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Le corridor méditerranéen dans son contexte historique : évolutions et mise en

Le corridor méditerranéen dans son

contexte historique : évolutions et mise en

œuvre d’une vision

« - Alors, je vous écoute. Qu'est-ce qu'on met à la place de « conséquences graves » ? Je vous écoute. - On pourrait dire « graves conséquences ». C'est moins fort que « conséquences graves ». - Ils sont comment dans la direction Europe ? - Très inventifs aussi. » (Abel Lanzac, Quai d’Orsay, Tome 2, 2011)

Introduction

L’idée de corridor méditerranéen inscrite dans les documents de planification des Réseaux transeuropéens de transport et dans les plans d’infrastructures espagnols depuis les années 1990 est nourrie de près d’un siècle de revendications, de pensée territoriale et de projets plus ou moins aboutis, entre pétitions de principe et réalisation de tronçons d’infrastructures. Les premières allusions à un possible corridor ferroviaire méditerranéen remontent aux projets d’entrepreneurs valenciens dans les années 1920 et 1930. Les projets actuels – qui émanent des instances aussi bien européennes que nationales ou régionales, ainsi que du secteur privé – reposent ainsi sur un véritable palimpseste de références infrastructurelles, territoriales, culturelles et historiques.

L’existence d’antagonismes politiques et de revendications territoriales aux échelles locale, régionale et nationale, l’implication forte d’acteurs privés agissant selon leur implantation locale autant que selon l’inscription de leur activité dans un contexte mondialisé, ainsi que l’intégration dans le contexte européen de planification amènent à considérer le sujet à des échelles imbriquées. En outre, les logiques chronologiques des entrepreneurs, des acteurs politiques ou de la planification européenne ne sont pas nécessairement concomitantes.

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Il est par conséquent nécessaire de replacer les projets actuels de corridor méditerranéen dans leur contexte historique afin de déterminer l’effet des différents débats passés sur les tracés actuels (cf. Figure 6). Cette approche permet d’apprécier les évolutions du concept de corridor méditerranéen, la complexification progressive de l’objet d’étude et la constitution de visions du corridor au prisme des différents objectifs et revendications énoncés au cours du temps. Ce chapitre présentera tout d’abord l’émergence et l’évolution des revendications d’un corridor reliant les régions méditerranéennes espagnoles aux marchés européens depuis les années 1920 dans un contexte politico-économique changeant. Il dressera ensuite un tableau des différents avatars du projet de corridor méditerranéen depuis qu’il est inscrit dans les documents de planification nationaux et européens.

1 Le corridor méditerranéen, une revendication de longue

date

Le corridor méditerranéen est aujourd'hui avant tout assimilé au projet européen des RTE-T porté par la Commission européenne. Il est l’un des neuf corridors principaux qui structurent le réseau central avec pour objectif le maillage du territoire de l’Union européenne élargie. Ce corridor, mis en œuvre à partir des années 1990 dans les plans d’infrastructures nationaux et européens, est toutefois issu d’une réflexion qui remonte à la première partie du XXe siècle, et qui a façonné le projet contemporain, tant pour le fret que pour les voyageurs.

1.1 Genèse du corridor méditerranéen

C’est dans les années 1920, dans le secteur agricole, qu’émergent les premières revendications d’un axe de transport ferroviaire permettant de relier les régions productrices méditerranéennes de l’Espagne aux principaux marchés européens. Cette demande est reprise peu à peu dans le secteur industriel comme dans le secteur du tourisme, posant les jalons des futurs projets de corridor ferroviaire méditerranéen.

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1.1.1 L’exportation des oranges et les premières revendications

Les régions méditerranéennes espagnoles sont productrices de fruits et légumes et le secteur agro-alimentaire y est traditionnellement puissant. L’Espagne est en effet le principal fournisseur de primeurs – produits très majoritairement dans les régions méditerranéennes – à destination des marchés d’Europe occidentale. Dans les années 1920, ce secteur est d’ailleurs le seul à impulser le commerce extérieur espagnol :

« À l’inverse de la tendance à l’autarcie de l’ensemble de l’économie espagnole durant le premier tiers du XXe siècle, les premières décennies du siècle représentent dans le Pays valencien une période de consolidation de ses liens avec le marché extérieur, résultat de l’augmentation spectaculaire de ses exportations171. »172

