Coupes d’iléon colorées au bleu Alcian/PAS et contre-colorées à l’hématoxyline.

B, Nombre de cellules caliciformes par section complète d’iléon (moyenne + esm) (* : p<0,05 versus NC). Souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines).

183

Le gel de mucus est composé principalement de Muc2 et nous avons trouvé que la muqueuse de l’iléon en contient moins à l’état diabétique, alors qu’à l’état pré-diabétique le marquage de Muc2 est au moins aussi intense et aussi couvrant qu’à l’état normal (Figure 6).

Figure 6 : Le nombre de cellules à mucus ainsi que la couverture par Muc2 sont diminués à l’état diabétique.

Immunomarquage de Muc2 dans l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines).

Nous avons ensuite quantifié Muc2 par ELISA et constaté premièrement un gradient croissant du jéjunum au côlon (Figure 7A) et deuxièmement une diminution à l’état pré-diabétique, renforcée à l’état diabétique (Figure 7B).

184

Figure 7 : La quantité de Muc2 augmente du jéjunum au côlon. La quantité de Muc2 est diminuée dans l’iléon à l’état prédiabétique.

Dosage de Muc2 par ELISA dans la muqueuse du jéjunum, de l’iléon et du côlon de souris sous régime normal (A), et dans la muqueuse de l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (B). (moyenne + esm) (n = 7) (* : p<0,05 versus NC)

Pourtant, l’expression génique de la mucine Muc2 n’était pas diminuée et même augmentée à l’état pré-diabétique, en même temps que celle des mucines Muc3, Muc4 et du peptide trifolié TFF3. Seule l’expression de la mucine membranaire Muc1 était diminuée (Figure 8). Cette contradiction pourrait s’expliquer soit par une régulation post-transcriptionnelle de l’expression de Muc2, soit par sa dégradation. En fait, l’expression des mucines est controlée par régulation transcriptionnelle ou épigénétique. La régulation transcriptionnelle de Muc2 est médiée par des facteurs de transcription qui se fixent spécifiquement sur le promoteur du gène codant pour Muc2. Des facteurs biologiques, incluant des bactéries, des produits bactériens, des toxines, des cytokines, des hormones, des neuropeptides et des facteurs de croissance sont impliqués dans la régulation positive ou négative de la transcription de Muc2[559]. De plus, une régulation épigénétique de Muc5AC et Muc2 est rapportée dans la carcinogenèse colorectale, par déméthylation du promoteur[560]. Une stimulation de l’expression de Muc2 est rapportée dans des cellules coliques en réponse à l’adhérence de bactéries pathogènes du genre Shigella[561] ou de probiotiques comme Lactobacillus plantarum[562]. Ainsi, la surcroissance bactérienne que nous avons identifiée précédemment dans l’iléon[476] pourrait conduire à l’augmentation de l’expression des mucines que nous avons quantifiée à l’état pré-diabétique. La déplétion de Muc2 au niveau protéique pourrait alors être due à une activité mucolytique exacerbée sous régime gras. Une augmentation de l’expression de mucines au niveau de l’ARN messager associée à une

185

quantité moindre de mucus a d’ailleurs été déjà rapportée dans l’intestin grêle sous l’effet du jeûne[563].

Figure 8 : L’expression des mucines (Muc2, Muc3, Muc4) et de TFF3 est augmentée avant le diabète.

Quantification de l’expression génique de Muc1, Muc2, Muc3, Muc4 et TFF3 par RT-qPCR dans la muqueuse de l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (moyenne + esm) (n = 7) (* : p<0,05 versus NC)

Après l’analyse de la fraction protéique des mucines, nous avons ensuite étudié la fraction glucidique. Quantifiées par fluorimétrie directe, les O-glycosylations totales étaient diminuées significativement à l’état pré-diabétique (Figure 9), alors que l’analyse de l’expression génique des différents variants de l’enzyme responsable de l’initiation des O-glycosylations (Galnt) a montré pour certaines une augmentation significative (Figure 10). La diminution simultanée de la fraction protéique et de ses glycosylations nous suggère que l’ensemble de la mucine était dégradé dès l’état pré-diabétique.

