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Le cortex préfrontal inférieur droit, source de l’inhibition de réponse ?

notre résultat le plus saillant (significatif pour une correction pour comparaison multiple dans le cerveau entier) impliquait des déficits de volumes de matière grise dans le cortex inférieur frontal droit chez les enfants avec TDAH porteurs d'un allèle Met comparativement aux contrôles.

Le cortex préfrontal inférieur droit, portion du cortex préfrontal ventro-latéral, était considéré à la fin des années 2000 comme la source cérébrale des processus d'inhibition de réponse. L'inhibition de réponse peut être définie comme le processus par lequel une réponse dominante et routinière est annulée par un effort conscient, lorsqu'un indice aléatoire est détecté. Ce type de fonction est mise en œuvre dans des tâches bien connues telles que la Go/no-go task ou la Stop task (Rubia et al., 2003 ; Aron et al., 2004). Les études d'imagerie fonctionnelle ont montré que le signal dépendant du niveau d'oxygène sanguin (BOLD) s'accroissait dans cette région au moment de l'inhibition motrice, comparativement à a la situation de base de réponse routinière (Rubia et al., 2003 ; Aron et al., 2004). Les patients avec des lésions du cortex frontal inférieur présentent par ailleurs systématiquement des déficits aux tâches d'inhibition motrice (Aron et al., 2003). Sur la base de ces données, il a été suggéré que l'inhibition de réponse trouverait sa source dans le cortex inférieur droit exclusivement (Aron et al., 2004).

Contre cette interprétation devenue dominante, des auteurs ont souligné toutefois que cette région était impliquée dans une variété de tâches, certaines n'ayant pas de composante inhibitrice (Miller & Cohen, 2001 ; Hampshire et al., 2009). D’autres auteurs ont alors suggéré que le cortex préfrontal inférieur droit interviendrait dans les tâches de contrôle attentionnel (Shallice et al 2008 a et b), et plus précisément dans l'adaptation rapide permettant la réponse à des stimuli pertinent (Corbetta & Shulman, 2002) sans composante de réponse inhibitrice, tandis que les activations liées à l'inhibition seraient elles dépendantes de la tâche (Simmonds et al., 2008). Une étude d'imagerie fonctionnelle manipulant les conditions de Stop task confirme cette hypothèse, puisque le cortex inférieur frontal droit était activité à chaque fois qu'un indice saillant était présenté, que ce même indice invite à réaliser une inhibition de réponse ou non (Hampshire et al., 2010).

Les auteurs de cette recherche s'appuient sur les données de la littérature animale chez les primates non humains pour proposer une interprétation du rôle du cortex frontal inférieur droit dans le contrôle exécutif. Lorsque l'activité de neurones est enregistrée dans une région jugée équivalente chez les primates (le cortex préfrontal latéral droit), on observe un profil de réponse hautement adaptatif, avec une large proportion de neurones adaptant son profil de décharge aux stimuli pertinents pour l'action (Freedman et al., 2001 ; Everling et al., 2002 ; Duncan, 2001). Dans la mesure où de nombreuses régions cérébrales mettent en œuvre des processus d'inhibition locaux (Duncan, 2001), Hampshire et collaborateurs proposent que l'inhibition soit un processus secondaire qui ne soit en fait que le fruit d'une compétition entre deux réponses possibles. Ainsi, par exemple, dans le cas du traitement visuel, l'inhibition d'un objet lorsque l'attention est focalisée sur un autre serait un effet secondaire, une propriété émergente due à une compétition locale, alors même que ces objets sont soumis à des signaux top-down en provenance du cortex préfrontal inférieur droit. Ainsi, dans le cas de l'attention sélective dans un contexte de distraction, l'inhibition active d'un des objets non pertinents serait simplement obtenue par une focalisation attentionnelle supplémentaire sur l'objet pertinent alternatif (plutôt que par une inhibition per se de ce qui est distracteur). Sur le plan exécutif, de même, émettre la réponse motrice ou non tiendrait dans la compétition entre deux réponses en compétition, et focaliser l'attention sur l'une des deux options aurait tendance à inhiber secondairement l'autre. Si cette interprétation est intéressante, elle nous semble cependant également problématique, car il n'est pas certain qu'elle soit apte à rendre compte de l’aspect de l’inhibition qui intéressait à l’origine les créateurs de la Stop task : en effet, ce qui est crucial dans l'inhibition, ce n'est pas seulement la compétition entre deux réponses, c'est aussi l'arrêt d'une réponse en cours qui a déjà été lancée. Une fois que le message a été initié au niveau cérébral, s’ensuit une cascade de processus qui aboutit au mouvement moteur, à moins qu’il ne soit interrompu. Il y a donc bien lieu de penser qu’une région du cerveau déclenche l’ordre qui va stopper le processus enclenché.

Dans une étude d'imagerie fonctionnelle, Sharp et collaborateurs (2010) ont comparé les réseaux cérébraux impliqués dans la présentation de stimuli inattendus, et ceux impliqués dans les situations d'inhibition chez 26 sujets sains. La réussite dans l'inhibition était associée à des activations dans le cortex frontal inférieur droit et dans l'aire motrice pré- supplémentaire, mais seules les activations dans cette seconde région différenciaient l'inhibition motrice des situations de capture attentionnelle. Les auteurs en déduisent que l'inhibition motrice est spécifiquement associée à l'aire motrice pré-supplémentaire, et non au cortex préfrontal inférieur droit (Sharp et al., 2010).

Si le cortex frontal inférieur droit semble plutôt impliqué dans des aspects de contrôle attentionnel, il ne faut pas pour autant sous-estimer l'importance de l'implication de ces aspects attentionnels dans l'inhibition motrice. En effet, dans une étude de stimulation transcrânienne, la stimulation électrique du cortex frontal inférieur droit améliorait significativement la performance d'inhibition durant une Stop task, comparativement à la stimulation d'une région contrôle sans implication dans l'inhibition (Jacobson et al., 2011). Dans notre étude, chez les patients, de manière intéressante, les volumes du cortex frontal inférieur droit étaient significativement et négativement corrélés avec les reports parentaux d'hyperactivité et d'impulsivité, suggérant un lien direct entre cette structure et la symptomatologie de désinhibition motrice et comportementale. On peut alors supposer que la centration attentionnelle sur la tâche en cours supportée par le cortex préfrontal inférieur droit permet d'améliorer le comportement d'inhibition. Plus généralement, dans l'environnement de vie, cette région pourrait supporter une attention sur les tâches en cours (l'enseignant par exemple) qui inhibe la production d'impulsions motrices ou de comportement associées à d'autres idéations ou d'autres actions possibles (se lever de classe, sortir, etc.). Plus ce contrôle attentionnel est défaillant, plus l'enfant serait caractérisé par des initiations de réponses motrices qu'il doit contrôler après coup de manière plus coûteuse, avec des manifestations visibles pour l'entourage (symptomatologie hyperactive).