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Calcul des propriétés du polydomaine 2T

6.1 Différentes contributions, différentes échelles

6.1.1 Les contributions à la piézoélectricité

La complexité de l’étude des cristaux polydomaines provient notamment de l’exis-tence de plusieurs contributions à la piézoélectricité totale. En effet, si l’on définit la piézoélectricité comme la propriété physique reliant macroscopiquement champ électrique et déformation, ou contrainte et polarisation, il faut distinguer plusieurs contributions de natures différentes.

La contribution intrinsèque

On a déjà évoqué la contribution intrinsèque qui désigne la contribution d’un domaine isolé. Les déformations et la polarisation sont celles de la maille cristal-line. Par opposition, on désigne par composante extrinsèque tout ce qui s’ajoute à cette contribution.

Expérimentalement, on mesure les propriétés intrinsèques dans un état mono-domaine. Plusieurs tenseurs piézoélastiques complets ont été rapportés dans la littérature ; ils sont donnés dans le tableau 6.1 pour des cristaux monodomaines ou polydomaines. Il faut noter que certains de ces résultats sont à prendre avec précautions. Sans revenir sur les aspects spécifiques à chaque méthode mention-nés au chapitre 4, notons que les valeurs données par He et al. pour PMN-35%PT ne respectent pas toutes les relations de la piézoélectricité rappelées en annexe C, peut-être en raison de larges incertitudes sur certains coefficients.

Une autre difficulté plus fondamentale est illustrée par les mesures du monodo-maine PMN-33%PT de Zhang et al. [112]. Elles ont été réalisées en forçant l’état monodomaine rhomboédrique par l’application d’un fort champ électrique suivant [111]. Or on a vu dans le chapitre 1 que la maille cristalline des PMN-PT dans la zone morphotropique était plutôt monoclinique. Cette phase monoclinique a effectivement été observée dans PMN-33%PT polarisé suivant [001] par Bokov et al. [113]. Il est donc hasardeux d’utiliser les mesures de Zhang et al. [112] pour le calcul des propriétés d’un tel polydomaine.

La contribution des parois de domaines

La contribution des parois de domaines désigne la contribution d’un déplacement des parois de domaines aux réponses diélectrique et piézoélectrique.

La contribution des parois de domaines aux propriétés diélectriques a été parti-culièrement étudiée pour l’inconvénient qu’elle peut représenter pour les appli-cations : non linéarité, irreversibilité, dispersion (voir par exemple la revue de

Matériau État Référence Méthode PZN-8%PT 4R [88, 114] Pulse-echo PZN-7%PT 2R [22] Mesures d’impédance PZN-7%PT 4R [115] Pulse-echo et impédance PZN-(6-7)%PT 1R [116] Pulse-echo PZN-4,5%PT 1R [98] Diffusion Brillouin PZN-4,5%PT 4R [117] Pulse-echo et impédance PMN-42%PT 1T [118] Pulse-echo et impédance PMN-38%PT 1T [119] Mesures d’impédance PMN-35%PT 1T [120] Pulse-echo PMN-33%PT 1R [112] Pulse-echo

PMN-33%PT 4M [34, 35] Brillouin, Pulse-echo et impédance

PMN-30%PT 4R [33] Mesures d’impédance

PMN-29%PT 2R [23] Pulse-echo et impédance

KNbO3 1O [121] Multiples

KNbO3 1O [95] Diffusion Brillouin

BaTiO3 1T [122] Multiples

BaTiO3 1T [94] Diffusion Brillouin

PbTiO3 1T [96] Diffusion Brillouin

LiNbO3 1T [90] Spectroscopie acoustique

Tab. 6.1: Liste des tenseurs complets publiés à notre connaissance pour les monocris-taux PZN-PT et PMN-PT. Quelques références pour les tenseurs des ferroélectriques classiques sont également données. La méthode pulse-echo n’est pas présentée dans ce rapport. Elle consiste à mesurer des vitesses d’ondes acoustiques par émission d’une impulsion et détection de son écho.

Setter et al. [123] section 4.C). Elle a également été mise en évidence dans les

céramiques de BaTiO3 et de PZT [124].

Sa contribution à la piézoélectricité totale des monocristaux polydomaines est

plus limitée. En particulier elle n’intervient pas dans le coefficient d33 des

poly-domaines 4R ou 4M tels que PZN-4,5%PT polarisé suivant [001] [125, 126]. Des travaux théoriques sur cette contribution extrinsèque à la piézoélectricité ont été

réalisés pour KNbO3 par Topolov [127] et sur RbH2PO4 par Kopal et al. [128].

Expérimentalement, il est possible d’estimer cette contribution par des mesures en fonction de la fréquence et de l’amplitude du champ d’excitation (Damjanovic et al. [129,130]). Zhang et al. [131] ont également proposé une façon de distinguer l’effet intrinsèque de la contribution des parois de domaine en mesurant

séparé-ment le coefficient piézoélectrique en pression hydrostatique dh et les coefficients

d31, d32 et d33. Une identification de la contribution des parois de domaines a

également été réalisée par Jones et al. [132, 133] par diffraction des neutrons en suivant dans le temps la variation de fractions volumiques de domaines.

Basculement de domaines

Les pérovskites dont il est question dans ce travail sont ferroélectriques ; elles sont aussi ferroélastiques : la polarisation est indissociable d’une déformation de la maille cristalline. Ainsi, dans un cristal quadratique, si on applique un champ électrique suffisamment fort perpendiculairement à la polarisation, on peut aller jusqu’à la faire basculer dans le sens du champ. Ce basculement à 90˚s’accom-pagne alors d’une grande déformation liée à l’inversion des axes a et c de la maille.

Bien souvent, ce phénomène n’apparaît qu’à fort champ et n’est pas réversible. Burcsu et al. [134,135] l’ont tout de même mis à profit en proposant un mécanisme

de très grande déformation dans des cristaux de BaTiO3. Liu et al. [136] ont

également invoqué ce procédé pour expliquer les déformations exceptionnelles de

BaTiO3 polarisé suivant une direction [207] observées par Chu et al. [137].

Dans la mesure où on se limite ici à la réponse piézoélectrique à champs faibles, on ne tiendra pas compte de ce phénomène dans ce qui va suivre.

L’effet d’encastrement

On a vu la différence entre la permittivité d’un cristal libre (à contrainte nulle) εT

ij et celle d’un cristal encastré (à déformation nulle) εS

ij, ainsi que la différence

entre les propriétés élastiques mesurées à champ électrique ou à déplacement électrique constant. De manière générale, les conditions aux limites électriques et mécaniques appliquées à un cristal, ou à un domaine dans un cristal polydomaine, en modifient les propriétés électromécaniques.

C’est cet effet qui fera l’objet de la suite de ce chapitre.

6.1.2 Calculs des propriétés des polydomaines