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B.1 La coordination par un couplage entre des normes sociales et l’existence de leaders

CHAPITRE III-LA COORDINATION DANS LES COMMUNAUTES OPEN

I. B.1 La coordination par un couplage entre des normes sociales et l’existence de leaders

Dans le contexte des communautés, la coordination est souvent vue comme un ensemble de mécanismes pour établir des lien entre les acteurs, de maintenir les relations sociales entres eux et de gérer les rapports hiérarchiques (Grosjean et Lacoste, 1999).

Muller (2004) souligne à ce sujet que les normes sociales fournissent un premier mécanisme de coordination dans les communautés. Elles permettent selon lui de limiter l‘accès aux individus en décrivant de manière générale les objectifs de la communauté ainsi que les moyens mis en œuvre pour les atteindre.

« les normes prévalant au sein d‟une communauté permettent de délimiter un ensemble d‟objectifs et de comportement considérés comme acceptables… la sélection des individus appelés à intégrer la communauté est similaire à un problème de correspondance entre les objectifs et comportements au sein de la

58 La théorie des coûts de transactions a permis de mettre la lumière sur les formes hiérarchiques de

gouvernance comme mode de coordination répondant aux « échecs du marché ». L‘existence de l‘organisation est alors expliquée à travers l‘existence de coûts de transaction (Coase, 1973 ; Williamson, 1975) que sont les coût résultant des ressources mobilisées pour accomplir une transaction par le biais du marché. L‘analyse transactionnelle présente un ensemble de règles hiérarchiques qui prescrivent le comportement, guident le choix individuel conformément aux besoins de l‘organisation et fournissent une structure commune. L‘autorité et la hiérarchie constituent le mode régulateur permettant de coordonner l‘activité et de réduire l‘opportunisme (williamson, 1985).

communauté et les visées individuelles…Une des premières tâches entreprises par un nouveau membre consiste à assimiler les normes sociales au sein de la communauté à fin de mieux cerner les objectifs de la communauté ainsi que les moyens mis en œuvre pour les atteindre » Muller (2004, p. 54).

Les normes fournissent ainsi un mécanisme de coordination important en produisant une homogénéisation des comportements et des objectifs individuels. Elles constituent aussi, au sens de Arrow, une composante de l‘autorité « impersonnelle » coordonnant les comportements individuels (Arrow, 1974). Ces normes sont partagées par les membres de la communauté et maintenues par l‘existence de sanctions (morales) imposées aux individus la violant (Elster, 1995).

La coordination par les normes sociales est également valable dans le cadre des communautés Open Source. En effet, comme nous l‘avions décrit dans la deuxième section de ce chapitre, l‘intégration d‘un nouveau membre dans la communauté des développeurs dépend du temps passé par l‘individu à s‘informer sur les normes sociales et les règles de comportement prévalant au sein de la communauté (von krogh et al., 2003).

D‘un autre coté Muller (2004) souligne que la coordination par le biais des normes sociales donne lieu à certaines limites et qu‘elle doit être couplée à la présence de leaders au sein de la communauté. Il montre que la présence de leadership dans une communauté peut jouer un rôle important dans la coordination des comportements d‘agents hétérogènes appartenant à la communauté « par une capacité de « médiation » qui leurs permet de filtrer les communications au sein des communautés à fin d‟apporter une cohérence dans la base de connaissance commune et d‟orienter le comportement des membres dans une direction déterminée » (Muller, 2004, p. 57). Seulement, à la différence des mécanismes de coordinations traditionnels ou les leaders sont désignés et assignés par une structure formelle, le processus de construction de leadership dans un cadre communautaire se base principalement sur deux mécanismes : la réputation et la confiance (Muller, 2004). Il s‘agit de deux concepts complémentaires et étroitement liés permettant d‘abord, par la réputation, la construction d‘un statut de leader en facilitant les premières interactions entre les individus. Ensuite le statut de leader est soutenu par le développement de relations de confiances. « Ne fournissant qu‘un mécanisme autorisant la première interaction, la réputation ne constitue qu‘un mécanisme de court terme nécessaire à la construction de leadership. Un leader ne peut

92 membres de la communauté. C‘est à ce point qu‘agit la confiance. Cette dernière permettant la pérennisation des relations entre les leaders et les membres ».

Le concept de réputation dans les communautés est considéré comme un ensemble d‘informations dans le comportement passé d‘un individu. Selon Kreps (1990), la réputation est « un concept fortement utile dans des environnements distribuées caractérisés par de forte incertitude en la réduisant et en impliquant une première interaction entre agents » (Kreps, 1990).

Muller (2004) souligne également qu‘en fournissant le point de départ des relations interpersonnelles, « la réputation permet de à l‟individu d‟accroître sa notoriété au sein de la communauté. Dans le cas où ce dernier parvient à l‟honorer, se forme un cercle vertueux où la multiplication des relations interpersonnelles contribue à un renforcement de la réputation, favorisant les interactions. » (Muller, 2004, p. 65). Dans une étude concernant les formes de coopérations interentreprises, Rullière et Torre (1996) montrent que la confiance est également un concept indispensable dans la coordination d‘une activité collective. En effet, la répétition des échanges entre les acteurs favorise et maintien le comportement coopératif (Rullière et Torre 1996) par la construction d‘antécédents communs qui donne naissance à la confiance provoquant à son tour les interactions futures.

Les travaux présentés dans cette partie montrent que la coordination dans les communautés se base sur les relations sociales et interpersonnelles qui facilitent les premières interactions, les maintient dans la durée. Ils donnent naissances à des dispositifs (confiance et réputation) qui permettent gérer les rapports hiérarchiques. Cependant, ces mécanismes diffèrent d‘une communauté à une autre. Dans les communautés virtuelles, par exemple, la confiance qui émerge ne résulte pas de relations directes entre les acteurs. En plus, la construction de la réputation et de la confiance ne se fonde pas de manière exclusive sur le volume de connaissances diffusées mais aussi sur leurs qualités. Ceci est valable dans le cadre des communautés virtuelles, dans la mesure où le processus d‘intégration ou de leadership dépend de plusieurs facteurs autre que la fréquence d‘interactions (cf. section 2-chapitre II). Nous montrons dans la partie suivante que la communication, fondée sur la mise en œuvre des interactions entre les acteurs d‘une communauté, est une fonction fondamentale de coordination.