C’est après la Première Guerre mondiale que les exportations d’agrumes connaissent une croissance importante173 : d’après les statistiques du commerce extérieur exploitées par Jordi Palafox Gamir174 elles sont multipliées par quatre entre 1920 et 1930, passant de 257,9 à 1 084,6 milliers de tonnes. Dans le même temps, la Grande-Bretagne, premier client, représente une part de moins en moins importante des exportations, au profit de la France et de l’Allemagne, marchés en forte croissance. Si, à la fin des années 1920, la part modale du chemin de fer dans les exportations d’oranges était proche de 30%, contre 6% au début de la décennie175, cela peut en partie être imputé à l’évolution du marché, les partenaires continentaux devenant plus importants. Cette croissance s’est faite au détriment du transport par voie maritime, jusqu’alors largement dominant.

Face à un secteur agricole dominé par un petit noyau dur de donneurs d’ordres étrangers possédant les capacités de financement et de crédit, et par quelques armateurs qui transportent les agrumes dans des conditions souvent médiocres, plusieurs propositions de réorganisation du secteur ont été faites, notamment après la crise de l’hiver 1925-1926 où deux épisodes de gel avaient mis en péril la production. On peut en particulier citer celle de José Bellver

171 “A diferencia de la tendencia hacia la autarquía del conjunto de la economía española durante el primer

tercio del siglo XX, los decenios iniciales de la centuria suponen en el País Valenciano un período en el que se consolidan sus vinculaciones con el mercado exterior, como resultado del espectacular aumento de las exportaciones.”. Sauf mention contraire, les traductions sont de l’auteur de cette thèse.

172 Jordi Palafox Gamir, « Estructura de la exportación y distribución de beneficios. La naranja en el País

Valenciano (1920–1930) », Revista de Historia Económica / Journal of Iberian and Latin American Economic

History, 1983, vol. 1, no 02, p. 339.

173 Robert Hérin, « L’agrumiculture espagnole », Méditerranée, 1968, vol. 9, no 4, p. 335‑383.

174 J. Palafox Gamir, « Estructura de la exportación y distribución de beneficios. La naranja en el País

Valenciano (1920–1930) », art cit.

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Mustieles en 1927, et celle de Francisco Doménech Beltrán et Juan B. Doménech Doménech en 1928, analysées par Vicente Abad García176. Toutes deux soulignent la nécessité de

réformer le secteur et préconisent – en matière de transport – l’établissement d’un monopole donné à une nouvelle compagnie de navigation contrôlée par l’État pour le premier, et par les producteurs d’orange pour les seconds (qui proposent d’apporter eux-mêmes les fonds). Comme on le voit, face à un problème de coût et de qualité du transport maritime, les propositions faites ne suggèrent pas un changement de mode. Ces deux propositions sont refusées par les assemblées des producteurs d’oranges qui se tiennent à Valence et à Castellón en 1928, les producteurs souhaitant conserver le modèle existant. La majorité de la profession reste fidèle à un principe libéral et individualiste, et rétive au changement. Les années 1930 sont d’ailleurs celles de la consolidation de l’individualisme « le plus grossier et le plus intransigeant »177, d’après Ignasi Villalonga178, juriste et homme politique valencien.

Toutefois il existe une fraction de producteurs d’agrumes qui, face à l’augmentation des exportations vers les pays continentaux et aux lacunes du transport par bateau, plaident pour le chemin de fer. Est créée à Valence en 1924 la FEN (Fédération des Exportateurs d’Oranges) autour de Norberto Ferrer, entrepreneur charismatique, propriétaire à Carcaixent, 45 km au sud de Valence, d’une des principales plantations d’orangers, qu’il a créée dans les années 1920 et qui subsiste encore aujourd’hui179. Vicente Abad García, chercheur à

l’Université Polytechnique de Valence, explique que la Fédération des Exportateurs d’Oranges réclame, dès les années 1920, de meilleures conditions de transport pour les agrumes par la voie ferrée180. Elle obtient en partie satisfaction, notamment avec une baisse

des tarifs du fret181. Toutefois, sa principale revendication, la pose d’un troisième rail

permettant aux trains de circuler à l’écartement standard européen182 en Espagne, reste lettre

176 Vicente Abad García, « Los primeros intentos de ordenación de la exportación citrícola: proyectos de Bellver

y Doménech (1927-1928) », Saitabi, 1981, no 31, p. 109‑120. 177 “Más cerril e intransigente.”