186

Figure 9 : La quantité de O-glycosylations diminue à l’état pré-diabétique.

Quantification des O-glycosylations par fluorimétrie directe dans la muqueuse de l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (moyenne + esm) (n = 6) (* : p<0,05 versus NC)

Figure 10 : L’expression de certaines UDP-N-acétyl-alpha-D-galactosamine:polypeptide N- acétylgalactosaminyltransférases est augmentée avant le diabète.

Quantification de l’expression génique des différentes Galnt exprimées d’après les microarrays Agilent dans la muqueuse de l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (moyenne + esm) (n = 7) (* : p<0,05 versus NC)

187

Suite à la mise en évidence d’une diminution de la quantité de Muc2 et des O-glycosylations totales, le profil des glycosylations des mucines a été analysé par spectrométrie de masse (Laboratoire de Glycobiologie Structurale et Fonctionnelle à Lille) (cf Annexe) et nous avons quantifié l’expression de certaines des glycosyltransférases impliquées dans la formation de ces glycosylations. L’expression de St3Gal1 et St6GalNac2 était augmentée avant le diabète, alors que celle de Gcnt1 était diminuée (Figure 11). Les profils de glycosylation ont confirmé par ailleurs ce que pouvait prédire l’expression génique, avec une diminution de certaines structures glycaniques neutres (branchées par Gcnt1), une augmentation de structures glycaniques sialylées (branchées par St3Gal1 et St6GalNac2) et une augmentation de structures glycaniques sulfatées, avant le diabète (cf Tableaux 3, 4 et 5 de l’Annexe). Une augmentation des structures sialylées est d’ailleurs rapportée dans les maladies inflammatoires intestinales[564].

Figure 11 : L’expression de certaines glycosyltransférases est augmentée avant le diabète. Quantification de l’expression génique de Gcnt1 (beta-1,3-galactosyl-O-glycosyl-glycoprotéine beta- 1,6-N-acétylglucosaminyltransférase 1, Gcnt3 (beta-1,3-galactosyl-O-glycosyl-glycoprotéine beta- 1,6-N-acétylglucosaminyltransférase 3), B3gnt6 (acétylgalactosaminyl-O-glycosyl-glycoprotéine beta-1,3-N-acétylglucosaminyltransférase), St3Gal1 (beta-galactoside alpha-2,3-sialyltransférase 1) , St6GalNac1 [(alpha-N-acétyl-neuraminyl-2,3-beta-galactosyl-1,3)-N-acétylgalactosaminide alpha- 2,6-sialyltransférase 1] et St6GalNac2 ((alpha-N-acetyl-neuraminyl-2,3-beta-galactosyl-1,3)-N- acetylgalactosaminide alpha-2,6-sialyltransferase 2) exprimées d’après les microarrays Agilent, dans la muqueuse de l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (moyenne + esm) (n = 7) (* : p<0,05 versus NC)

188

Une interaction étroite se met en place à l'état pré-diabétique entre les bactéries autochtones et la muqueuse iléale

Nous avons ensuite cherché à visualiser, grâce à des techniques de microscopie principalement, la présence des bactéries au niveau de la muqueuse de l’iléon.

Une surcroissance bactérienne a tout d’abord été confirmée par qPCR dans la lumière et dans la muqueuse de l’iléon à l’état de pré-diabète (Figure 12).

Figure 12 : Une surcroissance bactérienne affecte l’iléon dès l’état pré-diabétique. Quantification de l’ADN bactérien (ARNr 16S universel) par qPCR dans la lumière (A) et la muqueuse (B) d’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (moyenne + esm) (n = 7) (* : p<0,05 versus NC)

Un marquage des bactéries autochtones a ensuite été réalisé par FISH avec une sonde fluorescente (Texas Red) ciblant l’ARNr 16S universel (EUB338) sur des coupes d’iléon distal. Les résultats montrent que des bactéries étaient associées aux cellules épithéliales intestinales à l’état pré-diabétique, majoritairement au fond des cryptes, et à l’état diabétique les bactéries étaient visibles dans l’ensemble de la lamina propria, à l’intérieur de phagocytes (Figure 13). La présence de bactéries au fond des cryptes pourrait expliquer alors l’hyperplasie spécifique de ce compartiment à l’état pré-diabétique, révélée plus haut (Figure 4).

