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Chapitre 4 : Un corps changeant et à réapprendre

2. Le corps : une machine à réparer

Etre à l’écoute de son corps

Entrer dans une période caractérisée par autant de changements suppose que les individus soient davantage à l’écoute de leur corps. Cela relève du bon sens, de la logique selon Luc : « C’est que du bon sens. Moi quand je scie une planche je me mets dans le plan de

l’épaule, pas comme ça ! C’est juste logique. » (Luc, 58 ans, ostéopathe, l.518). Mais la

vieillesse s’apparentant à une nouvelle phase d’apprentissage, l’individu doit faire face aux questionnements que soulève son corps qui change et qui doit être écouté, ressenti. Ce nouveau soin accordé au corps correspond donc à une forme d’apprentissage. La logique n’est pas immédiate mais elle est bien présente.

« Ouais bah parce que tu apprends beaucoup à te... t'apprends sur ton corps, t'apprends beaucoup à maîtriser, pas maîtriser mais à développer tes compétences corporelles et puis

c'est beaucoup d'apaisement aussi, dont tu as besoin pour un peu te couper de toutes ces injonctions, et beaucoup d'écoute de ses propres besoins. Donc ça c'est bien, ça fait beaucoup

de bien de prendre un peu de temps pour ça. Moi je trouve qu'on gagne en souplesse, on gagne en fluidité, on gagne en, comment dire ? En apaisement. Voilà. Ça apaise. »

(Stéphanie, 54 ans, cadre médico-social, l.994)

L’écoute de son corps passe par exemple par l’apaisement. Il s’agit de se recentrer sur soi- même, de faire un travail sur soi pour retrouver la souplesse rigidifiée par les injonctions sociales. Ces dernières ont tendance à détourner les individus de leur corps, de leur bien- être, les dépossédant de leur corps petit à petit. Ecouter son corps c’est dépasser le cadre sociétal pour satisfaire ses propres besoins ainsi que l’exprime Christelle : « peu à peu ton

corps si tu es un peu à l’écoute, t’oriente et te dirige. » (Christelle, 45 ans, commerciale immobilier, l.370).

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A la recherche du bien-être

La logique d’écouter son corps se concrétise alors quand les individus prennent conscience que pour vivre au mieux leur vieillissement et tenter de pallier le décalage corps/esprit, le bien-être constitue une quête pleine de sens. C’est à travers cela qu’ils tentent de retrouver une partie de leur existence remise en question par cette avancée en âge qu’ils ne peuvent maitriser.

« Alors dans hygiène de vie il y a de l’activité physique pour pas dire sport, y a alimentation, il y a le repos et puis le … une prise en charge personnelle de l’état dans lequel on voudrait

être. Comment voulons-nous vieillir, dans quel état. » (Luc, 58 ans, ostéopathe, l.757)

Face à cette perte de contrôle, les individus se questionnent sur le vieillissement qu’ils voudraient avoir. Comme ils ne peuvent l’éviter, ils peuvent plus ou moins décider comment ils continueront de vieillir. L’intérêt est d’accéder au « bien vieillir » ainsi que nous avons déjà pu le constater. Cela passe donc par une certaine hygiène de vie. L’important est de pouvoir se projeter et de se visualiser avancer dans le vieillissement. Souvent d’ailleurs, ce travail de projection s’effectue en fonction de ce que à quoi les individus sont confrontés au quotidien : parents, amis, voisins, ils servent tous de supports et de « modèles ».

Le but de cette quête est bien évidemment de réconcilier son corps avec son esprit et donc, de trouver une certaine forme de paix intérieure et extérieure. C’est d’ailleurs ce que tente d’exprimer Christelle : « Mais ça c’est aussi une évolution avec l’âge, il y a une forme de paix

et de bien-être qui s’installe » (Christelle, 45 ans, commerciale immobilier, l.360). Certes les questionnements sont nombreux mais la finalité est de se retrouver soi-même et d’être en paix.

Préserver son capital santé

Adopter une hygiène de vie pour garantir un bon vieillissement passe alors par la préservation de son capital santé. La santé est perçue de la sorte car on se rend compte que c’est une donnée de l’existence dont la qualité est limitée, en témoignent les nombreuses pathologies qui planent au-dessus de la tête de nos enquêtés au corps fragilisé. Selon Luc, il

J’ai cinquante ans, c’est grave docteur ?

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faut faire attention à sa santé en optimisant le « terrain » tout au long de sa vie : « C’est une

question de terrain, d’hygiène de vie, de mental. La superposition de tout ça va permettre de garder le 100 % du potentiel de santé qu’on a à la naissance. » (Luc, 58 ans, ostéopathe, l.38). Cette attention régulière correspond au fait de préserver sa santé, qui passe elle- même par la bonne considération du corps et de l’esprit. Par ce biais, l’individu peut espérer retrouver un peu de contrôle sur son corps mais également sur son vieillissement. Il pense alors pouvoir le ralentir, à l’image de Frédéric qui tente de « Retarder l’échéance d’être, de

devenir une loque et dépendant par rapport à ceux qui devront s’occuper de nous : les enfants d’abord et la société aussi » (Frédéric, 57 ans, analyste, l.170).

Un bon vieillissement est un potentiel que chacun des individus a en lui. Comme tout potentiel, il faut savoir et aussi avoir envie de l’optimiser, à l’image par exemple de Christelle : « Justement je fais attention. Pour préserver mon corps le plus longtemps

possible » (Christelle, 45 ans, commerciale immobilier, l.263). Mais cette préservation requière de l’apprentissage, afin d’exploiter ce potentiel intrinsèque à chacun. Tous n’ayant pas leur capital santé au même niveau, leurs chances de maximiser leur potentiel santé ne sont pas égales.

Pour finir, on retrouve bien cette idée de corps-machine dans le registre de Luc : potentiel, optimisation, travailler, l’ensemble fait penser à une machinerie dont chacun doit maximiser la productivité dans le but d’obtenir un meilleur rendement.