178 Ignasi Villalonga, « El actual momento de la economía valenciana y su relación con el conjunto de la

economía española » dans Unión económica (dir.), Solidaridad económica nacional. Ciclo de conferencias sobre

la aportacion de diferentes regiones españolas a la economía nacional, Madrid, Publicaciones de la Unión

económica, 1934, p. 113.

179 Ricardo Bellveser, « Norberto Ferrer Marege: 93 años de lucidez », Las Provincias, 6 juin 1982 ; José

Antonio Cortell, « Norberto Ferrer », Sènia, 1982, no 1, p. 11 ; Bernat Daràs i Mahiques, Los mejores: Norbert

Ferrer y Marege. Comerciante de naranja, http://www.carcaixent.org/carcaixent/dels-millors-norbert-ferrer-i-

marege-comerciant-de-taronja/, (consulté le 11 août 2014) ; Hort de Villa Antonieta, La Historia, http://www.villantonieta.com/web/la-historia/?lang=es, (consulté le 11 août 2014).

180 Vicente Abad García, Historia de la naranja (1781-1939), Valencia, Comité de Gestión de la Exportación de

Cítricos, 1984, 447 p.

181 V. Abad García, « El corredor mediterráneo », art cit.

182 L’écartement des rails le plus communément utilisé en Europe et dans le monde est de 1 435mm. Il

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morte. C’est pourtant cette solution qui est actuellement mise en œuvre, près d’un siècle plus tard (cf. Chapitre 3).

Les exportateurs d’oranges qui ont été parmi les premiers à réclamer un corridor ferroviaire méditerranéen aux standards européens dans les années 1920, réaffirment leurs revendications aux moments-clés du débat sur le corridor méditerranéen. En 1996, lors de l’inscription du corridor méditerranéen dans les RTE-T, l’Espagne est toujours le principal producteur mondial d’agrumes :

« L’Espagne est le leader des exportation de fruits frais grâce à sa position dominante pour les agrumes – oranges, mandarines et citrons. En effet, l’Espagne contrôle environ la moitié du commerce mondial de mandarines en volume183. » 184

Les fruits sont exportés en majeure partie vers l’Europe, notamment vers l’Allemagne et la France, et dans une moindre mesure vers les Pays-Bas. À elle seule, la Communauté valencienne produit les deux tiers des agrumes espagnols et, à l’exception des Canaries, ce sont les communautés autonomes méditerranéennes qui fournissent la totalité des agrumes185.

Or dans les années 1970 et 1980, le rail a vu sa part diminuer drastiquement dans le transport du fret en général et des primeurs en particulier, la route semblant plus appropriée parce que les camions peuvent livrer à moindre coût la marchandise à son destinataire final186. Toutefois, dans les cinquante dernières années, les volumes transportés par le chemin de fer en Espagne restent stables.

Néanmoins, le contexte de crise actuel, conjugué à la hausse des prix du carburant, au poids d’une éventuelle écotaxe en Europe et aux exigences environnementales croissantes, pousse à reconsidérer les avantages du transport ferroviaire. En 2011, le président de l’Association d’Exportateurs de Fruits de Castellón (Asociex), Jorge García, déplore devant la presse que les infrastructures ferroviaires ne soient plus opérationnelles aujourd’hui, et il estime que la

l’écartement majoritaire, appelé « écartement ibérique » est de 1 668mm, ce qui ne permet pas aux trains de franchir la frontière facilement.

183 “España es el país líder en la exportación de frutas frescas debido a su posición dominante en cítricos,

incluyendo naranjas, mandarinas y limones. De hecho, España controla alrededor de la mitad del volumen del comercio mundial de mandarinas.”

184 Roberta L. Cook, « Tendencias internacionales en el sector de frutas y hortalizas frescas », Economía agraria,

1997, no 181, p. 187.

185 H. Soria, « La exportación de cítricos », Vida rural, 1996, no 36, p. 70‑72.

186 Juan Antonio García Martínez et al., La planificación integral: Transporte de mercancías en España, Madrid,

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réalisation d’un corridor méditerranéen pour les marchandises serait un facteur clé dans le secteur agroalimentaire, surtout s’il permet une meilleure intermodalité rail-route187.