Afin d’explorer l’hypothèse selon laquelle les bactéries pourraient dégrader le mucus chez les souris nourries de régime gras, nous avons ensuite couplé la technique FISH avec un immunomarquage de Muc2. Une association spécifique des bactéries avec les cellules productrices de Muc2 (cellules caliciformes et cellules de Paneth) constituerait en effet un nouvel indice en faveur de notre hypothèse. Chez la souris normale, les bactéries luminales étaient séparées de l’apex des villosités par une couche contenant Muc2 (Figure 14A), alors qu’à l’état pré-diabétique des bactéries étaient associées à des cellules caliciformes et visibles dans la lumière des cryptes en étroite relation avec les cellules du fond des cryptes (Figure 14B). A l’état diabétique, des bactéries étaient visibles dans la lamina propria et entre les entérocytes (Figure

189

14C). L’association spécifique des bactéries avec les cellules sécrétant Muc2 renforce ainsi la

possibilité d’un parasitisme métabolique.

Figure 13 : Des bactéries sont étroitement associées à l’épithélium de l’iléon à l’état pré- diabétique et sont dans la lamina propria à l’état diabétique.

Hybridation in situ en fluorescence (FISH) des bactéries autochtones dans l’iléon de souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines). A, Villosités. B, Cryptes dont la base est soulignée par une ligne pointillée.

190

Figure 14 : Des bactéries adhèrent spécifiquement aux cellules productrices de Muc2 dans l’iléon à l’état pré-diabétique et franchissent l’épithélium à l’état diabétique.

Hybridation in situ en fluorescence (FISH) des bactéries autochtones dans l’iléon de souris saines (NC) (A), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) (B) et diabétiques (HFD 4 semaines) (C).

191

Plusieurs fonctions de la barrière intestinale sont altérées à l'état pré-diabétique dans l'iléon

Nous avons ensuite étudié la perméabilité ainsi que le statut inflammatoire et les défenses antibactériennes de la muqueuse de l’iléon.

La perméabilité de la muqueuse intestinale a été tout d’abord quantifiée à l’aide d’un traceur fluorescent, le FITC-Dextran 4 kDa. Les résultats ont montré que l’intestin était significativement plus perméable à ce traceur à l’état pré-diabétique spécifiquement (Figure 15).

Figure 15 : A l’état pré-diabétique, l’iléon est plus perméable au FITC-Dextran 4 kDa. Quantité de FITC-Dextran 4 kDa retrouvé dans le plasma 1 heure après administration orale chez des souris saines (NC), pré-diabétiques (HFD 1 semaine) et diabétiques (HFD 4 semaines) (n = 6) (moyenne + esm) (* : p<0,05 versus NC).

Un autre traceur, la NHS-Biotine, a ensuite été utilisé afin de visualiser sur des coupes d’iléon quelle voie de passage pouvait être affectée : paracellulaire ou transcellulaire. La révélation de la biotine à l’aide d’avidine-FITC a permis de mettre en lumière des voies différentes de passage de la biotine entre l’état pré-diabétique et l’état diabétique (Figure 16). Chez les souris saines la biotinylation n’atteignait que le haut des villosités ou alors n’atteignait pas l’épithélium. Chez la souris pré-diabétique par contre, la biotine avait pénétré dans l’ensemble des cellules épithéliales selon une voie transcellulaire, la fluorescence cernant les noyaux colorés au DAPI (Figure 16B). Et à l’état diabétique, une voie paracellulaire semblait être privilégiée, avec une fluorescence observée en dessous de l’épithélium de surface (Figure 16B). Ces résultats sont cohérents avec ceux présentés dans la figure 14, où la localisation des bactéries est limitée à l’épithélium de surface à l’état pré-diabétique et étendue à la lamina propria à l’état diabétique. Néanmoins, le FITC-Dextran 4 kDa est habituellement rapporté comme traceur paracellulaire. Il est alors

Documents relatifs