1.1.2 Paris-Casablanca : naissance de la justification par le tourisme

À la même période émerge peu à peu l’idée que le chemin de fer peut être un vecteur puissant pour le développement du tourisme espagnol, notamment en drainant les flux de Français entre le Maroc et la métropole. À cette idée s’ajoute la conscience d’un potentiel touristique du littoral méditerranéen espagnol, quoiqu’il soit encore à l’écart du principal axe ferroviaire traversant la péninsule.

Le Patronat National du Tourisme (PNT) est créé en 1928 sous la dictature de Primo de Rivera avec pour objectif de développer le tourisme en Espagne. Pour répondre à la difficulté de voyager entre le Maroc et Paris en chemin de fer, le voyage souffrant du manque de connexions garanties à Algésiras et à Madrid entre les différentes parties du trajet, le PNT met en place en 1932 un train direct permettant de relier Casablanca à Paris en traversant l’Espagne via Cordoue, Madrid et Ávila, donc par un itinéraire du centre de la péninsule. Si à l’aller les arrêts sont interdits aux voyageurs, des dépliants touristiques sont distribués et le billet du retour – qui a une validité de plusieurs jours – permet de faire halte dans les villes traversées188. Les villes mises en avant sont Grenade, Cordoue, Tolède et Séville, faisant appel à l’imaginaire d’un Orient désiré par les voyageurs du XIXe siècle. L’Office du Tourisme Espagnol de Paris (OTE) commence alors à promouvoir des itinéraires plus diversifiés permettant de valoriser la traversée de l’Espagne sur la route reliant la France au Maroc. L’itinéraire par Irún et Madrid propose une alternative par Canfranc et Saragosse ou encore par Port-Bou, Valence et Almeria, première évocation d’un parcours par l’axe méditerranéen189. Ce dernier parcours est destiné aux voyageurs en voiture car le littoral n’est pas desservi par un réseau cohérent de chemin de fer de la frontière française à Algésiras.

187 Ramón Olivares Ruipérez, « Los exportadores de cítricos piden el Corredor para “ahorrar costes” », El

Periódico Mediterraneo, 29 sept. 2011.

188 Alet Valero, « Le tourisme dans le Maroc espagnol sous le Patronato Nacional de Turismo 1928-1936 » dans

Société française des Outre-Mers (dir.), Le tourisme dans l’espace français (XIX-XX siècles), Paris, Société française des Outre-Mers, 2009, p. 220‑240.

189 Driss Boumeggouti et Alet Valero, « Les stratégies touristiques françaises et espagnoles au Maroc sous le

protectorat », Tourisme, 2006, Pour une histoire du tourisme au Maghreb. XIXème-XXème siècle, no 15, p.

49‑73 ; A. Valero, « Le tourisme dans le Maroc espagnol sous le Patronato Nacional de Turismo 1928-1936 », art cit.

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Si les années 1930 ne voient pas encore la revendication d’un axe ferroviaire de passagers le long de la côte, la promotion d’un axe touristique passant par les principales villes est toujours en vigueur aujourd’hui : les acteurs du tourisme plaident pour un corridor ferroviaire à grande vitesse permettant la desserte des stations méditerranéennes et une diffusion territoriale du tourisme à l’ensemble de l’axe. Au-delà du mode de transport, c’est bien l’émergence de l’idée de corridor méditerranéen touristique qui se joue dans les années 1930.

1.1.3 La structuration autour des premiers congrès et d’Ignasi Villalonga

Dans les années 1930, les entrepreneurs de la région de Valence se structurent autour d’un objectif commun : développer l’économie valencienne en renforçant son ouverture aux marchés européens. C’est dans ce contexte qu’est créé le Centre d’Études économiques valencien (CEEV) en 1929, premier centre de ce genre en Espagne. Il est à l’origine de la première Conférence économique du Pays valencien, qui se tient de mai à décembre 1934 dans plusieurs villes de la région, et qui a pour objectif de mettre la connaissance au service du développement économique régional :

« Il s’agissait de créer, dans la droite ligne de la pensée de l’époque, une « pensée » économique valencienne qui pourrait être unanimement défendue par les différents partis politiques valenciens, dans un contexte changeant dans lequel s’entrecroisaient les efforts d’unification européenne et d’ouverture aux échanges économiques mondiaux190 »191

À l’origine de ce congrès, Ignasi Villalonga, juriste et homme politique porteur de l’idée de valencianisme politique192, prend notamment parti pour la réalisation des aménagements

ferroviaires nécessaires afin de relier la région de Valence à Barcelone et à l’Europe dans de bonnes conditions, sans passer par Madrid. Cette revendication porte essentiellement sur la réalisation d’un corridor ferroviaire méditerranéen pour les marchandises, afin de favoriser l’économie valencienne et de renforcer son poids en Espagne.

190 “Es tractava de crear, en la línia del pensament del moment, un “criteri” econòmic valencià que poguera ser

defensat unànimement pels diferents partits polítics valencians, dins d’un context canviant en què els esforços d’unificació europea i d’obertura als corrents econòmics mundials s’entrecreuaven.”

191 Josep Vicent Boira i Maiques, « Conèixer per actuar: un repte de ciència humana », Mètode, 2011, no 44, p. 8. 192 Frederic Ribas, « Ignasi Villalonga, el valencianisme modern: tradició i dinamisme », Revista de Catalunya,

2007, no 230, p. 18‑28 ; Rafael Valls, « Ignasi Villalonga i el valencianisme » dans Borja de Riquier

Permanyer (dir.), Història, política, societat i cultura dels Països Catalans, Barcelone, Enciclopèdia Catalana, 1997, vol.9, p. 1930‑1939.

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D’autres penseurs des années 1930 prennent parti pour un corridor méditerranéen au nom du même principe de rapprochement entre la Catalogne et Valence et d’ouverture de leurs économies vers la France et l’Europe. Romà Perpinyà i Grau, économiste valencien, fait également partie du CEEV et participe à la Conférence économique de 1934. Il publie dans la revue Economia i Finances le texte de son intervention à l’Union catalane justifiant l’intérêt d’un rapprochement économique entre les deux régions catalanophones193. Dans ce texte,

l’auteur fait référence à la crise économique mondiale et explique que l’économie valencienne, fondée sur les exportations agricoles et la petite industrie familiale, est étroitement dépendante du contexte international :

« Voici les besoins ou conditions de prospérité de l’économie valencienne : prospérité européenne, liberté commerciale et prix bas en Espagne194. »195

Romà Perpinyà met également en cause les effets d’une orientation commerciale exclusive vers le marché intérieur espagnol, responsable selon lui d’un déséquilibre des flux du port de Barcelone, essentiellement importateur alors que les industries catalanes sont puissantes et qu’il devrait donc être exportateur. Partant du constat que les ports catalans et valenciens représentent 50% du commerce extérieur de la Péninsule, l’auteur met en avant l’intérêt de l’axe méditerranéen, et en particulier de l’alliance entre la Catalogne et Valence, pour l’économie ibérique. Il met ainsi au centre de son argumentaire les rapports entre les principales villes espagnoles et la question du rapport entre les différentes régions. À l’opposition entre Barcelone et Madrid, la première étant décrite comme économiquement inféodée à la seconde, s’ajoute la question du rapport entre la Catalogne et Valence, deux régions qui se tournent le dos mais dont les intérêts convergent dans son esprit. De l’analyse des structures économiques des deux régions, Romà Perpinyà déduit en effet la nécessité d’une coopération accrue dans le cadre d’une économie ouverte sur l’Europe en reconstruction :

« Je parle, donc, d’une économie méditerranéenne non pas comme un marché clos mais comme l’organisation de la partie la plus importante des activités économiques de la Péninsule196. »197

193 Romà Perpinyà i Grau, « L’interès collectiu economic a Catalunya i Valencia », Economia i Finances, 1931,

p. 354‑377.

194 “Heus ací les necesitats o requisits de prosperitat de l’economia valenciana: prosperitat europea; libertat

comercial, i baixos costos espanyols.”

195 R. Perpinyà i Grau, « L’interès collectiu economic a Catalunya i Valencia », art cit, p. 374.

196 “Parlem, doncs, d’economia mediterrània no com a un clos, sinó com ordenación de la part més important

de l es activitats econòmics de la Península.”

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Pour l’auteur, c’est là que résident les principaux arguments justifiant un corridor ferroviaire méditerranéen, doublé d’un axe maritime de cabotage :

« On entre ainsi de plain-pied dans le grand problème ferroviaire espagnol d’une part, et dans le développement du commerce de cabotage d’autre part. Permettez-moi de ne rien dire pour l’instant des rails ; d’autres plus qualifiés que moi le feront. Mais permettez-moi de souligner

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